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Le Fcfa Est Mort, Vive L’eco Cfa

Le 20 mai, l’Élysée a annoncé par voie de communiqué « un projet de loi concernant un accord de coopération entre la France et les gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine » afin d’entériner le changement de monnaie : du franc CFA à l’ECO. Alors, franc CFA, fin de partie ? Renouvellement paradigmatique préfaçant une renégociation du narratif entre la France et ses anciennes colonies[1], vraiment ?

La fin du franc CFA : une ambition française ?

Après avoir botté en touche sur la question du franc CFA, lors de son discours prononcé à Ouagadougou le 28 novembre 2017, au prétexte que c’était « un non-sujet » pour la France, le président Emmanuel Macron semble s’être ravisé. Entre les critiques de ses homologues sur le maintien d’un système jugé néocolonialiste, de critiques africaines sur l’opération Barkhane démontrant une lassitude en l’absence de résultats tangibles, la stagnation du dossier sur la restitution des œuvres d’art à l’Afrique, il fallait manifestement un geste pour enrayer la dégradation de l’image de la France et potentiellement renégocier les liens avec les pays ouest-africains, dans un contexte de plus en plus concurrentiel.

Témoin de ce virage et que le franc CFA est malgré tout un sujet français, dès le mois de novembre 2019, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s’était déclaré favorable à « une réforme ambitieuse » sur cette question, formulation pour le moins sibylline ayant laissé cois de nombreux observateurs. Et en l’espèce, la question est de savoir à qui profite ladite réforme ?

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Il devrait pourtant y avoir tout lieu de se réjouir de ce changement. Le débat sur le franc CFA occupe, en effet, l’espace médiatique depuis plusieurs années. Chercheurs, intellectuels, activistes, membres de la société civile, jeunes des différents pays concernés, nombreux sont ceux à s’être engagés pour un changement radical de monnaie, mais également de système monétaire de sorte à assurer les conditions de leur souveraineté, gage d’une indépendance à l’égard de leur ancienne métropole : la France. Au-delà du nom, du symbole qu’il incarne dans les représentations – qui ne saurait relever de l’anecdotique, tant la déclinaison de l’acronyme avait subi un toilettage a minima Franc, passant de franc des Colonies françaises d’Afrique à franc de la Communauté financière en Afrique – l’enjeu sous-jacent était et reste bel et bien politique, concernant avant tout la renégociation des liens entre les différentes parties.   Il s’agit enfin pour ces détracteurs de parachever le processus de décolonisation et de promouvoir de nouveaux rapports géopolitiques.

L’ECO ou la conjuration de la « servitude volontaire » ?

Le 21 décembre 2019, après avoir soutenu que c’était un « faux débat », en février 2019 sur le perron de l’Élysée, témoignant de relations de connivence entre la France et la Côte d’Ivoire, le président Alassane Ouattara, avait annoncé depuis Abidjan, aux côtés de son homologue Emmanuel Macron la fin du franc CFA au profit de l’ECO (réduction d’ECOWAS version anglaise de la CEDEAO). S’en étaient suivies une série d’annonces :  « Le compte d’opération à la Banque de France est supprimé et (…) les représentants français siégeant au sein des instances de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) vont être retirés », un ensemble de décisions qui devaient être entérinées au cours de l’année 2020. C’est désormais chose faite. Sauf que des points sensibles n’ont pas été débattus : pertinence ou non de l’élargissement d’un panier monétaire ? Quels objectifs poursuivis non par la France, mais par les pays concernés par cette réforme ? Quel rétroplanning ? Quelle méthodologie ? L’ensemble de ces questions a été évacué par le projet de loi proposé par l’Élysée, qui annonce d’un même allant le maintien de l’indexation de la nouvelle monnaie sur l’euro et se positionne comme garante financière : « La place de la France se transforme donc pour devenir celle d’un simple garant financier ». S’il s’agit en l’état d’un projet de loi qui devra être soumis au vote des parlements nationaux, de nombreuses inconnues demeurent : quelles sont les conditionnalités de la garantie de la France ? Pourquoi se conserver un droit de regard ? Est en effet envisagé comme suit : «  de nouveaux mécanismes sont prévus pour (…) permettre à [la France] de disposer de l’information nécessaire pour suivre et maîtriser le risque financier qu’elle continuera de prendre. Il s’agit notamment d’informations régulièrement transmises par la BCEAO ou de rencontres informelles avec les différentes autorités et institutions de l’Union ». Quelles sont les conditionnalités d’un tel accord ? Si peut-être sur le plan économique ces décisions peuvent se justifier sur le plan politique, l’amertume d’une souveraineté sous conditions transparaît.

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