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Lutte Contre La Corruption, Le SÉnÉgal TraÎne Lourdement Les Pieds

Lutte Contre La Corruption, Le SÉnÉgal TraÎne Lourdement Les Pieds

Par notre comportement de tous les jours, nous Sénégalaises et Sénégalais, donnons raison au vieux président-politicien qui, fort d’une certaine conviction, nous a gouvernés à sa guise et souvent avec mépris pendant douze longues années. Cette conviction était fondée sur la certitude que nos mémoires étaient courtes. Il disait exactement ceci, au cours d’un bureau politique ou son équivalent : « Senegale, boo ko laaje lu mu réere biig du la ko wax, te gëmul ludul nguur ak xaalis. » En français, il le dirait ainsi : « Le Sénégalais a la mémoire courte et ne croit qu’à l’argent et aux honneurs. » Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il a parfaitement raison. Dans toute grande démocratie, dans seulement tout pays sérieux, les graves forfaitures qui ont jalonné sa longue et infecte gouvernance lui auraient valu les pires déboires judiciaires[1]. Au lieu de cela, les foules continuent de courir derrière lui et nombre de journaux lui réservent encore leurs ‘’Une’’.

Voilà huit ans qu’il a quitté le pouvoir et son digne successeur se fait la même conception de nous et mène exactement la même nauséabonde gouvernance. Nous constatons que, depuis le 2 avril 2012, son installation officielle, les scandales succèdent aux scandales, aussi graves les uns que les autres, sans susciter la moindre indignation du peuple. Les plus récents crèvent nos yeux et nous percent les tympans. Ce sont, naturellement, la gestion des milliards destinés à l’aide des populations démunies laissée à son beau-frère, le très contesté contrat liant la Senelec à Akilee, les dizaines de licences de pêche accordées en dehors de toute réglementation à des bateaux chinois qui pillent sans état d’âme nos maigres ressources halieutiques, ce vrai-faux décret qui accorde de façon indécente des privilèges exorbitants aux anciens présidents du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Il y a eu une période où les partenaires dits techniques considéraient le Sénégal comme un exemple de bonne gouvernance et de démocratie. C’était très mal connaître nos réalités. Á supposer qu’ils aient eu raison, le Sénégal marque le pas et se fait distancer par nombre d’autres pays. Parmi eux, je ne citerai pas le Botswana et la République des Îles du Cap-Vert qui sont loin, très loin devant nous. Je prendrai plutôt des exemples encourageants de pays considérés jusqu’ici comme corrompus ou très corrompus.

Je partirai du Burkina Faso, qui n’est pas considéré d’ailleurs comme un pays très corrompu, peut-être même pas corrompu, mais l’exemple est fort intéressant. Un ex-ministre de la Défense, Jean-Claude Bouda, a été arrêté et écroué à la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou. C’était le mardi 26 mai dernier. Selon Yaya Boudani, correspondant de RFI à Ouagadougou, tout est parti d’une plainte du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) pour « délit d’apparence et enrichissement illicite ». Suite à cette plainte, l’ex-ministre a été auditionné puis directement transféré à la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou.

Les déboires de l’ex-ministre ont commencé, en décembre 2018, par des photos d’une luxueuse villa qui font le tour de la Toile et qui serait la propriété de l’ex-ministre de la Défense. Après quelques mois d’enquêtes, le REN-LAC dépose une plainte pour des faits de « délit d’apparence, d’enrichissement illicite, de fausses déclarations d’intérêts et de patrimoine », entre autres. La luxueuse villa, dont le coût est estimé à près de 500 millions de francs CFA, n’apparaissait nulle part dans la déclaration des biens de l’ex-ministre à sa nomination au sein du gouvernement. Et le REN-LAC estime, qu’en tous les cas, « les ressources qu’il avait déclarées ne pouvaient non plus lui permettre une telle acquisition ». De source judiciaire, il est poursuivi pour « faux et usage de faux, blanchiment de capitaux et délit d’apparence ». Pas seulement. Son nom est également cité dans d’autres dossiers pour lesquels aucune plainte n’est pour le moment déposée.

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Une villa de 500 millions de francs CFA considérée comme très luxueuse et ne figurant pas dans la déclaration de ses biens au moment où il entrait dans le gouvernement ! Une telle villa, c’est mille fois rien au Sénégal. Dans les quartiers comme l’ancienne Zone de captage et l’ancienne réserve foncière de la Foire de Dakar, l’ancienne Bande verte qui longeait la Voie de Dégagement Nord (VDN), la Cité Kër Góor gi (qui porte bien son nom), la Cité des Mamelles et des quartiers alentours, le Domaine public maritime de plus en plus privatisé, on trouve des milliers de villas et d’immeubles devant lesquels la luxueuse villa de l’ex-ministre burkinabè est une case. Parmi ces villas et ces immeubles, il y en a – et ils sont nombreux –, dont des observateurs avertis estiment les coûts à un, deux, trois, quatre milliards de francs CFA ou plus. Ce qui est insoutenable, c’est que ces villas et immeubles appartiennent à des fonctionnaires qui ne comptent pas parfois plus de dix ans d’ancienneté, et à des Sénégalaises et Sénégalais qui, avant le 1er avril 2000 et le 2 avril 2012, auraient bien du mal à se construire une maison de deux millions de francs. Et encore ! On imagine donc aisément le fossé qui existe entre la gouvernance au Burkina Faso et celle qui prévaut chez nous surtout depuis le 1er avril 2000.

L’autre exemple aussi encourageant, me vient du Bénin où un procureur, celui de Kandi, est mis en examen pour «intelligence avec un groupe terroriste». Il n’était pas seul d’ailleurs : le procureur de la République, le premier substitut et le commissaire par intérim de la même ville, ont été placés sous mandat de dépôt, pour « intelligence avec un groupe de terroriste, abus de fonction et corruption ». Tout est parti, selon RFI, de l’arrestation d’un suspect présenté comme un agent de renseignement d’un groupe de terroristes dans le Parc W, partagé par le Niger et le Burkina Faso. Le procureur de Kandi reçoit le dossier, le traite et le classe sans suite. Ce qui suscite l’indignation de ceux qui ont interpellé le suspect. Ils informent leur hiérarchie et les choses vont vite : les magistrats sont alors soupçonnés d’intelligence avec les terroristes, notamment de corruption, inculpés et placés sous mandat de dépôt. Une telle fermeté, une telle objectivité dans le traitement d’un dossier judiciaire de ce niveau, nous éloigne de notre pays.

Un autre exemple, vraiment inimaginable dans ce Sénégal de Macky Sall celui-là, avec les deux précédents d’ailleurs, me vient de la République démocratique du Congo (RDC). Oui, de la RDC. Il s’agit d’un procès inédit dans ce pays, celui du Directeur de cabinet du chef de l’État Félix Tshisekedi. Il s’agit de Vital Kamerhe, son principal allié, qui s’était désisté avant l’élection présidentielle du 30 décembre 2018 en sa faveur, élection qu’il a remportée, même avec beaucoup de contestations, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Vital Kamerhe n’est pas seulement l’allié, le Directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, mais il était au cœur du landerneau politique depuis vingt ans. Malgré tout, son procès anticorruption s’est ouvert le 11 mai 2020, après une détention préventive depuis le 8 avril 2020. Il était poursuivi, avec deux autres personnes, pour le détournement présumé de 50 millions de dollars, soit l’équivalent d’environ 46 millions d’euros. Cet argent était destiné, selon les observateurs, à la construction de maisons sociales préfabriquées, donc à l’intention des Congolais les plus modestes. On retiendra aussi, que lors de l’audience retransmise par la chaîne d’État RTNC, M. Vital Kamerhe « est apparu les traits tirés, barbe grisonnante, vêtu de la tunique jaune et bleue propre aux détenus de la prison centrale de Makala où se tient le procès ». Il n’est pas au bout de ses peines car, dans son réquisitoire, le procureur de la République réclame vingt (20) ans de travaux forcés pour détournements de deniers publics et quinze (15) de prison pour corruption. La délibération du juge est attendue le 20 juin 2020 (RFI, journal parlé de 6 heures 30 du vendredi 12 juin dernier).

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Ce procès n’était pas passé inaperçu. Il était couvert notamment par Le Monde, l’AFP, l’Agence Reuters. Les experts du Groupe d’études sur le Congo (GEC) de l’université de New York le résument ainsi : « Jamais dans l’histoire politique congolaise de ces deux dernières décennies, un acteur aussi important de la scène politique ne s’est retrouvé derrière les barreaux ». Un tel procès ne verra jamais le jour au Sénégal, tant que Macky Sall y sera président de la République. Au contraire, les plus gros pilleurs de deniers publics y sont promus à des postes stratégiques où ils continuent tranquillement leurs forfaitures.

Le dernier exemple extérieur que je propose aux lecteurs, serait considéré chez nous comme sensible parce que touchant à la sécurité nationale, comme « secret défense », quelle que soit sa gravité. L’exemple se passe au Niger, en guerre contre des djihadistes. Dans cette perspective, l’armée a passé de gros marchés d’armes dans des conditions peu orthodoxes. L’affaire, qui touche directement le ministère de la Défense nationale (MDN), fait état de graves malversations qui mettent les réseaux sociaux dans tous leurs états. D’énormes sommes d’argent – on avance jusqu’à 1700 milliards de francs CFA –, auraient pris d’autres destinations, allant nourrir peut-être les comptes en banque de quelques personnels politiques et militaires ou ont servi à construire de villas de haut standing. Pour en avoir le cœur net, le nouveau ministre de la Défense nationale, M. Issoufou Katambé, ordonne une enquête. Les inspections et les audits qu’il a diligentés révèlent de pratiques malsaines qui sont à la base de l’évaporation de tous ces milliards dont on ne trouve aucune trace sur le terrain. Le rapport d’audit, même provisoire, a permis au ministre Katambé de découvrir, entre autres forfaits, qu’une commande d’entretien d’avions a été faite pour le compte d’une entreprise qui n’existe que dans l’imagination de ses auteurs pour un coût de 1,9 milliard, alors que la commande, reprise, ne devait coûter à l’État que 900 millions, avec des entreprises réelles et justifiant d’une expérience avérée. Pire, avant que la prestation ne soit faite, le 1,9 milliard FCFA a été sorti du Trésor national. C’est également le cas de deux hélicoptères de transport de troupes, commandés paraît-il sous Kalla Moutari (ancien ministre), mais jamais livrés.

Ces deux hélicoptères d’un coût de 30 millions de dollars ont été surfacturés à 47 millions de dollars. Le manque à gagner pour l’État s’élèverait à près de 100 milliards de francs CFA. L’audit a mis en cause plusieurs personnes pour surfacturation et non-livraison de matériel militaire. De lourds soupçons pèsent ainsi sur certains gradés de l’armée nigérienne comme sur des hommes politiques, membres influents du Parti nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS), parti au pouvoir, ainsi que des hommes d’affaires. Ces derniers ont voulu d’ailleurs trouver un arrangement et payer en douce les milliards illicites qu’ils ont encaissés. Les magistrats ont alors tapé sur la table et l’affaire suit son cours.

Ce qui est remarquable, le président de la République Issoufou Mahamadou n’a pas encore levé le plus petit doigt et laisse faire. Que nous sommes loin du Sénégal de Macky Sall où le gouvernement a acheté et déployé un nouveau matériel militaire, notamment des chars de combat et des hélicoptères probablement pour des centaines de milliards de francs CFA, et peut-être bien plus. Dans quelles conditions ? Nous ne le saurons jamais, en tout cas tant que le président-politicien régnera sur le pays. Notre ministre des Forces Armées ne s’aventurerait jamais, comme son homologue nigérien, à s’intéresser aux conditions dans lesquelles nos différents armements sont achetés, depuis le 2 avril 2012. Ni lui, ni la Cour des Comptes, ni aucun autre organe de contrôle. Pourtant, le candidat Macky Sall nous avait promis fermement que la Cour des Comptes vérifierait la gestion de toutes les institutions en les citant : présidence de la République, Assemblée nationale, Cours et tribunaux, Armée nationale, etc. En tout cas, quand on lit les deux tomes du livre du Colonel Abdoul Aziz Ndao, on peut se poser légitiment des questions sur l’achat de différents matériels par nos armées. Nous n’aurons jamais, malheureusement, de réponses à ces questions, avec un Macky Sall à la tête de notre pays.

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Je pouvais continuer de donner d’autres exemples de pays qui font des efforts dans le sens d’une meilleure gouvernance, notamment en luttant efficacement contre la corruption et en promouvant la transparence dans la gestion des affaires publiques. Dans ce pays de Macky Sall, au contraire, la corruption est nourrie et entretenue au niveau le plus élevé de l’État. Ce qui se traduit, au quotidien, par une succession de scandales aussi graves les uns que les autres.

Le président français, Emmanuel Macron, a demandé aux présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental (qui n’a rien à voir avec le nôtre), de lui proposer des priorités d’actions pour la suite du quinquennat. Il a aussi annoncé la création prochaine d’une commission indépendante chargée d’évaluer la gestion de la crise du Coronavirus par l’Exécutif (CNews du 5 juin 2020). Cette commission ne verra jamais le jour au Sénégal. Mansour Faye en est tellement convaincu qu’il se moque de nous en déclarant qu’ « il a le devoir, l’obligation de rendre compte ». La nomination de cet homme à la tête de son ministère (du ciel, de la terre, des eaux et de l’air que nous respirons) est l’un des plus gros scandales de l’infecte gouvernance du président-politicien. Le décret qui l’a nommé et le ‘’vrai-faux’’ qui a créé ‘’l’honorariat’’ pour les anciens présidents du CESE se disputent âprement l’indécence et l’absence totale d’éthique.

En particulier, la nomination de cette dame comme ‘’présidente honoraire’’ du CESE et les avantages exorbitants y afférents est une honte, un crime, un acte immoral. Nous savons quand même qui est cette dame et par où elle est passée. Je n’insiste pas sur les quarante-deux milliards de francs CFA qu’elle a gérés à sa convenance pendant les six ans qu’elle est restée présidente du CESE. Pour se faire une idée de son pillage présumé de nos maigres deniers à ce niveau, je renvoie le lecteur intéressé à la vidéo que ‘‘Xalaat TV’’ lui a consacrée. Ce ne sera pas tout d’ailleurs. Des compatriotes sont en train de fouiller dans son odyssée politique pour mettre éventuellement en évidence les fautes de gestion parfois lourdes qui auraient jalonné ce long parcours. Je crois que je jouerai ma modeste partition dans cette initiative citoyenne, dont les résultats devraient amener le président-politicien à renoncer à son ‘’vrai-faux’’ décret, si toutefois il est à la hauteur de la fonction qu’il est censé incarner.

[1] Sa seule boulimie foncière à nulle autre pareille y suffirait largement.

 







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