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Mourchide Iyane Sy, L’homme Qu’il Faut Pour Dégager Faidherbe Du Pont De Saint-louis

Mourchide Iyane Sy, L’homme Qu’il Faut Pour Dégager Faidherbe Du Pont De Saint-louis

Du fait que j’ai passé la partie la plus sensible de ma prime jeunesse, comme talibé, à Saint Louis, cela a fait naître en moi une très forte attache sentimentale à cette région à tel point qu’une grande partie de mon subconscient en dormant ou en état de veille aime me faire balader dans ses rues et ruelles. Ces lieux qui se dessinent encore de façon vivace, dans mon esprit. Car je les ai squattés pendant plusieurs années soit pour faire mon « larabilarane  » matinal quand j’étais plus jeune, soit pour aller prendre des leçons auprès d’illustres enseignants dévoués et compétents, ou pour acquérir des méthodes plus modernes dans différents domaines des sciences arabo-islamique dans la très célèbre école arabe que le grand poète et l’exceptionnel homme de lettre et de bienfaisance MourchideIyane SY avait construite dans l’enceinte de sa très vaste maison. Ceci, pour aider des talibés issus d’un enseignement informel à obtenir des diplômes et tant d’autres objectifs louables visés par ce saint louisien très charitable.
 
C’est cette attache sentimentale, en plus d’autres facteurs très nombreux, qui me permettent de jeter mon opinion dans le débat qui est actuellement suscité concernant le déboulonnage de la statue de Faidherbe et de rebaptiser le pont qui porte aussi son nom (le pont Faidherbe).
 
Le nom d’une autre icône méritante et pluridimensionnelle de Saint-Louis est proposé, en l’occurrence Alioune Badara Diagne dit « Golbert » rappelé à Dieu récemment, que le paradis le plus distingué soit sa demeure. Je crois que personne n’aura à contester que ce grand Saint-louisien mérite amplement cette distinction, à titre posthume, mais moi je voudrais soumettre à l’appréciation des Saint-louisiens une autre exemplarité de leur ville en la personne du Mourchide Iyane SY.
 
Ceci pour des raisons, j’en suis sûr, qui pousseraient le premier mentionné (Golbert), vivant, à accepter ma proposition grâce à sa générosité légendaire et son amour illimité pour tous les exceptionnels fils de Saint-Louis. Et voici les axes autour desquels ma réflexion sera tournée.
 
UNE STATUE DE LA HONTE POUR LE SENEGAL
 
En lisant « SenCaféActu du 13 juin2020, l’information numéro 4 a attiré mon attention du fait qu’elle  est intitulée ainsi:  «  Les Saint-louisiens demandent le déboulonnage de Faidherbe », avant de citer l’historien Cheikh Diakité selon qui  « garder cette statue est une honte pour le SENEGAL »  et qui justifiait sa prise de position en ces termes:  » Faidherbe était un acteur de toutes les exactions subies par les Sénégalais ». De ce fait, ce déboulonnage est tout à fait logique et évident  pour lui à tel point qu’il a terminé en disant : « on ne devrait même pas être là à discuter, on doit la retirer ».
 
Mame Latyr Fall, coordinateur du Forum civil à Saint-Louis, lui a emboîté le pas, selon la même source, en se justifiant : »il est temps qu’on change les symboles qu’on lègue à la postérité  » et il continue en ajoutant : « on doit donner aux futures générations de bonnes références ».
 
Ces exactions et cruautés extrêmes commises par Faidherbe en Algérie et au Sénégal sont rendues célèbres et connues à tel point qu’un profane même, comme moi, peut se permettre d’en parler. Ce grand bourreau colonial n’avait -il pas écrit à sa mère pour lui dire : « j’ai détruit, de fond en comble, un charmant village de deux cents maisons et tous les jardins. Et cela a terrifié la tribu qui est venue se rendre aujourd’hui (30 juin 1851) … » et a réédité la même cruauté, ou pire même, au Sénégal. Voici   un autre exemple pour informer de ses exactions, par écrit en ces terme : « …  En dix jours, nous avons détruit plusieurs villages…pris 2000 bœufs, 30 chevaux, 50 ânes et un nombre important de moutons, fait 150 prisonniers tué 100 hommes et brûlé 25 villages », et tout cela n’est qu’une infime partie de ses exactions auxquelles faisaient allusion l’historien Cheikh Diakité. Sa propulsion au grade du gouverneur général était même, grandement, due à cette cruauté extrême.
Sans aucun doute une telle personne ne devrait, absolument pas être érigée comme une référence à la postérité selon l’analyse du coordinateur du forum civil à Saint Louis.
 
En plus de tout cela, il était particulièrement animé d’une haine viscérale contre les noirs, leurs institutions locales et surtout contre ceux qui représentaient l’islam à ses yeux. C’est sous ce registre qu’il combattait, farouchement les maîtres coraniques.
 
Son arrêté du 22 juin 1857 reste fameux dans le domaine de la destruction de l’enseignement coranique au Sénégal. Tout cela doit nous rappeler les recommandations des Français en Algérie, où il était passé avant d’atterrir au Sénégal, et qui disait :  » tant que les Algériens lisent le Coran et parlent l’arabe, nous n’aurons jamais de domination sur eux. C’est pour cela que nous devons extirper le Coran de leur existence et la langue arabe de leurs bouches. »
 
Ici on peut dire que l’histoire a tendance à se répéter pour se perpétuer à moins qu’il existe des attitudes conscientes et courageuses telles que celles prises par les Saint-louisiens pour demander le déboulonnage de cette statue de la honte à plusieurs égards !
 
Les éléments qui militent en faveur de Mourchide Iyane SY pour que le pont Faidherbe, rebaptisé, porte son nom.
 
L’une des causes se fonde sur la très grande dimension littéraire de Mourchide  Iyane SY, qui, du reste n’a pas encore été suffisamment, découverte, ni par les Saint-louisiens ni par les Sénégalais de manière générale. Cette méconnaissance réside dans le fait qu’il écrivait ses poèmes en arabe. Cette belle langue qui fut depuis longtemps magnifiquement maniée à Saint Louis par de grands poètes et hommes de lettre à l’image de Boulmiqdad Madior Koumba Cissé et autres. Mais parmi tous ces poètes et hommes de lettre, Mourchide Iyane SY a su se distinguer de manière remarquable. Ce qui fait que sa production littéraire et poétique doit être absolument vulgariser pour mieux même vendre la ville de Saint-Louis.
 
L’un de ses dignes fils a fait de la publication et de la propagation de ses œuvres écrites une noble mission. C’est dans ce dessein, avec les autres membres de la famille, qu’il a demandé à un autre de ses plus fidèles disciples d’écrire un livre en arabe consacré à la dimension littéraire de l’œuvre multidimensionnelle de Mourchid. Ce livre j’ai eu l’honneur de le traduire en français.
 
Ici, je voudrais mettre en exergue deux faits qui ne sont pas du tout fortuits pour moi et qui devraient être pris en considération pour le choix de la personnalité qui sera le patronyme du pont Faidherbe, une fois rebaptisé.
 
Le premier fait est le poème de très haute portée patriotique et littéraire qu’il avait produit à l’occasion de l’inauguration de ce pont qu’on doit rebaptiser aujourd’hui. Ce jour-là Allah (swt) l’avait désigné, parmi tous les autres Saint Louisines pour qu’il le fasse. Donc, ce serait rendre à César ce qui est à César que de donner son nom pour cette autre occasion.
 
Le deuxième fait est que Dieu le très sage et très juste a fait aussi qu’au même moment où on agite ce débat, ce livre est en Edition et sa sortie imminente dans le sillage même de ce débat. 
 
Et maintenant voici le poème tel que je l’ai traduit en français :
 
« O toi le pont qui se situe dans un lieu plein de souvenirs
Que le temps qui t’avait, longtemps, abrité, soit, abondamment, arrosé
Au-dessus de tes garde-fous à l’Est, il y avait des lampadaires
Lumineux, qui étaient continuellement, allumés.
Tu servais à cette époque où tu étais en bois un endroit
De joies, de spectacles et de jouissances
Je marchais sur toi chaque fois que je le désirais tout en te trouvant
 Au début très rassurant et ne craignant pas du tout le trébuchement du pied.
Après, l’eau y coulait au-dessous alors que les gens marchaient doucement
Il y avait parmi eux qui se collaient à toi et d’autres qui étaient plus calmes
Les pirogues passaient dans le large du fleuve au-dessous d’eux
Comme de belles dames se déplaçant dans le sable en toute nonchalance
Combien étaient grandes mes joies de ces jours passés
Mais elles sont maintenant comme les songes insolites d’un dormeur
Combien il est souhaité que les jours de cette époque reviennent,
ou qu’ils ne soient pas séparé de nous. »
 
LA CENTRALITE DE LA VILLE DE SAINT-LOUIS DANS LES POEMES DE MOURCHID IYANE SY
 
Mourchide Iyane SY était un homme de lettre et un poète fécond, profond et très prompt à faire des poèmes sous tous les contextes, sa fécondité poétique l’avait poussé même à dédier un sublime et émouvant poème d’élégie à la mémoire d’une chatte morte !
 
Dans ses poèmes, la ville de saint louis et ses habitants occupaient une place très saillante. L’une des preuves de cette place de choix dans sa production poétique est le fait que cette chatte, habitant dans la ville de saint louis, méritait donc un poème d élégie de sa part.
 
Quelle belle leçon aux amis des animaux aux philosophes aux hommes de lettres raffinés et ceux qui cherchent à voir les signes d’unicité de Dieu dans la vie et la mort de toutes les créatures
 
Une autre preuve très parlante, dans ce même registre est le fait aussi que son premier poème très précoce avant l’âge de vingt ans, était aussi à l’occasion d’une visite que des jeunes du quartier de « lodo » et celui de « sindone » lui avait rendue. Ces poèmes de Mourchide Iyane SY consacrés à la ville de saint louis, constituent autant d’éléments qui justifient pour moi que son nom soit retenu dans cette histoire de rebaptiser le pont de Faidherbe, sont très nombreux.
 
De ce fait, je suis obligé de n’en citer que les suivants :
 
SON POEME DEDIE A LA VILLE DE SAINT-LOUIS ET AU FOUTA TORO :
 
« Tirerais-je ma fierté de la ville de Saint Louis ou des palais de Fouta Toro ?
Ici, il y a l’élévation alors que là-bas il y a la gloire et la victoire
Si je tire ma fierté de Fouta Toro c’est parce qu’il constitue
une grosse source de fierté pour tout collègue
qui sait secouer les branches du savoir.
Quand à Saint-Louis, tu y trouveras chaque fois que tu t’y rends des livres
De même que tu y trouveras des hommes dont chacun d’eux est comme une lune
Tels que le nommé Malick ainsi que le père de Ousmane,
qui ont emprunté le chemin de la vérité pour obtenir la savoir.
Ce qu’ils ont fini par gagner. »
 
Dans un autre poème, il parlait de Saint-Louis et de ses habitants en disant :
 
« A Saint-Louis, tu ne cesseras d’y trouver de grande places entre des murs
Dans une joie qui est claire et manifeste à chaque instant
Des maisons près du ravin et de l’eau
Et nous avons vu des maisons pareilles près d’autres ravins
La joie est toujours notre alliée dans ces bons endroits
Nous y trouvons la paix dans des endroits très vastes
Il y a des rossignols sur les arbres de ces localités qui font pleurer l’amant par leurs belles chansons
Tu vois ces arbres dansants avec les rossignols
Tout en donnant la joie aux citadins ainsi qu’aux campagnards
Celui qui passe l’été dans ces localités y trouveras
Ce qu’il voudra, de produits naturels à l’état pur
Toutes les félicitations pour celui qui a la chance de vivre dans ces localités
A cette époque tout en étant très à l’aise. »
 
SON POEME A L’OCCASION DU JUMELAGE DE LA VILLE DE SAINT LOUIS AVEC CELLES DE FES AU MAROC :
 
« Notre espoir se trouve t’il a Fès ou à Saint-Louis ?
Ici, il y a la grandeur et là-bas, il y a le savoir et l’action
Deux villes majeures de l’ouest dont l’écoulement des bénédictions
ne cesse de se verser sur les plaines ainsi que sur les campagnes
Deux localités de Gloire d’une pureté sans tâche
Celui qui cherche la grandeur ne devrait pas leur tourner le dos
Chaque fois que tu as un problème dans un sol et que tu viens demander secours auprès d’eux
Ta demande sera réalisée par des personnes qui aiment les étrangers
Si dans les sommités de dardas quelqu’un lance un appel pour demander l’asile
Un collègue du quartier « lodo » répondra à son appel pour arriver à la grandeur
Chacun d’eux pourra prendre la place de l’autre
Chacun a sa lumière externe qui le lie à l’autre
Si on avait divulgué les secrets de la ville de Fès et de Saint Louis
On verra ce qu’on n’avait jamais cru possible
Il y a des secrets au Sénégal dont si on les divulguait
Ils dépasseront tout ce que les yeux ont, jusque-là, vu
Mais ces secrets ont abreuvé l’amour de notre patrie
D’une manière qui est impossible de réaliser par la ruse la plus fine
Combien de sagesses répandues en Afrique à partir d’elle
Ainsi que des sciences qui n’ont pas de pareilles
O toi la ville de Saint Louis combien de pluies que tu as vu descendre en abondance
Pour t’abreuver et soigner tes défauts.
Boul_miqdad t’appartient ainsi que d’autres personnes
qui ont su monter dans le chemin de la gloire jusqu’aux cimes des montagnes
Chacun d’eux ne cesse de monter dans le chemin de la gloire
Pour arriver à des hauteurs au-dessus de gémeau et de Saturne
Si la ville de Saint-Louis, qu’elle soit gardée, est ma ville
J’ai un désir ardent, là-bas qui est très difficile à supporter calmement
Mon âme se trouve ici en écho avec des âmes qui se trouvent là-bas
Et des âmes qui s’y trouvent sont en vous
Vous êtes moi et je suis vous
Je suis vous car vous êtes le terminus de mon espoir
Ceci pour dire que je n’ai d’appartenance qu’à une élite
Faisant partie d’eux et qui constitue la parure des jours ainsi que des états. »
 
SON POEME EN HOMMAGE A MAM ELHAJI RAWHANE NGOM A L’OCCASION DE L’INAUGURATION DE SA GRANDE MOSQUEE :
 
« O toi la grande mosquée du Cheikh vivificateur de la religion et de la sounah
Que tout soit une rançon pour toi du fait de ta belle construction
Moi, je dédie toutes mes félicitations à ton constructeur
Merci à lui pour tous ses bienfaits à l’endroits des autres
Tu es un père compatissant pour tous les croyants en abreuvant
de ta source douce ceux qui cherchent à se désaltérer
Je veux nommer l’imam dont les bienfaits, le savoir et la générosité
sont constatés partout et dans toutes les époques.
Doublées de la piété dans sa vie privée et publique,
tes grandes mosquées dans les différentes localités constituent des preuves.
Ces mosquées qui ont joué leur rôle pour dissiper les ténèbres. »
 
Pour conclure, je me sens un peu obligé de dire aux Saint-louisiens qui avaient déjà pris fait et cause dans ce débat que l’un des soucis intellectuels qui constitue un centre d’intérêt dans ma vie est de contribuer à faire connaitre certaines personnalités de très grande envergure. Ceci pour qu’on leur accorde des postures à la hauteur de leurs grandes et belles actions.
 
C’est ce souci là qui m’a poussé à écrire un livre en arabe sur la vie de Ousmane Dan FODIO, un réformateur d’une dimension exceptionnelle, mais pas suffisamment connu par les masses. Cela m’a même poussé à affronter toutes sortes de difficultés pour rendre visite à sa famille à SOKOTO au Nord du Nigeria.
 
C’est le même souci qui m’a poussé à traduire deux livres et à écrire un autre livre sur la vie de Almamy Maba Diakhou BA lui aussi, pas suffisamment connu et pris en compte, alors qu’il est un grand acteur de notre histoire.
 
Un autre livre traduit en arabe sur la vie de Mourabby Gaoussou DRAME, une autre figure à découvrir absolument.
 
Donc, je vous prie de souscrire, amicalement, à ma proposition, à travers ce papier dans le même souci, ce qui ne signifie pas que mon intérêt porté sur la biographie des grands hommes s’arrête à eux. J’ai aussi fait des ouvrages sur de grandes célébrités telles que : Cheikh Bou KOUNTA et Mame Cheikh Ahmadou BAMBA et d’autres.
 
C’est dans ce même sillage que je fais partie des grands admirateurs du regretté Golbert Diagne que je citais comme une référence nationale très récemment dans un groupe de whatsapp.
 
Mais ici j’ai pris fait et cause pour Mourchide Iyane SY par ce que je sais que ce pont que les Saint-louisiens ont envie de rebaptiser porte des souvenirs grandioses concernant cette personnalité.
 
Imam Assane SECK
Professeur d’arabe au lycée de Diamniadio,
Spécialiste du droit islamique, écrivain, Traducteur, interprète
Directeur du centre de l’initiative intellectuelle pour la traduction et la sensibilisation islamique. Email : seckyahoo.fr Tel : 00221775576266

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