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Un Recit De Ma Vie A L’ecole

Un Recit De Ma Vie A L’ecole

« Les enseignants – ceux du cours maternel autant que ceux des universités – forment une armée noble aux exploits quotidiens, jamais chantés, jamais décorés. Armée toujours en marche, toujours vigilante. Armée sans tambour, sans uniforme rutilant. Cette armée-là, déjouant pièges et embûches, plante partout le drapeau du savoir et de la vertu »

Mariama Ba, Une si longue lettre Je me veux très succinct pour ce qui va suivre. En fermant les yeux, en cette veille de la reprise des enseignements-apprentissages, je vois la figure de mon professeur de portugais de la classe de 2nde s2 du lycée Ibou Diallo de l’année scolaire 2006-2007 lisant à notre intention la lettre ouverte du Cusems. J’ai perdu l’exemplaire de cette poignante missive qui me fit verser des larmes. Plus de dix ans après, c’est en enseignant que je me rends compte que rien n’a changé, ou du moins pas grand-chose, dans la condition de traitement de ces soldats du savoir.

Etre enseignant, c’est une vocation, un sacerdoce. Senior Barry avait lu le texte en un mardi soir en faisant les cent pas entre les rangées. La démarche assurée, la voix de stentor et la gestuelle dont le balancement de la tête m’ont fait saisir la gravité de la situation. C’était pour la satisfaction de la plateforme revendicative que le collège de syndicats Cusems avait observé des jours de grève.

Le ministre Sourang, ne pouvant répondre aux attentes pourtant si raisonnables et légitimes de nos maitres, avait demandé, pour sauver l’année, que nous autres élèves soyons évalués pour passer en classe supérieure sur la base de la seule moyenne du premier semestre. Le monstre froid dont parlait Nietzsche venait de montrer que les enfants de la république seraient les agneaux du sacrifice au lieu d’ajuster les dépenses faramineuses de la classe politico-affairiste sur la santé et l’éducation. Ce fut pénible tant l‘incertitude avait gagné les esprits. Finalement, nos dignes et braves maîtres avaient reculé pour avoir compris que la bêtise avait élu domicile dans le cœur de nos gouvernants d’alors. En cette vieille de la reprise des cours suspendus pour protéger les élèves et enseignants de la covid-19, j’ai mesuré la portée de mon choix de suivre les pas de mes maîtres en devenant un des leurs. Travaillant pour semer la vertu et l’amour du beau, du Juste et du Vrai dans le cœur des jeunes de notre pays, les enseignants sont de ceux qui ont un haut degré du patriotisme.

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En ployant le genou devant les bailleurs qui financent le secteur éducatif, l’Etat a décidé d’envoyer les enseignants et les élèves, futurs élites de ce pays, au front d’une guerre sanitaire aux conséquences probablement désastreuses pour la nation. Qu’en sera-t-il de la relève après l’effondrement ?

Avec les mesures barrières édictées par les autorités sanitaires, je subirai une amputation dans la gestion de ma salle de classe. Je ne saurai faire les cents pas entre les rangées pour vérifier la prise de note des élèves, je ne saurai donner une barre de craie à l’un d’eux pour la correction d’un exercice au tableau, je ne saurai et je ne saurai… Ils se méfieront de moi comme je me méfierai d’eux. Ce sera très pénible !

Ainsi, la relation pédagogique subit un sacré coup. Tout cela à cause d’un diabolique projet de vouloir mettre en mal les enseignants et les populations. La détermination et le don de soi de cette armée sans armure en fer ou acier ont eu raison de la monstruosité des politiques. Et demain, nous irons à l’école !







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