Quand démarre la compagne électorale, période où les politiques vont au contact de la population pour solliciter son soutien et surtout ses suffrages, ils sont, en général, plus souriants, plus attentionnés, plus chaleureux et plus généreux. D’une générosité mesurée et calculée, ils ratissent large et s’entourent d’une équipe pluridisciplinaire pour mieux convaincre les porteurs de voix, et pour se donner les chances de sortir victorieux de l’élection. C’est le moment par excellence où les chefs religieux sont le plus courus, courtisés, où les responsables d’associations de jeunes et de femmes sont mieux approchés, amadoués. En réponse, d’aucuns ne demandaient pas mieux pour faire monter les enchères. Ils profitent même de l’occasion pour soutirer le maximum d’argent aux candidats-politiciens. Manifestement, ces derniers, passés maîtres dans l’art de se mouvoir en hommes-caméléons, s’identifient entièrement à la misère des populations, et pour davantage leur donner l’impression de n’être motivés que pour la défendre de leurs préoccupations, ils décochent des flèches empoisonnées et mortelles à l’encontre des tenants du pouvoir pour les discréditer, les affaiblir et pour susciter un sentiment de dépit, de refus et de rejet à leur égard.
Ce qui est encore plus intéressant et amusant, c’est que pouvoir et opposition se disputent les suffrages sans se faire de cadeaux. Pour parvenir à leurs fins, ils ne lésinent point sur les moyens. Pour preuve, chaque camp s’entoure de personnes influentes, de communicants, de communicateurs traditionnels, de troubadours et de gros bras issus de l’arène sénégalaise, sans oublier leurs gardes rapprochées composées de spécialistes en combats et en arts martiaux. Hélas, ils usent de coups bas, abusent d’injures et d’invectives et multiplient les promesses fallacieuses et mirifiques. Ils font semblant d’épouser les idées du peuple et prétendent être solidaires de sa misère. Ce faisant, ils hurlent sa colère, devenue une rancœur commune contre le mode de gouvernance ou de la mal gouvernance en cours. Ils attaquent ceux qui sont aux responsabilités sur leur bilan, et exigent qu’ils rendent comptes de leur gestion jugée nébuleuse et scandaleuse.
Une fois au pouvoir, ils retournent leur veste. Dès lors, ils deviennent méconnaissables, amnésiques, sournois, ingrats et font pire que ce qu’ils reprochaient à leurs prédécesseurs. Impassibles, ils ont rangé aux oubliettes la reddition des comptes, argument-massue dont ils se servaient ad libitum pour clouer leurs adversaires au pilori. Pire, ils font même preuve d’ingratitude, de mépris et de dédain envers les populations aux côtés desquelles ils s’affichaient fièrement peu avant, et qu’ils avaient jusqu’au jour des élections, courtisées sans pudeur et sans délicatesse. Plus regrettable, ils deviennent, insolents, arrogants, suffisants, hautains et condescendants. Hier ils pouvaient humblement et facilement vous joindre, mais aujourd’hui, vous n’arrivez plus à les atteindre. Hier, ils n’étaient pas seulement accessibles, mais disponibles et disposés à vous écouter. Leur disponibilité, leur accessibilité et leur oreille attentive vous étaient acquis en tout temps, surtout en période de compagne électorale. Mieux, l’ardeur dans les yeux, ils vous parlaient avec une parfaite maitrise de vos problèmes, de vos préoccupations et des intérêts du peuple en général.
A présent, seules leurs nouvelles fonctions acquises avec votre soutien indéfectible les occupent, et seuls leurs intérêts crypto-personnels les préoccupent. Le peuple ne leur aura servi que d’ascenseur social pour accéder à la jouissance jalouse du pouvoir. Ce pouvoir dont ils raffolent, a dévoilé leur égocentrisme, révélé leur égoïsme et fortement mis en exergue leur instinct du tambour major (Drum major instinct par allusion au sermon de Martin Luther King Jr). C’est ainsi qu’ils aiment s’assoir aux premières places, adorent être mieux servis, et affectionnent les flatteries mensongères. D’ailleurs, Jean de La Fontaine ne nous apprend-il pas que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ? Les couvrir de louanges (même imméritées) les enivre de bonheur, touche profondément leurs fibres sensibles et met en lumière leur extravagance exagérée. Manifestement, les chenilles rampantes d’hier se sont vite métamorphosées en papillons, qui volent dorénavant de fleurs en fleurs, à la recherche du nectar qu’ils chipent aux abeilles de la république. Le politicien aime les honneurs et ne voudrait les partager avec personne. Surtout quand il s’agit de faire des réalisations auxquelles il cherche à associer son nom, ou de donner l’impression qu’il travaille à satisfaire les doléances du peuple. Quand bien même un mécène ou bienfaiteur local se manifesterait pour apporter son précieux concours aux réalisations, il choisirait de se passer volontiers de son aide ou appui qu’il trouverait humiliant et offensant, sans même se soucier du grave préjudice causé à la population. Celle-ci n’a d’importance pour lui, que lorsqu’elle lui sert à briller et à se mettre funestement en lumière. Un acteur non étatique originaire du département de Koungheul, se plaignait de ce comportement présomptueux, irrespectueux, irresponsable, cynique, peu coopératif et pas du tout productif des élus locaux et politiciens démagogues. Sans coloration politique, il fut sidéré du refus de son maire, d’accepter l’offre généreuse de ses partenaires italiens, de financer un centre de formation technique et professionnelle pour sa commune. Cette ignoble et honteuse attitude du maire incriminé, n’est pourtant pas un cas isolé, mais une pratique très courante de jalousie dévastatrice, répandue partout à travers le pays.
D’ailleurs, combien de politiciens se complaisent dans cette attitude hostile, ingrate, hideuse, contre-productive, rétrograde et mesquine, qui ne fait malheureusement que retarder et enfoncer leur zone dans la pauvreté et la paupérisation ? Combien de citoyens préfèrent, pour cette raison, rester neutres et laisser faire leurs politiciens, même s’ils pourraient être d’une grande utilité pour leur terroir ? Est-ce raisonnable, est-ce un bon choix d’être un spectateur passif au lieu d’un acteur combatif, engagé et déterminé ? Faut-il laisser faire, observer impuissant les manœuvres dilatoires et politiciennes des professionnels de la politique politicienne ? Faut-il laisser le champ libre à ces mange-mil peu soucieux de l’autosuffisance, de la souveraineté et de la sécurité alimentaire de leurs populations ? Au regard de toutes ces tares, la question se pose de savoir si le politicien se soucie vraiment du bien-être de son peuple ? Y a t-il espoir d’entrevoir un changement tant que le mode d’investiture aux élections locales, législatives et présidentielles ne passera pas par des primaires âprement disputées ? Ne faudrait-il pas d’une part, renforcer notre démocratie, et d’autre part, accroitre la légitimité de nos honorables députés et de nos élus locaux en imposant à tous de passer par des primaires pour un contrat social avec leur base locale ? Autrement, ils n’auraient de comptes à rendre qu’à leurs partis politiques (du pouvoir comme de l’opposition) qui les auraient alors parachutés, imposés à leurs populations.
Il est révoltant de constater que, malgré son égoïsme vorace et sa cupidité démesurée, le politicien est pleinement conscient des intérêts des populations. Mais, force est de reconnaitre qu’ils sont loin d’être sa préoccupation. Et c’est d’autant plus écœurant, qu’il place ses propres intérêts avant ceux de la collectivité. Ainsi, il s’accrochera à son poste de député mais déshonorera son peuple car n’ayant pas le courage et l’honnêteté de défendre sa cause. Il s’agrippera à son poste de maire pourtant obtenu grâce à la confiance et aux suffrages des populations, tout en refusant d’être leur premier magistrat défenseur de leur cause pour les amener à bénéficier durablement de la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE), et de la contribution économique locale (CEL) à travers la valeur locative (qui intéresse principalement sa commune) et la valeur ajoutée (qui intéresse l’ensemble des collectivités territoriales). Pour le Jobass, l’idée n’est pas seulement de connecter les villages aux plateformes Notto-Ndiosmone-Palmarin et PEAMU, mais surtout de porter le combat pour la révision du code de l’eau susceptible d’impacter très positivement le budget des deux communes et de leur faire bénéficier de la Responsabilité Sociétale d’Entreprise et de la Contribution Economique Locale. Voilà un combat noble qui intéresse véritablement nos deux communes, indépendamment de toute appartenance ou considération politique, religieuse ou villageoise. Nous sommes confortés dans ce combat par le compte-rendu du dernier conseil ministériel du 17/06/20. Mais nous ne baissons pas la garde. Au contraire, nous sommes déterminés à poursuivre le combat pour la reconnaissance effective de la ressource naturelle, unanimement et universellement considérée comme la seule vitale et indispensable : l’eau. Nous travaillons à mettre en place une Coalition des Zones Pourvoyeuses d’Eau et abritant les plateformes d’utilité nationale.
En effet, il appartient à l’Etat de prendre ses responsabilités en s’arrogeant ses pouvoirs régaliens, pour répondre judicieusement à la légitime demande de révision du Code de l’eau, qui équivaut à un droit pour les populations des collectivités territoriales concernées : celles du Jobass, du Mont-Rolland et de Keur Momar Sarr. L’Etat doit aussi définir et harmoniser sa politique nationale d’exploitation des carrières (une autre bombe à retardement) surtout en matière de tarification comme c’est le cas avec le ciment. Ce serait une façon de renforcer le transfert, non plus de compétences vidées de leur sens et de leur substance, mais fort heureusement de moyens financiers comme c’est maintenant acquis pour Taiba Ndiaye, Sandiara et Malikounda. Et ce serait tout à l’honneur de l’Etat, d’accompagner efficacement et en toute souveraineté, la politique de décentralisation par un renforcement conséquent et effectif du budget des collectivités territoriales à travers la Responsabilité Sociétale d’Entreprise et la Contribution Economique Locale. Ce serait une bonne manière de valoriser le Plan Sénégal Emergent car, une toute aussi belle manière, de progressivement et démocratiquement, placer les collectivités territoriales sur les rampes de l’émergence.
Samuel Sene est Consultant-formateur, écrivain-chercheur.