Hélas ! Quand je passe sous la statue de Faidherbe qui trône fièrement dans le cœur de la ville qui m’a vu naître ou bien quand je marche sur le pont qui porte également son nom et relie le quartier de Sor à l’île, ma conscience est violemment heurtée et à l’instant, je vis un sentiment de malaise, de mal-vivre et de mal être.
En effet, qui fut cet homme, deux fois gouverneur du Sénégal (1854-1861 puis 1863-1865) ? Qu’a-t-il apporté pour le Sénégal ? Si l’œuvre de l’homme a été glorieuse pour la France colonialiste, malheureusement, elle ne le fut pas pour les patriotes africains notamment sénégalais.
Bénéficiant d’une supériorité militaire démesurée, le général Louis Léon César Faidherbe semait la mort et la désolation partout où il passa. Après avoir accompli des exactions sanguinaires en Algérie dont il se glorifiait, il arriva au Sénégal où il repoussa le valeureux marabout El Hadj Omar Tall dans le Khasso, à Médine, en 1857. Il annexa le Walo en 1858, combattit les sérères sous Coumba Ndofène Diouf en 1859, brûla Fatick et 35 villages environnants la même année. Il annexa le Cayor, le Baol. Bref ! Toute population non soumise fut massacrée ou réduite à végéter dans la famine.
Le journal « le quotidien » du 28 juillet 2018 titrait à propos : « Faidherbe ce héros colonial, brûleur de villages nègres ». Nul ne pourra dénombrer exactement le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants exterminés par les troupes du général Faidherbe. Le Professeur Iba Der Thiam certifie que Faidherbe a tué 20 000 hommes en l’espace de 8 mois.
L’œuvre de Faidherbe est aussi marquée d’un cachet raciste et assimilationniste qui soustrait toute identité à ses administrés. En effet, si le Sénégal traîne encore les lourdes tares d’une école hybride, productrice de sujets schizophrènes et aliénés, c’est en grande partie, dû à l’œuvre de Faidherbe. Dans ce domaine, Faidherbe s’intéressa à l’école dans les colonies. Il créa dans la ville de Saint-Louis, l’ « école des otages » en 1855 pour inculquer la culture et les valeurs françaises dans l’esprit des enfants, arrachés à leurs parents, chefs coutumiers. Il exigea à tous les maîtres coraniques d’envoyer à l’école française tout talibé âgé de plus de 12 ans. Il bloqua l’effectif des daraas à 250 élèves…
Pour perpétuer son œuvre, Faidherbe entreprit des travaux ethnolinguistiques sur les wolofs, les sérères, les toucouleurs et les soninkés, non pas pour de la science, mais dans le dessein d’installer durablement la chape de plomb psychologique qui entrave encore notre souveraineté.
En somme, telle est l’œuvre de l’ancien gouverneur colonial français au Sénégal. Sa statue étouffe encore la conscience des patriotes sénégalais épris de paix et doit être enlevée sans délai et rangée dans un musée pour les besoins de la recherche. Il est temps d’intégrer objectivement ces faits dans nos programmes d’histoires afin d’abolir à jamais de tels agissements qui ternissent notre civilisation.
Amadou Koné