REFLEXION SUR LE PORT DU MATRICULE ET LA PRESENTATION DE LA CARTE PROFESSIONNELLE
Et pourquoi pas l’usage de la bodycam ou caméra portative ?
Est passible d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 20.000 à 100.000 francs, d’après l’alinéa 2 de l’article 227, «toute personne qui aura porté un costume, un uniforme ou décoration qui ne lui appartenait pas».
Ainsi, hors le cas du civil, le sous-officier de police, de la gendarmerie ou l’agent des douanes qui porte publiquement l’uniforme d’un officier avec le grade et/ou des décorations (qui ne lui appartiennent pas) pourra être condamné aux peines cihaut visées. Au titre des mesures complémentaires, le juge peut (cas que je n’ai pas encore rencontré ou vu dans la pratique), outre les peines d’emprisonnement et d’amende, ordonner, «l’insertion intégrale ou par extrait du jugement dans les journaux qu’il désignera» aux frais du condamné en vertu des alinéas 5 et 6 de l’article 227.
C’est, en termes simples, une publication du jugement de condamnation pour usurpation. Je pense que c’est une peine importante qui devrait être souvent prononcée pour ne pas dire toujours l’être, même si je sais que c’est une faculté laissée à l’appréciation souveraine juge. Prise et vigoureusement appliquée, elle participerait à lutter contre la récidive et à dissuader tous ceux qui seraient tentés de passer à l’action. Malgré sa fréquence, la commission du délit d’usurpation de fonctions pourrait dans une large mesure être évitée ou fortement réduite, si certains comportements étaient observés et si aussi, certaines mesures, outre la publication des décisions dont il est fait état plus haut, étaient prises.
En effet, ces comportements et mesures auraient pu, à défaut d’endiguer le mal, aider à le juguler et à bien le contenir si les policiers, gendarmes et douaniers, les vrais, je veux dire, acceptaient bien volontiers de se soumettre à une formalité. Cette formalité, c’est celle, toute simple mais importante, en ce sens qu’elle rassure, de la présentation. Que l’agent décline son identité. Qu’il dise qui il est d’abord et le prouve ensuite. A ce titre, le matricule bien accroché ou « collé » sur la tenue, c’est-à-dire le port du matricule, pourrait aider à l’identification. Et surtout pour mieux démasquer les usurpateurs et traquer les agents-ripoux. Sur l’opportunité du port du matricule, j’ai noté des opinions bien divergentes chez les agents (policiers, gendarmes et douaniers). Chez certains, notamment ceux qui ne veulent pas ou qui sont foncièrement contre, cela les rendrait extrêmement vulnérables. Cela les exposerait.
En revanche, chez d’autres, l’agent qui fait correctement et honnêtement son travail n’a rien à craindre. Et voici les raisons servies par les uns et les autres : Ceux qui ne veulent pas, avancent que des personnes malintentionnées pourraient se servir du matricule dans le seul but de nuire. Quelqu’un en effet, soutiennent-ils, peut facilement relever le matricule et porter de fausses accusations contre un agent exempt de reproches. Ce qui n’est rien d’autre qu’une dénonciation calomnieuse. Même si c’est une hypothèse à ne pas exclure, ceux qui sont favorables, de les rassurer en disant que l’agent qui fait correctement son travail n’a pas de soucis à se faire même si son matricule est relevé et remis à l’autorité. Le seul fait de relever puis de donner le matricule d’un agent, sans y «joindre» des faits avérés ou à tout le moins crédibles, n’entraînera pas automatiquement la sanction de l’agent incriminé.
Pas de sanction administrative (suspension) et encore moins judiciaire immédiate. L’agent est présumé innocent. Et d’ailleurs, c’est manquer de respect à la hiérarchie que de croire que le glaive de la sanction s’abattra sur un policier, un gendarme ou un douanier simplement, parce que quelqu’un aura porté des accusations. Dans tous les cas, renchérissent les partisans du port du matricule, le principe du contradictoire devra être observé. Une procédure, qui respecte les droits de l’agent notamment une enquête, sera ouverte et suivie.
Matricule « collé », gage de confiance et de sécurit
Cela dit, si maintenant c’est la confection de la plaquette qui poserait problème, parce que chère (je suis sûr que nos artisans peuvent fabriquer des plaquettes à un coût raisonnable) ou en rupture, pourquoi, en attendant que l’obstacle soit levé, ne pas exiger l’impression sur la tenue ou du brassard, avec une encre indélébile bien choisie et en caractères bien apparents, du matricule (certains le font déjà en mentionnant leur nom patronymique mais c’est insuffisant à cause des risques d’homonymie) ? A ce sujet, pourquoi ne pas faire confiance au génie créateur de nos réputés couturiers qui pourraient sous forme de broderie (une belle broderie), insérer avec du fil de qualité, le matricule ? Dans les pays où la règle de la présentation est de mise, l’usurpation de fonctions existe certes, mais n’est pas aussi fréquente. Lorsqu’une personne en fait la demande, le policier est obligé de dévoiler son identité en donnant son matricule et même son nom complet. J’estime que cela ne devrait être pris, dans mon pays (qui n’est ni une «sous-république», ni une démocratie au rabais) comme «un peu trop de présentation» voire un motif de fausse accusation d’outrage à agent, mais être plutôt vu comme gage de sécurité.
Et de confiance pourquoi pas ? Il arrive que des personnes qui n’ont jamais revêtues l’uniforme, se fassent passées pour militaires, gendarmes, policiers, douaniers et autres. Il s’agit dans certains cas de civils qui se prêtent à ce jeu dangereux. Mais, dans la plupart des cas, ce sont d’anciens militaires non réengagés après la durée légale de formation (cas de Amady Laye Mbengue, ex-commando, qui a quitté les rangs depuis 2001, qui s’est fait passer des années durant pour un inspecteur des douanes. Il a trompé son monde jusqu’à son épouse qui ignorait que c’était un faux douanier) et qui ont fait échec aux différents concours, qui s’adonnent à la pratique de l’usurpation de titres et de fonctions. Leurs manœuvres sont rendues possibles et/ou faciles non seulement par le fait que les proies sont bien choisies (souvent des illettrées) mais surtout, parce que l’imitation au sens du port de la tenue et du langage utilisé (jargon militaire maîtrisé) est quasi achevée même si un crime n’est jamais parfait (car, c’est souvent un détail qui trahit).
Et pourtant, la présentation de la carte professionnelle, sauf exceptions justifiées par le service auquel appartient l’agent ou la nature des missions qui lui sont confiées, aurait pu permettre dans bien des cas d’éviter ce type d’infraction. Pourquoi un gendarme, un policier ou un douanier devrait-il être frustré ou se sentir outragé, simplement, parce qu’un citoyen lambda, POLIMENT ou en Y METTANT LES FORMES, a osé ou a eu le toupet de lui demander sa carte professionnelle ? Pourquoi s’énerver, parce que la personne a, toujours en y mettant les formes et TOUT LE RESPECT DÛ, émis le désir de s’assurer qu’elle a en face ou a affaire à un vrai agent, membre des forces de l’ordre, et non à un délinquant ou un usurpateur de titres et de fonctions ? Bien au contraire, cela devrait être bien accueilli. Le policier, le gendarme ou le douanier doit, en toutes circonstances, incarner la sérénité et ne jamais se départir de son sang froid.
Flegme qui fait sa force. Il doit faire preuve de courtoisie et de délicatesse. Ce qui n’exclut nullement la fermeté. En résumé, c’est l’autorité dans le respect et l’élégance. C’est une chose de sortir ou de présenter la carte professionnelle, mais c’en est une autre de laisser du temps, un peu de temps, au citoyen et ce, pour « vérifier » les mentions portées sur la carte présentée. Et c’est important. En effet, avec l’informatique, les bandits sont très habiles à confectionner à l’identique de vraies fausses cartes professionnelles.
A ce titre, une campagne d’information et de sensibilisation devrait être menée pour apprendre à tout citoyen à bien «vérifier» au sens de lire, une carte professionnelle et être en mesure d’identifier les mentions obligatoires devant figurer sur toute carte régulièrement délivrée par l’autorité. Et pour ceux qui ne savent pas lire ou ne sont pas alphabétisés en français, me diriezvous, que faire ? J’avoue que j’ai cogité et n’ai pas trouvé une solution. Peut-être que la réponse pourrait venir de l’un ou de l’une d’entre vous !
Citoyens, osez-vous demander un policier ou un gendarme son numéro de matricule ?
Dans la réalité, ceux qui osent demander à un policier, à un gendarme ou à un douanier de présenter sa carte, sont comptés sur les doigts d’une main. D’ailleurs, ils le font à leurs risques et périls. Et dans les rares cas où quelqu’un, que j’appellerai «téméraire’, a essayé, il a souvent payé très cher son outrecuidance. Cela étant trop souvent pris pour une effronterie voire un outrage. Je pense sincèrement que pour rassurer et aider à mettre un terme ou à réduire fortement les pratiques de ces délinquants, qui ternissent gravement l’image et la réputation de nos vaillants et honnêtes membres des forces de l’ordre, les policiers, gendarmes et douaniers devraient, faute de matricule fixé sur la tenue ou inscrit sur le brassard, sortir et présenter spontanément leur carte professionnelle.
La demande de présentation de la carte professionnelle devrait être un acte naturel ou ordinaire de sorte que serait même une “erreur”, le citoyen contrôlé ou interpelé qui n’en formulerait pas gentiment la demande. A défaut d’être spontanée, vu que l’agent n’a pas mis ou ne porte pas son numéro d’identification ou matricule, la demande de présentation de la carte professionnelle par le citoyen, ne devrait normalement pas énerver et encore moins être source problèmes, d’aggravation du sort de la personne.
Loin d’être une bravade, l’exigence de la présentation de la carte professionnelle ne doit pas être la demande qui fâche. Elle devrait plutôt être l’acte qui sauve, l’acte qui protège. Elle doit être l’acte qui permet de démasquer, sur le moment, le bandit emmitouflé dans une tenue «impecc» ou correcte de gendarme, policier ou douanier. Avec en prime, et pour mieux ferrer ses victimes, des galons d’officier bien posés, casquette ou béret bien vissé, barrettes, lunettes correcteurs, lunettes de soleil aviateur, lunettes de soleil noires verres fumés correctement ajustées, chaussures ou rangers bien cirés. Certains vont même jusqu’à se doter de paire de menottes.
Bref l’attirail, le barda, tout ce qui rend «l’homme de loi» beau et fascinant. Pour efficacement lutter contre l’usurpation de titres et de fonctions, un agent des forces de l’ordre, en civil surtout et même en uniforme, ne devrait pas mal voir ou refuser qu’un individu ou «un contrôlé» puisse demander à savoir et voir, qui il est. Les apparences ne sont-elles pas trompeuses? N’est-ce pas que l’habit ne fait pas le moine, pardon, l’habit ne fait pas toujours le policier, le gendarme ou le douanier !
L’objectif n’est-il pas de démasquer et de mettre hors d’état de nuire, les individus malintentionnés qui «s’abritent» derrière l’uniforme bien porté pour racketter d’honnêtes citoyens ? Bien sûr que oui ! Il faut séparer la bonne graine de l’ivraie. Lorsque je le dis, il ne faudrait pas que les membres des forces de l’ordre le prennent mal, se fâchent. Et d’ailleurs, pourquoi devraient-ils l’être?
En effet, des brebis galeuses, on en trouve, en nombre, dans toutes les professions et fonctions et ce, sans exception. Je répète, sans exception. Il n’y a pas une seule profession épargnée. Que les membres de la profession qui n’est pas touchée ou gangrenée me jettent la pierre ! Stoïque, j’attends de recevoir le premier ballast de la volée de «khérou rails»… (A suivre…)
Par Joseph Etienne NDIONE, avocat à la Cour