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La Chute D’un Fruit Pourri !

Au Mali, les militaires réunis au sein du Comité national de salut du peuple (CNSP) n’ont fait que ramasser un pouvoir abandonné dans la rue. Ce qui explique la liesse populaire qui a accueilli le coup d’Etat du 18 août dernier. Sans effusion de sang ou un brin de résistance, le régime du président IBK est tombé comme un fruit pourri. Mais les nouveaux maîtres du Mali ont fort à faire pour répondre aux aspirations de la population devenue trop exigeante, dans un pays harcelé par la centrale terroriste dont les combattants ne sont guère loin de Bamako.

Trois ans seulement après son élection en 2013, le président Ibrahim Boubacar Keïta « IBK » déçoit le peuple malien. L’année 2014 qu’il avait déclarée celle de la lutte sans concession contre la corruption a été, ironie du sort, celle des plus gros scandales financiers de l’histoire du Mali indépendant. Les auteurs : des dignitaires de son régime et principalement sa famille et ses proches collaborateurs. Jamais dans ce Mali si pauvre, on a autant parlé de détournements et surfacturations que sous l’ère IBK.

Mieux, celui qui faisait sa campagne électorale en prônant la fermeté face aux groupes armés du nord du Mali défiant l’autorité de l’Etat, en critiquant au passage l’Accord de Tamanrasset signé par le président Amadou Toumani Touré « ATT » en 2006, promettait aux Maliens : « Je ne suis pas celui qui négocie, le pistolet sur la tempe ». Mais que l’histoire sait parfois être cruelle !

L’Accord dit pour la Paix et la Réconciliation signé entre le même IBK et des groupes armés en 2015, sous la supervision de la communauté internationale conduite par l’Algérie, est pire que celui de 2006. En ce sens qu’il viole les dispositions constitutionnelles du Mali à maints endroits de ses fondements et son architecture. Mais IBK n’avait pas le choix, il était sous le diktat des groupes armés qui venaient de faire subir à l’armée malienne un cinglant revers, suite à la visite inopportune à Kidal du Premier d’alors, Moussa Mara, qui voulait par ce geste sonner la reconquête de cette portion du territoire soustraite entièrement du contrôle de l’Etat. L’Administration publique y était absente et les groupes armés indépendantistes regroupés au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) y dictaient leur loi.

A la suite de la signature de cet Accord, la nécessité d’une révision constitutionnelle s’imposait donc pour s’adapter aux desiderata des groupes armés, tels qu’exprimés dans le document paraphé. Ce projet de réforme causera beaucoup d’ennuis à Ibrahim Boubacar Keïta, avec notamment des manifestations monstres par lesquelles les Maliens affirmaient leur opposition à ce projet. A cette occasion, différentes familles politiques, qui se regardaient jusque-là en chiens de faïence, se sont rapprochés pour finir par former un énorme bloc compact avec la société civile, face à Ibrahim Boubacar Keïta.

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Le Mouvement « Anté A Bana ! Touche pas à ma constitution !» était ainsi né pour porter très haut la voix de la protestation. Poussé jusque dans ses derniers retranchements, le président IBK dut céder reportant sine die le projet de réforme constitutionnel. L’un des chiffons rouges de la protestation était l’article 118 de la constitution, notamment son alinéa 3 qui dispose : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. »

L’Administration publique étant absente des localités contrôlées par les groupes armés, indépendantistes et narco djihadistes, d’une partie des régions de Tombouctou, Gao, Mopti et entièrement la région de Kidal, cette disposition constitutionnelle devait donc empêcher la tenue du référendum projeté. Mais la Cour constitutionnelle, présidée par la très contestée Manassa Dagnoko, avait validé le projet de référendum en qualifiant l’insécurité de « résiduelle ».

 Trois mois plus tard, l’insécurité finit par s’installer, en plus du nord du pays, au centre où, mise à part la question djihadiste, des affrontements interethniques font, jusqu’à ce jour, un très lourd bilan. Dès lors, la Cour constitutionnelle était dans le collimateur des mouvements et partis d’opposition. C’est dans ce contexte qu’au début de l’année 2018 le régime IBK, poussif, arrive au terme d’un mandat de cinq ans que les Maliens pensaient suffisamment éprouvant, voire calamiteux, pour ne pas en rajouter. Beaucoup d’ailleurs pensaient que le président IBK dont l’état de santé se dégradait au point de l’obliger à s’absenter souvent du pays afin d’aller se soigner en France ou au Maroc, n’allait pas se présenter pour un second mandat. Mais, sous la pression de sa famille et des dignitaires qui tenaient encore à bénéficier des délices du pouvoir, IBK a tenté le mandat de trop.

 Les résultats de la dernière présidentielle tenue en 2018 restent discutables car les résultats compilés dans les localités où le scrutin s’est déroulé normalement donnent Soumaïla Cissé gagnant avec plus de 53 % des voix. Mais c’était compter sans la ruse des caciques du régime IBK qui ont justement mis l’insécurité à profit pour se maintenir au pouvoir. Ils ont procédé à un bourrage des urnes dans des endroits inaccessibles à l’opposition, aux observateurs nationaux et internationaux, et réussi à faire basculer les résultats en faveur de leur champion. Dans le centre du pays, ils ont scellé une alliance avec les milices qui y régnaient. L’argent a circulé à flots pour faire accepter la tenue du scrutin. Naturellement, avec un bourrage des urnes en faveur du pouvoir en place. Même scénario au nord du pays.

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Dans certaines localités désertées par leurs habitants qui ont fui l’insécurité pour se réfugier dans des pays voisins, les listes de vote ont été émargées pour produire des résultats avec des scores à la soviétique. C’est à croire que, comme par une baquette magique, les réfugiés étaient tous retournés pour voter avant de regagner leurs camps respectifs dans les pays voisins. Et tout ceci en quelques heures ! Malgré les images qui ont circulé, dans lesquelles des chefs de tribus du nord du Mali ou des maires de localités sous occupation des terroristes se faisaient assister de leurs adjoints pour voter au nom de tous les électeurs inscrits, les observateurs internationaux, y compris ceux de la Cédéao, n’ont pas objecté, estimant que cela n’entachait en rien la sincérité du scrutin qu’ils ont validé.

La Cour constitutionnelle leur emboîtera le pas pour déclarer ainsi IBK réélu. S’ensuivit une contestation de plusieurs mois, sans que la Cédéao ne daignât broncher. Tout au plus, les membres du syndicat des chefs d’Etat de la Cédéao intervenaient secrètement pour convaincre le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, de baisser le ton et les bras pour faire passer leur protégé, notamment Ibrahim Boubacar Keïta « IBK ».

Le désormais ex-président malien, qui a préféré rester dans sa résidence privée de Sébénikoro transformée en château avec les ressources publiques, au lieu de déménager au palais de Koulouba qu’il a pourtant réfectionné après sa destruction en 2012 par la bande du capitaine Sanogo, a été vite rattrapé par le syndrome du canard boiteux. Très tôt d’ailleurs lors de son second mandat. Ce syndrome qui n’épargne nullement les chefs d’Etat populaires, a atteint profondément IBK, devenu un chef d’Etat trop désincarné. Pendant que son fils, Karim Keïta, faisait feu de tout bois et donnait l’impression d’être calife à la place du calife. Avec les nombreuses pertes en vies humaines enregistrées dans les rangs de l’Armée secouée par des scandales de détournement de primes des militaires, des marchés d’équipements attribués à des prête-noms qui étaient des vendeurs en détail de pièces détachées (d’occasion) de voitures ou des gens du showbiz ou de simples chômeurs, qui livraient du matériel d’occasion non fonctionnel et largement surfacturé, les forces de défense étaient déjà sur les dents.

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Par ailleurs, durant son règne à la tête du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta a eu le mérite de fabriquer, lui-même, ses adversaires issus de tous les secteurs de la vie nationale et dont les rangs n’ont cessé de grossir au fil des jours. C’est ce beau monde qui s’est retrouvé, sous le leadership de l’imam Mahmoud Dicko, au sein du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui a quasiment immobilisé la vie nationale pendant deux mois, notamment à travers son mouvement de désobéissance civile, ponctué de méga rassemblements populaires hebdomadaires pour exiger la démission du président IBK. Depuis la réélection du désormais ex-président IBK en 2018, le Mali est plongé dans une période de turbulences. Les mouvements de protestation enflaient et gagnaient des secteurs névralgiques de la nation. Les préavis de grève se multipliaient. L’école est restée en panne à cause d’une grève des enseignants, durant presque toute l’année scolaire. Les magistrats en grogne avaient menacé de reprendre, à la fin de ce mois d’août 2020, leur mouvement de grève qui a duré 100 jours en 2019 ! Le secteur de la Santé vociférait en exigeant l’application des accords signés suite à une grève de deux mois l’année dernière. Les administrateurs civils, qui ont défié l’Etat à plusieurs reprises, projetaient de déclencher une grève la semaine où les militaires ont finalement obligé IBK à démissionner.

Les policiers, de leur côté, avaient décidé de manifester le jour même où la nouvelle junte est passée à l’acte, précisément le mardi 18 août 2020. Les transporteurs, quant à eux, commençaient à se faire entendre tôt le matin du jour où les militaires ont sifflé la fin de la récréation. Cela bougeait dans tous les secteurs de la vie nationale. Pour se faire élire en 2013, IBK avait noué deux alliances dangereuses qui l’ont finalement emporté parce que s’étant retournées contre lui. D’abord avec les milieux islamiques du mouvement Sabati 2012 sous influence de l’imam Mahmoud Dicko. Ensuite avec les militaires, notamment l’ex-junte du capitaine Sanogo. Le mardi 18 août 2020, les militaires n’ont fait donc que ramasser un pouvoir tombé dans la rue comme un fruit pourri !







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