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Affaire Khalifa Sall Ou L’isolement D’un Challenger Putatif (par Kalidou Thiam)

Au lendemain des élections présidentielles de 2012, le président de la République Macky Sall a respecté son principe du gouverner ensemble avec la coalition gagnante. La horde victorieuse de la deuxième alternance va occuper les instances de gestion du pays. Mais vite on va se rendre compte que la coalition Benno Bokk Yakaar n’était en réalité qu’un compromis boiteux où les adversaires doivent se réduire à courber l’échine et les irréductibles, qui refusent l’alliance aveugle, se feront éliminer sans atermoiements.

En réalité si Khalifa Sall s’est démarqué de la coalition BBY, c’est parce qu’il a vu très tôt se dessiner le sursis du régime mais surtout parce que le nouvel ordre politique en place lui paraissait trahir les idéaux de la République. La goutte d’acide sur la plaie à vif est la déclaration de Abdoulaye  Wilane estimant que le PS, dont il est le bavard porte-parole, assume le bilan de Macky Sall et se refuse de présenter un candidat pour 2019. Khalifa Sall soutient mordicus le contraire. Rappelant à sa famille politique les dangers de la  domestication imminente de leur formation.

 C’est dans le passé colonial, plus précisément au procès verbal du conseil colonial de l’AOF en sa séance du 30 octobre 1923, que Macky Sall va chercher les recettes utiles à « cuisiner » son grand frère Khalifa Ababacar Sall. Ces archives établissent l’existence de fonds politiques et fonds secrets pour le maire de Dakar utilisables à discrétion par le premier édile afin de régler des dépenses urgentes de natures diverses. Ces fonds seront appelés caisse d’avance, un groupe de mots qui fera triste fortune dans la presse. L’appellation renvoie à une sémantique juridique qui fait que le maire n’est pas un comptable public mais un ordonnateur de crédits exempté de présentation de documents justificatifs sur l’usage des fonds en cas de litiges. Donc la caisse d’avance échappe aux règles de droit commun de la comptabilité publique.

De retour de Tambacounda où il était en tournée politique, sur invitation de Lassana Kante , le maire de Dakar dont on cherchait l’effigie sur la lune, preuve de transparence est accusé de détournement de deniers publics et convoqué à la division des investigations criminelles. Lui qui avait fait, sans contrainte aucune, sa déclaration de patrimoine à deux reprises. C’est alors qu’il a compris que son boubou immaculé va se frotter à la paille humide du cachot et rumine les propos de son guide Al Makhtoum qui disait «il arrive que la bêtise se mondialise». Cette émotion créa une grande disponibilité lacrymale sur ce visage éclairé d’innocence. On se rappellera ses larmes, ses longs sanglots d’un après-midi qui arroseront les choux gras de la presse du lendemain. C’est la dernière apparition publique de Khalifa Sall libre, pour au moins deux ans. Le juge d’instruction l’inculpe pour un chapelet de délits et laisse les deux précepteurs leur liberté par un placement sous contrôle judiciaire.  Stomaqué, le jeune Barthelemy Diaz, un compagnon féal du maire, prononce une violente philippique  contre les magistrats et rejoint son mentor en prison. Du côté du parti socialiste c’est le silence total. Personne n’en parle. Ils évoquent plutôt la prochaine exclusion de khalifa Sall du parti. Mais fallait-il encore préciser qu’entre Khalifa et le socialisme c’est un mariage catholique moins facile à rompre que n’importe quelle autre union confessionnelle. Il est placé sous mandat de dépôt le 7 mars 2017 avec le refus de se faire assister par un conseil, une violation du règlement de l’UEMOA disposant que l’accusé doit se présenter à l’audition avec son avocat. Son fief Grand Yoff s’embrase toute la nuit.

Quelques jours plus tard, le magistrat instructeur l’entendait sur le fond du dossier, le palais commanditaire lui proposait de rénoncer à ses ambitions s’il tenait à sa liberté. Mbaye Ndiaye, ministre conseiller de Macky eut la candeur cynique de dire où d’avertir Khalifa Sall que s’il rallie le camp du pouvoir, il se débarrassera de ses déboires. Khalifa Sall, friand de correspondances en prison, écrira « Il m’a été fait savoir que si je voulais que cette procédure cesse, il faudrait d’abord que je cesse mon ambition politique» .Seule la justice pouvait casser ce leader dont la faveur dans l’opinion publique devenait inquiétante surtout à l’approche des élections législatives. La psychose de la cohabitation faisait frémir le palais en ce début de l’été de 2017. Wade avait retrouvé sa jeunesse et faisait le tour du pays, Idy replaçait ses pions, Sonko forçait la sympathie populaire et le PUR déroulait une leçon de structuration politique à l’échelle nationale… d’autant plus que le couvercle trop vissé sur le peuple allait sauter.

En plus de l’incarcération de son maire, Dakar avait terriblement soif, se noyait sous les eaux d’un hivernage précoce et les fuites du toît de l’Office du baccalauréat indisposaient le pays.  C’est dans ce contexte que se tiennent les législatives, Khalifa est bombardé tête de liste et son temps d’antenne reste occupé par une chaise vide et des menottes, un coup de génie de communication qui fera tilt. Ses lieutenants de circonstances sont Idrissa Seck, Malick Gackou, Cheikh Bamba Dieye. Comme au Congo sous Mobotu, les résultats et le déroulement du scrutin législatif vont casser les dernières vitrines démocratiques. Les observateurs font une figuration intelligente et ne peuvent expliquer le saccage de bureaux de vote sur l’étendue du territoire et l’absence de matériels du scrutin même à Yoff. Les résultats élisent Khalifa Sall député avec six autres de ses camarades de liste, une autre bataille s’annonce, celle de la levée ou non de son immunité parlementaire. L’assemblée reconnaît qu’il n’en dispose pas mais finira pour par prononcer la levée de l’immunité parlementaire de l’illustre prisonnier qui s’entête à exister politiquement. Rude métier que celui d’opposant au Sénégal !!!

Le 3 janvier 2018 s’ouvre le procès de l’affaire de la caisse d’avance avec l’Etat qui se constitue partie civile alors que la ville de Dakar est une personnalité morale de droit public habilitée à se représenter en justice par un membre du conseil municipal. Au tribunal, le président Henry Grégoire Diop semblait vouloir tenir la balance égale entre défense et accusation mais le statut politique du supposé infracteur pesait délicatement et les admirateurs de Khalifa Sall ont fait du temple de Thémis, un grand théâtre. La justice y risque sa moralité républicaine, l’assemblée a bouclé son complot et l’exécutif attend son verdict.

 Fin de la deuxième partie (Bientôt la troisième incha Allah)

Par Papa Kalidou Thiam cellule de communication de la plateforme ADK.

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