Depuis la période de la sédentarisation, les hommes, dans leur vouloir de vie commune, ont tenté tant bien que mal de fixer des règles et conduites qui protègent et garantissent l’honneur et la dignité humaine. Le mot Economie est tiré de deux mots latins, à savoir «oiko» et «nomos». Son sens étymologique se rapportait aux activités qui permettaient une bonne gestion de la maison. Par la suite, il a été étendu aux affaires de la cité. Mais dès l’instant qu’une interaction survient entre deux protagonistes animés par des intérêts communs ou divergents, cela va sans dire qu’il sied de fixer les règles du jeu pour protéger les libertés de tous et que les plus favorisés par la société ne s’en prennent aux démunis. Ces règles, regroupées sous le vocable du droit, s’appliquent, a priori, à tous les citoyens, sans aucune partialité.
Cette introduction n’est que le prétexte pour parler de l’actualité tristement relayée ces dernières semaines dont le thème principal est le litige foncier. Mais de tous ces faits, deux ont particulièrement retenu l’attention et ont indigné plus d’un : le cas des habitants de la cité Gaddaay et celui des agriculteurs de Ndengleer. Les premiers sont opposés à un promoteur immobilier et les seconds à un affairiste milliardaire. Nous n’allons point refaire le procès juridique de ces deux contentieux pour voir qui a tort ou qui a raison dans le sens légal du terme, bien que pour le premier cas, selon les dires d’un journaliste d’un organe de presse, la justice a non seulement débouté le promoteur, mais lui a également intimé l’ordre de dédommager les habitants. Par contre, ce que personne ne peut nier est que dans les deux affaires, des personnes à l’abri du besoin ont usé de subterfuges pour déposséder des communautés très vulnérables de biens acquis à la sueur de leur front ou hérité de leurs aïeuls. C’est à ce niveau que la morale, le «jomb», le «mbagnuum russ», le «yermaande» prennent tout leur sens. Dans quel monde sommes-nous, où les plus riches n’ont d’yeux que pour les maigres pitances des moins riches, qui peinent à joindre les deux bouts ? Pourtant le Président actuel, dans son programme Pse, nous définit la protection sociale comme étant «un ensemble de mesures visant à protéger les populations contre la survenance de risques sociaux. Elle intègre les régimes publics de sécurité sociale, les régimes privés ou communautaires […]. Les transferts non contributifs, à travers l’assistance sociale (transferts réguliers et prévisibles) et les filets sociaux de sécurité permettent aux populations pauvres de disposer d’un revenu minimum, de moyens de subsistance et de soins de santé» (Pse, page 80, alinéa 363). Plus loin dans le même document, «le Sénégal réaffirme sa volonté de protéger les droits humains et les libertés fondamentales, de renforcer l’Etat de droit avec des institutions fortes et un appareil judiciaire efficace» (Pse, page 87, alinéa 390). Comment peut-on vouloir instaurer une protection sociale en signant un décret qui dépouille des paysans dont le seul tort est d’être «badoola», comme ils l’ont dit, des terres qui constituent leur unique source de vie ? Comment peut-on vouloir protéger les droits humains et les libertés fondamentales en envoyant une police matraquer de bonnes dames, sans défense, dans leurs propres terres ?
Pour le cas de l’affairiste, je le supplie à genou de se ressaisir. Certes légalement il est dans ses droits. Mais dans la vie, il y a toujours deux tribunaux : celui classique et celui de la conscience. Des décennies durant, il a été présenté comme un modèle de réussite. Hélas, pour 75 ha, ce mythe s’effondre, tel un château de cartes, frappé par un éternuement d’un enrhumé. En outre, comment vouloir contribuer à construire une université et en même temps attenter à la vie des pères et mères de celles et de ceux qui devront y aller ? Pour se dédouaner, il a tenté un «show médiatique» qui n’a fait que l’enfoncer. A lui maintenant de choisir entre sa respectabilité et sa poche.
Dr Cheikh Ahmadou
Bamba NGOM
Economiste