Preux, tu l’étais assurément. Toujours prêt à braver toutes les intempéries pour faire passer les belles idées.
Il t’a fallu une bonne dose de hardiesse et de ténacité pour imposer au Sénégal une presse libre.
Chevaleresque tu l’étais ; tu épousais toutes les causes nobles, tu étais de tous les combats au nom de l’amour, de la vérité. Tu exécrais une certaine pratique de la presse qui consiste à faire les poubelles de la vie d’un individu, à s’acharner sur quelqu’un gratuitement, à régler des comptes …la «presse caniveau», en somme.
Tu laisses orphelins une foule de parents d’amis, de collaborateurs, d’admirateurs.
J’en suis. J’ai eu la chance de te côtoyer, puisque pendant six ans l’Institut Bda était logé sur le même palier que le groupe Sud com.
Pour la débutante que j’étais dans mon métier, quel immense plaisir que de côtoyer cet illustre voisin de palier. Bouillonnant d’idées.
Je venais régulièrement te rendre une petite visite et autour d’un bon café nous devisions de la marche du pays, de marketing, de communication, de philosophie, de sondages, de littérature…
Ta culture était immense. Très admirative, je buvais littéralement tes paroles.
Tu nous faisais aussi l’amitié de passer nous voir au Bda, histoire de te dégourdir les jambes et de nous galvaniser.
Bda a eu l’insigne honneur d’accompagner le passage de Sud Hebdo à Sud Quotidien et de réaliser les sondages qui ont permis l’érection de la radio Sud Fm.
Tu nous a même fait l’amitié de nous inclure dans le circuit du Président Abdou Diouf lors de son inauguration de la radio Sud Fm alors que rien ne t’y obligeait.
Par la suite, nous avons souvent collaboré jusqu’à ton passage au Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra).
Une très longue relation professionnelle donc. Doublée d’une belle complicité.
Tu étais d’une grande exigence, tu lisais tout, au détail près ; tu étais un interlocuteur stimulant.
Tu n’hésitais pas à nous demander de revoir notre copie quand c’était nécessaire.
BT, tu n’étais pas facile tous les jours : un tantinet capricieux, tu piquais aussi des colères homériques, tu t’installais dans des bouderies…
Mais ce que l’on retient de toi, c’est une très grande générosité, beaucoup d’altruisme, une vraie gentillesse, un sens élevé de la justice, de la dignité, le culte de l’amitié.
Tu avais ton cercle restreint d’amis : tu l’as gardé jusqu’à ta mort.
Sous tes airs bourrus, tu cachais des trésors de sensibilité et il n’était pas rare de te voir les yeux larmoyants lorsque tu étais ému. Un colosse aux pieds d’argile en somme. Un dur au cœur tendre. Un grand monsieur qui cachait une âme de petit garnement.
Tu avais un immense sens de l’humour avec un véritable sens de la formule. Tu savais tourner presque tout en dérision, histoire de dédramatiser les situations.
Tu me savais bon public, aussi n’hésitais tu pas à me faire rire aux larmes.
Un jour, alors que je te proposais de participer à un sondage multi-clients, tu m’as répondu : «C’est un sondage yobalema ton histoire-là.» … Nous en avons beaucoup ri.
On ne parlera jamais assez de la beauté de ta plume ; toujours élégante, parfois courroucée, fleurie. Jamais de vitriol. De la classe.
Tes éditos, je les attendais en trépignant d’impatience afin de les déguster. En fonction de l’actualité, je m’inquiétais de savoir si tu écrirais.
Ce que tu aimais, c’était les idées, les projets. Tu étais un rêveur doublé d’un bâtisseur.
Avec ta disparition, l’Afrique perd une de ses plus jolies plumes, une tête bien faite.
Ainsi donc, tu es parti sur la pointe des pieds.
Tu n’es plus, mais pour nous tous tu seras toujours.
Tu resteras vivant dans nos mémoires pour l’éternité.
Tu nous laisses en héritage de belles réalisations, une œuvre, un bel outil, des écrits, une mentalité.
Car Sud, c’était une mentalité : la probité, le courage, l’indépendance.
Une de tes phrases préférées était : «Nous ne sommes pas aux ordres.» Volontiers frondeur lorsque c’était nécessaire, tu étais un homme engagé.
Tu resteras un exemple pour nous tous.
Tu t’es accompli, tu as été utile et tu laisses une empreinte.
N’est-ce pas cela réussir sa vie ?
Tu rejoins des plumes illustres : Elimane Fall, Chérif Elvalide Sèye, Moussa Paye, Bara Diouf, Sidy Lamine Niass.
Héros de la presse, héraut tout court, tu as rempli ta mission («wacc liggey» comme on dit chez les Mourides).
Je présente mes condoléances à ta famille éplorée, à tes amis, à Abdoulaye Ndiaga Sylla et à tous tes collaborateurs.
Au revoir Babacar !
Repose en paix !
Qu’Allah t’accueille dans son Paradis firdawsi !
Yacine BA SALL
Directrice Générale de
l’Institut BDA
Yacine.ba.sall@institutbda.com