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Avec Babacar Toure, Nous Sommes Devenus Des Amis

C’est dans les années 80 que Babacar et moi nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Il m’avait donné l’impression de m’avoir classé « homme de droite». Pour lui, un officier ne pouvait pas beaucoup aimer les opposants, les syndicalistes ou les journalistes indépendants. Mais je lui ai expliqué qu’en 1958, le futur Président Senghor avait envoyé à l’Université de Dakar (pas encore Université Cheikh Anta Diop), le Général Amadou Fall et le Colonel Mademba Sy, pour demander des volontaires prêts à aller en France préparer les grandes écoles militaires, dont Saint Cyr. Ils nous ont expliqué que Senghor ne voulait pas d’une armée au rabais à notre indépendance, mais des officiers républicains, répondant aux normes internationales. C’est alors que mon ami Moussa Dioum et moi, nous nous sommes portés volontaires. L’Ecole Spéciale Militaire Saint Cyr nous a appris que notre mission était de garantir l’intégrité territoriale de notre pays et la protection de tous les Sénégalais sans distinction. Nous savions également que nous devions être loyaux à la Constitution et respecter la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Ces principes ont pu expliquer que l’armée sénégalaise n’a jamais pris le pouvoir. Notre fonction et notre responsabilité veulent aussi que nous connaissions bien la société sénégalaise.

Pour cela, les médias jouent un rôle fondamental. La presse indépendante que préconisait Babacar Touré est donc nécessaire non seulement à cette connaissance, mais son indépendance participe également à l’approfondissement de notre démocratie, ce qui exclut la pensée unique. J’ai également appris à Babacar Touré que j’étais un fidèle lecteur du journal Le Monde depuis les années 60 et que j’appréciais particulièrement les articles du journaliste Philippe Decraene sur la défense. Celui-ci m’a même fait l’honneur de me rendre visite à l’Etat Major Général des Armées. Mes arguments ont dû convaincre Babacar et il est alors devenu un ami.

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En effet, il m’appelait désormais « Grand ». Je me rappelle qu’après mon mandat d’Ambassadeur à Washington (1993- 2002), il m’a interviewé sur l’AGOA (African Growth and Opportunity Act). Cette loi permet aux pays africains éligibles d’exporter 6000 articles vers les USA sans taxe d’entrée. L’ambassadeur du Sénégal que j’étais avait été coopté par ses pairs africains pour diriger la task force sur l’AGOA. Les membres de la task force devaient collaborer avec les Députés et les Sénateurs américains pour l’élaborer et la faire signer par le Président Clinton.

De même Babacar m’a fait l’honneur de me présenter à la première page du journal Sud en parlant de mes relations avec Madeleine Albright qui a été la Secrétaire d’Etat (Ministre des Affaires Etrangères) de Washington avant mon ami le Général Colin Powell.

Plus tard, nous nous sommes retrouvés aussi à l’occasion de la célébration d’un anniversaire du Président Amadou Makhtar Mbow, Président des Assises Nationales. Il a alors su que j’étais un des Vice-Présidents des Assises Nationales comme l’ancien Ministre Cheikh Hamidou Kane, l’ancien Premier Mamadou Lamine Loum et Feu Mansour Kama, un autre ami. C’est après les formidables éditoriaux qu’il venait de publier dans le journal Sud, il y a quelques semaines, que j’ai appelé Babacar pour le féliciter. Car je pense qu’il avait diagnostiqué en profondeur la société sénégalaise. Il s’est montré historien de notre époque. Une dernière leçon de Babacar : bien que journaliste de renom, donc bien connu, il n’a jamais fait allusion à son appartenance religieuse que je n’ai découverte qu’à son décès. Je trouve que c’est une leçon dans l’esprit de la laïcité de notre pays.

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Le panafricanisme de BT était aussi bien connu. Il a côtoyé de nombreux Chefs d’Etat africains et son œuvre n’était pas uniquement pour le Sénégal, mais pour la réalisation de l’unité de l’Afrique, seule voie de survie de notre continent. Je finirai par relever ce qu’il a dit au Président Macky Sall, qu’il n’était pas employé du gouvernement. Ce qui n’est pas étonnant quand on connait l’indépendance d’esprit de Babacar.

Adieu et merci l’ami, soldat de la démocratisation du Sénégal. Nous ne t’oublierons pas. Ton œuvre restera pour les générations présentes et futures.







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