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Place A La Circonspection

Une semaine, jour pour jour, après le coup d’Etat, c’est le calme plat à Bamako. La poussière s’étant dissipée, les Maliens déjà soulagés du départ de leur désormais ex-président, Ibrahima Boubacar Keïta (IBK), voient mieux l’horizon et le scrutent avec méfiance, tout en regardant la junte avec circonspection.

Les militaires actuellement aux affaires au Mali ont démenti avoir l’intention de faire une transition de trois ans avant de remettre le pouvoir aux civils par l’organisation d’élections propres. Toutefois, ils entendent disposer du temps nécessaire pour mener les réformes nécessaires afin de redresser le pays et la démocratie. Faut-il les croire sur parole ? Même si les contextes et les acteurs sont différents de ceux de 2012, les Maliens ne peuvent oublier les moments sombres vécus sous la férule de la junte du capitaine catapulté au grade de général d’armée, Amadou Haya Sanogo.

En effet, les promesses de lendemains meilleurs n’ont jamais vu le jour. Très rapidement, la lune de miel entre la classe politique malienne et la junte de Sanogo s’était transformée en louche de fiel. Pour dire que, malgré la liesse populaire qui a accompagné la décision de la junte de contraindre IBK à la démission, une certaine méfiance vient tempérer ce sentiment de soulagement des Maliens. Les militaires qui ont dégagé le président IBK se sont constitués en un Comité national de salut public (CNSP) présidé par le colonel Assimi Goïta. Surnommé « Asso » par ses intimes, le chef de la junte a 37 ans.

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Marié et père de trois enfants, il est décrit comme « un homme rigoureux, tenace, adepte des défis et apte au commandement » selon sa biographie établie par le CNSP. Cet ancien enfant de troupe du prytanée militaire de Kati, devenu officier de l’armée de terre spécialisé en armes blindées et cavalerie, après une formation à l’Ecole militaire interarmes (Emia) de Koulikoro, connaît bien le nord du Mali où il a servi depuis 2002 à Gao, Kidal, Ménaka, Tessalit et Tombouctou, dans le cadre de la lutte contre les terroristes. Après l’attentat contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako en 2015, il est nommé coordonnateur des opérations spéciales du ministère de la Défense, avant de commander, en 2018, les forces spéciales maliennes qui mènent des opérations au nord et au centre du Mali. Il a aussi participé à des opérations militaires au Darfour, en opération extérieure. Le vice-président du CNSP est le colonel Malick Diaw, un officier de terrain très expérimenté, bénéficiant de la confiance des troupes.

Le colonel-major Issa Wagué, désigné porte-parole du CNSP, est un homme d’action, un officier supérieur qui a prouvé son sérieux et sa rigueur. Un autre membre influent du CNSP, le colonel Sadio Camara, a montré son sérieux et sa rigueur lorsqu’il était directeur du prytanée militaire de Kati où on retient que sa propre fille a passé à deux reprises le concours d’entrée à cette école, sans succès. Il ne saurait y avoir de plus grande preuve de sérieux, de rigueur et d’honnêteté de cet officier supérieur ! Plusieurs officiers supérieurs, et même des officiers généraux, sont membres de ce CNSP. Mais pour des soucis d’ordre stratégique, leur nombre et leur identité n’ont pas été dévoilés.

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En tout cas, ceux d’entre les membres du CNSP qui sont connus des Maliens font bonne impression et les informations recueillies sur eux plaident en leur faveur et en leur bonne foi, notamment leur décision de procéder rapidement à un nettoiement des écuries d’Augias avant de rendre le pouvoir aux civils, suite à une réforme du système électoral garantissant des élections sans reproche. La délégation de la Cédéao qui a rencontré les tombeurs du président IBK durant deux jours, depuis dimanche dernier, a pu d’ailleurs se rendre compte de la différence qualitative, comparativement à la junte dirigée par Sanogo en 2012. Déjà, face aux émissaires de la Cédéao, le CNSP a insisté sur son engagement à redonner au Mali une vie constitutionnelle normale, au bout d’une transition dont la durée n’a pas été fixée mais qui devrait être assez brève. En tout cas, les putschistes promettent de poser les bons actes au cours de cette transition. Tant mieux alors pour le Mali qui a trop souffert ces dix dernières années d’une crise multidimensionnelle accentuée par la mal gouvernance pour ne plus avoir à supporter des dérapages et maladresses d’une junte pour le moment très applaudie. L’urgence du moment, c’est la question sécuritaire. Il serait impardonnable à des officiers supérieurs de ne pouvoir résoudre cette question, l’un des prétextes du coup d’Etat contre IBK.

Les Maliens ruminent encore les mauvais souvenirs de 2012 car c’est sous la gestion du pays par la junte du capitaine Amadou Haya Sanogo que leur pays a failli disparaître en tant que nation. Tout le monde se rappelle encore que, n’eût été l’opération « Serval » de la France, les Maliens seraient en ce moment tous barbus et en train de couper leurs pantalons à la mode taliban, comme l’exigeaient les narco-djihadistes aux populations du nord du Mali, lors de la période sombre de l’occupation par les obscurantistes. « Nous n’avons pas droit à l’erreur » estime en tout cas le président du CNSP, Assimi Goïta.

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Tant mieux si déjà le CNSP prend conscience des énormes chantiers qui l’attendent : la lutte contre la corruption et la délinquance financière ; le rétablissement de la paix et de la sécurité sur l’ensemble du territoire ; la relecture de l’Accord dit pour la paix et la sécurité de 2015 ; la relance de l’économie ; la résolution des problèmes de l’école malienne, de la santé, du sport dont le football qui peine à se relever d’une crise de plusieurs années, etc…

De toutes façons, les membres du CNSP doivent méditer le cas du président déchu, IBK, élu en 2013 avec un score à la soviétique, avant de devenir le malaimé de l’année obligé de quitter ses fonctions de chef d’Etat dans des conditions humiliantes. En d’autres termes, entreprendre c’est facile, mais réussir est plus difficile. Et la population malienne, devenue exigeante, attend des résultats.







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