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Le Mali Face À La Cedeao

Le coup d’État militaire au Mali a vu réagir certains chefs d’États d’Afrique de l’ouest, et plus particulièrement de la CEDEAO.

Il est tout à fait honorable et souhaitable que les chefs d’États se préoccupent du sort des peuples voisins, plus particulièrement dans le but de les soulager et de les aider à surmonter leurs difficultés de quelque nature qu’elles puissent être.

Soulager des difficultés matérielles ou humaines, surmonter des dissensions, apaiser des conflits certes, mais comment ?

Les États européens ont construit avec leurs peuples, qu’ils sont censés représenter, des règles de coexistence et de respect de droits négociés suite à de multiples luttes et soulèvements à travers les siècles. Non sans d’ailleurs chercher à les réduire ou les dévoyer lorsque le rapport de forces le leur permet.

Ces mêmes États ont appris, après les guerres qui ont jonché leur histoire, à négocier avec leurs voisins de même civilisation des rapports consensuels reconnaissant leurs droits respectifs, avec pour objectif systématique le règlement des conflits à l’amiable et dans l’esprit de la règle de droit. Quelle que soit l’issue ou la non-issue d’un conflit, leurs peuples ne sont pas punis.

Certains de ces États, qui sont aussi à traditions coloniales et/ou impériales, ont intégré dans leur structure à travers les siècles ce qui est devenu finalement une essence, une nature intrinsèque. Leurs guerres coloniales sont des missions civilisatrices, les massacres face aux soulèvements populaires des actions de pacification, leurs prêts bancaires, qu’on ne finit jamais de payer, sont des aides octroyées généreusement et par grandeur d’âme.

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Lorsque les États des peuples coloniaux ne respectent les règles qui leur ont été définies et auxquelles ils ont été ou qu’ils ont adoptées bon gré mal gré, ils ne sont pas seulement rappelés à l’ordre. Lorsqu’ils n’obtempèrent pas et ne s’engagent pas à les respecter, c’est une politique de la terre brûlée qui leur est appliquée : sanctions diverses et variées sont décidées les unes après les autres et appliquées rigoureusement, sans parler des guerres et des destructions, des déstabilisations économiques, sociales et humaines et de la démultiplication de la corruption que cette politique entraîne.

Ils continuent ainsi, de par leur nature, leur guerre coloniale ou leur guerre froide quand il s’agit de la Russie. Le but, avoué ou non, est que leurs peuples, face aux multiples privations que cela génère, finissent par se soulever contre leurs dirigeants, se dire « tout sauf ça » et appellent à la reddition et la soumission.

Plus insidieusement, les Etats colonialistes et/impériaux ont réussi à faire adopter ces mesures et méthodes, et à les faire appliquer, par nos propres Etats et organismes de coopération supranationaux. Ces derniers se transforment ainsi en leurs bras idéologiques, politiques, économiques, voire militaires en dernière instance. C’est le parachèvement parfait du système colonial : consciemment ou inconsciemment, volontairement ou non, nos dirigeants et élites sont ainsi devenus leurs clones couleur locale.

Mais enfin, quelle guerre coloniale prétend poursuivre la CEDEAO contre le peuple malien ? Au nom de quoi et de quels intérêts voudrait-elle affamer le peuple malien en lui imposant un blocus, sanctionner les peuples voisins en les privant de leurs mobilités et relations humaines, commerciales, aggravant ainsi les difficultés dans lesquelles les uns et les autres se débattent toujours plus ? Ils sont pourtant bien placés, nos dirigeants et élites, pour savoir que ce genre de mesures ne nuisent en rien aux tenants du pouvoir et leurs affidés, et que les seuls à payer sont leurs peuples eux-mêmes.

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Et il ne s’agit pas de débattre de la légitimité ou non du coup d’État au Mali. Quel que soit le conflit auquel aurait-on à faire face, ne serait-il pas temps pour l’Afrique de rechercher des mécanismes d’intervention qui lui soient propres, fondés sur le bon voisinage, et dont l’objectif affirmé et le résultat immédiat et à terme sont de soulager d’abord leurs peuples et préserver leurs échanges mutuels. Les sanctions (lorsqu’elles ne frappent pas l’individu ou le groupe d’individus présumés fautifs et jugés en tant que tel) et les guerres, ce n’est pas le dialogue, c’est la soumission. Et tout autant, comme dirait l’autre, acheter la paix ou l’imposer par la coercition, c’est la meilleure façon de paver la voie à de futures et déstabilisations.

Il serait temps pour nos élites et dirigeants d’arrêter de faire du copier-coller et d’œuvrer à l’élaboration de règles et mécanismes pour un règlement des conflits fondé sur un dialogue fécond et producteur de paix et de respect mutuel. Notre histoire et nos valeurs en regorgent suffisamment pour nous inspirer et nous donner matière dans cette voie.







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