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Un Dialogue Tout En Rythmes Et Sons

Restons avec Omar Thiam pour un autre éclairage. Pour ce coupci, le « grand maître du tam tam » évoque la complicité existant entre le lutteur et son batteur et dont le premier nommé peut tirer profit chaque fois qu’il se trouve en mauvaise posture face à un adversaire. Voilà qui révèle une autre fonction du tamtam dans la lutte traditionnelle sérère, hormis celle de créer l’ambiance sous les envolées lyriques des cantatrices promptes à enflammer le public et les lutteurs.

Rien n’est de trop pour triompher, qui plus est, si dans le feu de l’action l’on commet une erreur permettant à l’adversaire de vous mettre dans une situation qui vous ne laisse plus aucune chance de vous tirer d’affaire. Il ne vous reste plus dès lors qu’à implorer les dieux pour échapper à la défaite. Il existe une autre porte de sortie pour l’infortuné lutteur, selon Omar Thiam grand tambour major sérère «Avant chacun de leurs combats, Manga 2, de même que Robert Diouf, lançait toujours un appel aux Sérères en disant : « Que chacun joue sa partition ! ».

Un message bien décodé par les initiés. A chaque fois que Manga 2 était en mauvaise posture, on battait le « khaagne » qui permet d’invoquer les esprits pour venir en aide au lutteur. Mais cela dépend des rythmes, car ces incantations ne vont pas de pair avec des rythmes galvaudés inconnus de nos « pangols ». C’est, entre autres, une des explications de cette sécheresse, cette rareté du poisson que l’on interprète comme un fléau mondial. Il y a également l’abandon total de nos us et coutumes, de notre patrimoine rythmique et notre patrimoine en général. Je confirme donc que le lutteur en mauvaise posture peut être secouru par le batteur à travers ses rapsodies.

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Bien évidemment, cela dépend des rythmes qu’il bat pour la circonstance. Ce n’est pas un apprentissage, c’est une connaissance. C’est un langage codé, une science typiquement sérère. Hélas on ne l’entend plus. C’est cela qui faisait le charme des Sérères. Tout ce qui distinguait le lutteur sérère des autres est maintenant laissé en rade, notamment les « mbap » (« nguimb » en wolof) traditionnels qui étaient vraiment de l’art. Ce manquement a été relevé par un ami Européen qui, un jour, m’a dit : « Mais Omar, vous avez changé votre culture. J’ai filmé des séances de lutte en 1986 à Mbassis (un village du département de Foundiougne) ; mais actuellement, je constate que les accoutrements ont changé de même que les rythmes. Mais qu’est-ce qui explique cela ? » Je lui répondis que c’est un déphasage complet du patrimoine. La métamorphose est trop manifeste, voire flagrante. Il l’a relevée pour s’en étonner.

C’est un patrimoine culturel que l’on doit sauvegarder et garder jalousement et qui, malheureusement, change du jour au lendemain, pour faire plaisir à d’autres. C’est vraiment regrettable », conclut-il avec une note de désolation perceptible au son de sa voix. C’est là un autre grand chantier pour les intellectuels sérères dans ce qu’il est convenu d’appeler le «retour aux sources ».







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