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Non-dits Et Mal-dits De L’Étude De Legs-africa Sur L’autoroute À PÉage

Les quotidiens d’informations du vendredi 13 et samedi 14 novembre 2020, sont largement revenus sur l’étude commanditée par Legs-Africa de mon ami Elimane Kane, et réalisée par un autre ami, le Dr Bamba Diagne. Ladite étude porte sur une évaluation socio-économique et environnementale de l’exploitation de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio-AIDB. Aux termes de cette étude, il serait décelé ‘’un sérieux manque à gagner pour l’Etat du Sénégal’’ et une entreprise, Eiffage, pointée du doigt comme un bourreau. Attention, les gars. Attention chers amis.

Sur l’autoroute à péage, il y a eu beaucoup de désinformation et il y a eu beaucoup d’idéologisme. Beaucoup de désinformation sur les aspects financiers, parce que des propos déclarés sur cette autoroute-là, sont souvent tronqués et escamotés à dessein. Parce que l’on ne va pas souvent jusqu’au bout de l’information. Beaucoup d’idéologisme, parce que surfant sur la vague du sentiment anti-français, alors que s’il y a à blâmer, ce n’est point la France (ni d’ailleurs un autre) mais nous-mêmes, parce que nous nous offrons à la mondialisation bien plus que nous nous ouvrons à la globalisation.

Pour mieux comprendre ce qui se joue sur l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio-AIDB, il faut nécessairement rembobiner le film de l’histoire, c’est-à-dire revenir sur comment ce projet de concession Partenariat Public Privé (PPP) a été monté, et dans quel contexte ? Pour s’apercevoir qu’on devrait même saluer l’audace et l’ingéniosité du président Wade et remercier l’investisseur (Eiffage) qui a eu à prendre un risque financier (énorme) qui a fini par payer. Et l’Etat du Sénégal, du point de vue du budget, devrait même s’estimer heureux, eu égard à ce qui se passe en Côte d’Ivoire avec le pont-péage Henri Konan Bédié à Abidjan, dont le coût d’investissement est d’un peu plus de 176 milliards FCFA pour une concession sur 30 ans (2015-2045), avec un trafic de 80.000 véhicules par jour, qui est de la même nature et de la même logique économico-financière que l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio-AIDB d’un coût d’investissement de 147 milliards FCFA, pour une concession de 30 ans (2009-2039) et avec un trafic de 90.000 véhicules par jour.

Les investisseurs nationaux sénégalais à côté de la plaque

D’abord, parlons économie et finance et plus précisément de cadre juridique et institutionnel qui a encadré cette concession de PPP. L’entreprise Eiffage n’exploite pas l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio. Eiffage est l’actionnaire principal (100%) de la société d’exploitation de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio-AIDB, dont la société de gestion créée à cet effet et comme le stipule la loi CET ‘’Construction-Exploitation-Transfert’’ de 2014-13, s’appelle ‘’Société d’Exploitation de la Nouvelle Autoroute Concédée (SENAC)’’. Et les actifs de la société Eiffage sont totalement et complètement dissociés des actifs de la société SENAC S.A, qui est la société de projet de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio. Telle est la teneur de la loi portant sur les Partenariats Publics Privés, qui sont une des modalités de Délégation de service public, à côté de l’affermage et de la régie intéressée.

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En 2009, quand le président Abdoulaye Wade lançait le projet de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio, beaucoup de sénégalais disaient, encore un éléphant blanc du président Abdoulaye Wade. Personne n’y avait cru, sauf le président Wade lui-même et quelques personnes averties. D’ailleurs, conformément à la loi CET de 2004 et abrogé en 2014 par la loi n°2014-09, instituant les PPP au Sénégal, vingt pour cent (20%) du capital de la société de projet, société exportatrice de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio, en l’occurrence Senac S.A, devaient revenir et étaient réservés aux privés nationaux sénégalais, en raison de 10.000 FCFA par action. Le président Wade avait appelé le secteur privé national sénégalais, personne n’a répondu favorablement. Personne n’avait été intéressé à mettre le plus petit des FCFA, au capital de financement de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio. Au point que l’Etat du Sénégal, au bout de deux ans, en 2011, a finalement cédé les 20% à l’actionnaire majoritaire (Eiffage), conformément à la loi C.E.T sur les PPP. C’est ainsi et comme cela, que l’investisseur privé qu’est Eiffage, est devenu investisseur principal et opérateur exclusif de la société de projet SENAC S.A, exploitante de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio.

L’investisseur Eiffage a risqué et son risque a payé

Sur le montage financier en question de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio- donc de la société de projet SENAC S.A, son coût d’investissement est de 148 milliards FCFA dont les 41% (61 milliards FCFA) ont été mobilisés par l’investisseur privé Eiffage contre 59% (87 milliards FCFA) par l’Etat du Sénégal, sous forme de subvention d’investissement, pour réduire le coût moyen pondéré du capital (baisser le coût du capital des fonds propres de la Société SENAC S.A), dans une optique de faire baisser le coût des tarifs de passage sur l’autoroute, aux bénéfice des usagers. Sinon, ce serait bien au-dessus des tarifs actuellement en vigueur en empruntant l’autoroute à péage. D’ailleurs, c’est en raison de la subvention à l’investissement consentie par l’Etat du Sénégal (61 milliards FCFA), que le périmètre de l’autoroute à péage commence dès la Patte d’oie. Et la concession de PPP entre la société de projet SENAC S.A et l’Etat du Sénégal, dure sur 30 ans (2009-2039), avec un partage des bénéfices entre l’Etat du Sénégal et la société de projet Senac S.A, à partir de la 15ème année d’exploitation (en 2024). Sur le business plan de la concession PPP qu’est l’autoroute à péage, le seuil de rentabilité du projet avait été projeté après la 25ème année d’exploitation. Mais, voilà, au bout de 12 ans d’exploitation de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio-AIDB (2009-2020) avec un trafic de 90.000 véhicules par jour, les investissements de l’unique opérateur, Senac S.A, devraient atteindre l’effet de levier (le retour sur investissement) déjà en 2024. Ainsi, l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio-AIDB est donc très rentable, au point que dit-on, la concession de PPP Autoroute à péage Dakar-Diamniadio-AIDB entre l’Etat du Sénégal et la société de projet SENAC S.A, est l’une des plus réussies de tous les projets PPP dans le domaine des infrastructures en Afrique de l’Ouest.

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Autoroute à péage, l’un des modèles de concession PPP les plus réussis dans le domaine des infrastructures en Afrique de l’Ouest

Eh oui, que voulez-vous ? Que voulons-nous ? L’investisseur Eiffage a pris un risque énorme. L’investisseur Eiffage s’est endetté auprès d’un groupe de prêteurs privés composé d’IFC, de la BAD, de la BOAD et de la CBAO. L’investisseur Eiffage a investi. L’investisseur Eiffage a risqué et l’investisseur Eiffage a gagné. Tout simplement. Quand d’autres investisseurs ont rongé leurs freins. C’est la loi du business et le business n’est pas un secours catholique encore moins de la philanthropie. S’il y a une partie sur laquelle il faut tirer, c’est nos investisseurs nationaux qui n’ont jamais cru à ce projet, mais pas certainement la société de projet SENAC S.A qui jusqu’ici, a respecté à la lettre les clauses du contrat de concession de PPP qui la lie à l’Etat du Sénégal. Et mieux, SENAC S.A, opérateur et société de projet de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio, a fait et réalisé (le tronçon Diamniadio-AIDB, l’éclairage public, barrière de clôture), bien plus que le contrat initial, grâce à des avenants signés d’un commun accord avec l’Etat du Sénégal.

‘’La clause de rendez-vous’’ pour se rattraper

Ce qu’il y a lieu de dire, c’est que si Abdoulaye Wade avait été soutenu par son secteur privé national sénégalais, si le président avait flairé, nul doute que l’immense économiste qu’il est, aurait certainement fait autrement, peut-être donner une concession sur 15 ou 20 ans. Et les finances publiques de l’Etat du Sénégal, peuvent s’estimer heureuses, si le chef de l’Etat l’économiste Abdoulaye Wade, n’avait pas fait un bon engineering financier, en levant l’option d’une subvention d’investissement en lieu et place d’une subvention d’exploitation comme c’est le cas en Côte d’Ivoire avec le pont à péage Henri Konan Bédié (HKB) qui coûte chaque année, un montant 10 milliards FCFA au trésor public ivoirien. Parce que les ivoiriens ont refusé de payer 1000 FCFA au péage, au point que le gouvernement a dû subventionner le tarif du péage à hauteur de 500 FCFA et les autres 500 FCFA sont payés par les usagers. Finalement, le gouvernement ivoirien s’est rabattu sur une taxe sur le carburant pour pouvoir mobiliser et payer chaque année à l’opérateur qui exploite le pont à péage HKB, les 10 milliards FCFA représentant le montant total de sa subvention à payer à la SOCOPRIM (Société Anonyme de Construction du Pont Riviéra Marcory), qui a pour actionnaires : Bouygues Travaux Publics, Total CI, PAIDF, l’Etat ivoirien et la BNI (Banque Nationale d’Investissement).

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Ce qui reste à faire pour l’Etat du Sénégal, c’est peut-être de faire jouer ce qu’on appelle ‘’la clause de rendez-vous’’, avec à la clé, (1) la possibilité de négocier une baisse des tarifs, (2) l’ouverture du capital et (3) l’éclairage publique. D’autant plus que la société exploitante, SENAC S.A, semble être dans les dispositions de céder les 20% du capital social, aux investisseurs nationaux sénégalais, qui, s’ils sont encore et toujours frileux, peut être racheteés par la Fongip, la Fonsis ou la Caisse de dépôt et de consignation (CDC). Une chose est sûre et certaine : pour l’Autoroute à péage Dakar-Diamniadio, si l’action coûtait 10.000 FCFA en 2009, aujourd’hui en 2020, au vu du seuil de rentabilité financière et de profitabilité économique, l’action coûtera au minimum, 100.000 FCFA. Voire plus.

Siré Sy est fondateur du Think Tank Africa WorldWide Group, économiste-planificateur, spécialiste en Finance et Gestion publique  







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