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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Mandela Libre, L’afrique Exulte

Mandela aime le Sénégal et admire les Sénégalaises qu’il trouve élégantes. Le Président Abdou Diouf, qui l’a en haute estime, s’est beaucoup investi des années durant pour la libération du prisonnier le plus célèbre du monde. Sur son instruction d’ailleurs, toutes les écoles publiques, avaient inscrit au tableau cette sentence prémonitoire : « l’apartheid est un crime contre l’humanité ». Journaliste chevronné, Mamoudou Ibra Kane, au détour de rencontres multiples et variées, gagne la sympathie du Président Douf qui lui confie mezza voce : « J’ai sauvé Mandela d’une humiliation… » A lire dans ce haletant livre, également disponible en version anglaise. Morceaux choisis…

Dimanche 11 février 1990, il est 3 heures de l’après-midi en heure locale, 13 heures en temps universel et à Dakar. Pour la première fois depuis 30 ans, “la fumée blanche” s’échappe de la prison de Victor Verster de Paarl, située à 60 km de la ville du Cap, en Afrique du Sud. Elle annonce la sortie imminente du pape. Habemus papam, “nous avons un pape”. Ici, paraphrasant la formule consacrée et sacrée quand un pape est élu au Vatican, il s’agit de dire : “Nous avons un homme libre”. Celui dont il est question est le pape du combat contre la ségrégation raciale enAfrique du Sud. La « fumée blanche » embaume l’atmosphère au pays de Chaka Zoulou.

 Annonciatrice de la liberté. Et telle la blanche colombe, la paix. Le prisonnier le plus célèbre du monde, « M. Mandela sera libéré devant la prison Victor Verster, demain dimanche (veille de la libération : Nda), 11 février 1990, à 3 heures. » Difficile d’être plus précis. Le détenu numéro 466/64 sortira donc de prison. Il sort. Il est sorti. Sous les vivats d’un peuple enfin libéré. Enfin libre ! C’est la fin de vingt-sept longues années de bagne. C’est d’abord l’île de RobbenIsland, la plus célèbre des prisons sud-africaines, qui accueille le condamné à vie du procès de Rivonia, de juin 1964 à avril1982, puis la prison de Polls moor,  jusqu’en décembre 1988, et enfin Victor Verster, jusqu’au jour de sa libération. La trentaine d’années de privation de liberté n’a pas ramolli la combativité de Nelson Mandela. Rolihlahla, un autre de ses prénoms, ne signifie-t-il pas “fauteur de trouble” ? Le poing droit levé vers le ciel en signe de victoire, Madiba, costume gris et bien cravaté, est imité dans son geste par son épouse Winnie. Les deux amoureux et compagnons de lutte se tiennent la main. Plus exactement et contexte de retrouvailles oblige, la main lisse de la dame de fer se loge, se love dans celle dure et complice de son roc d’époux.

 Mandela le rocailleux “vieux crocodile”, comme d’aucuns le surnomment. Contexte. Nous sommes le 11 février. Trois jours après, c’est la Saint-Valentin. Eh oui, l’amour ça se fête aussi devant… la porte d’une prison ! Nelson et Winnie, toujours amoureux ? Peut-être oui. Peut-être non. Oui et non à la fois. On connaît la suite de l’histoire. Les nuits passées au violon ont eu raison d’Eros, le dieu de l’Amour. La distance entre le Valentin et sa Valentine finira par casser leur union contractée “pour le meilleur et pour le pire”. Le poing ferme sur la photo du jour de sa libération témoigne pour Madiba, que le combat n’est pas fini. Ce combat n’a pas de fin. Il continue. Il va continuer pour le chef historique de la lutte contre l’Apartheid. Il continuera tant que le monstre n’est pas mort. Alors qu’il était à la force de l’âge, 45 hivernages l’année de son arrestation, son grand âge de 72 ans au moment de sa libération, le motive encore davantage. Paradoxalement. Mandela, l’homme des paradoxes. Le combat, il le poursuivra sans haine pour ses geôliers. “Sans faiblesse coupable ni cruauté inutile”, aurait dit, dans ses envolées poétiques, le premier président du Sénégal Léopold Sédar Senghor.

 Le chef de l’Etat sud-africain d’alors, Frederik Willem de Klerk semble séduit par le trait de caractère de l’homme dontil vient d’annoncer, la veille, la libération “sans condition” : « J’ai rencontré un monsieur âgé, digne et intéressant. Notre conversation a été courtoise. »

MANDELA ET LE SENEGAL

L’attention du Sénégal pour Nelson Mandela et son combat et, inversement, la reconnaissance du chef de l’ANC envers le pays de Cheikh Anta Diop, ont des racines lointaines, solides et profondes. Une relation robuste et solidement enracinée comme le baobab, arbre emblème que les deux pays ont en commun. C’est en Afrique du Sud que se trouve justement « le baobab le plus gros au monde (38m d’envergure) ». Des baobabs le Sénégal en regorge à une quantité industrielle quoique la main de l’homme et les besoins d’industrialisation et de construction d’infrastructures modernes en ont décimé une bonne partie. D’où l’urgence de protéger et de sauver ce patrimoine commun qu’est le Baobab, qui fait désormais, sur décret présidentiel, partie des symboles forts de la Nation sénégalaise au même titre que le Lion et l’Hymne national. Tous, à commencer par les pouvoirs publics, semblent avoir pris conscience que le développement nécessaire de Diamniadio et de toutes les autres Parcs industriels, ne doit pas se faire au détriment du Baobab.

MANDELA : « LES SENEGALAISES SONT ELEGANTES»

Dans son autobiographie, « Un long chemin vers la liberté » (Fayard, 1995), Mandela relate lui-même son coup de foudre pour Dakar lors de sa première visite, le 1er juin 1962, à quelques mois de son arrestation qui le conduisit en prison pendant de longues années.

Accompagné d’Oliver Tambo, en provenance de Conakry (Guinée), le commandant en chef des troupes de l’ANC s’en souvient en enfourchant Pégas: « La grâce des bateaux de pêche très fins qui glissaient dans le port de Dakar n’avait d’égale que l’élégance des Sénégalaises qui se glissaient dans la ville, vêtues de robes flottantes et la tête recouverte d’un turban. » S’en suit une vraie ivresse d’amour pour la capitale sénégalaise du héros Mandela transformé en Eros sur le coup… de foudre. Déclaration d’amour : « Je me promenais sur la place du marché voisin, enivré par les épices et les senteurs exotiques. Les Sénégalais sont beaux et j’ai beaucoup aimé notre bref séjour dans leur pays. La société montre comment des éléments très disparates – français, islamiques et africains – peuvent se mêler pour former une culture unique et distincte. »

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En juin 1962, le président du Sénégal s’appelle Léopold Sédar Senghor. Le pays, ancienne colonie française, obtient son indépendance deux ans plus tôt. Un Exécutif à deux têtes dans un régime parlementaire, gouverne un petit pays de 3 206 749 d’habitants. Rien à voir avec les 15 millions actuels ! Le taux démographique moyen de 2,5% est passé par là ! Une population très jeune. Senghor, 54 ans, président de la République et Mamadou Dia, 50 ans, président du Conseil de Gouvernement – équivalent de Premier ministre – et homme fort du régime, forment un duo de rêve avant de se livrer à un duel fratricide, en décembre de la même année. Le miel des débuts de l’indépendance, « indépendance chacha ! », se transforme en fiel de la réalité du pouvoir entre les deux amis et compagnons politiques.

Au-delà du charme de Dakar, Nelson Mandela n’oublie pas de raconter l’anecdote d’une tout autre crise. Son camarade Olivier Tambo pique une crise d’asthme alors qu’ils se rendaient ensemble au palais présidentiel. Devant le refus du malade de retourner à l’hôtel sans pour autant aller à l’hôpital, l’auteur d’Un long chemin vers la liberté est d’une mémoire d’éléphant qui fait sourire : « Je l’ai porté sur mon dos pour monter dans le bureau du président. Senghor était très inquiet de voir Oliver dans cet état et il a insisté pour que son médecin personnel le soigne. » Après s’être assuré qu’Olivier Tambo était hors de danger, le poète-président, témoigne Mandela, n’avait pas manqué de les entretenir de ses recherches sur Chaka et de se montrer curieux à propos du « grand guerrier sud-africain » à qui Senghor a consacré de belles proses.

De son séjour dakarois et de son entretien avec le premier président du Sénégal, en juin 62, dans le cadre de la campagne de collecte de fonds pour la lutte armée que son mouvement avait décidé de mener dès juin 61 contre le régime raciste d’Afrique du Sud, le leader de l’ANC n’obtient pas l’aide financière escomptée pour l’entraînement de ses soldats. A la place de l’argent, Léopold Sédar Senghor leur octroie des passeports diplomatiques et l’achat de leurs billets d’avion pour Londres. Le premier président du Sénégal Léopold Sédar Senghor avait refusé poliment mais fermement, en 1962, de donner de l’argent à Nelson Mandela pour acheter des armes. Son successeur Abdou Diouf accepte, 30 ans plus tard, de satisfaire le besoin d’argent exprimé par le héros de l’abolition de l’Apartheid. Faut-il y voir une contradiction ? Ce serait parler trop vite en répondant par l’affirmative. Dans le cas de Senghor, il s’agissait d’une option diplomatique de l’Etat sénégalais de ne pas encourager le recours à la violence, fut-elle légitime pour l’ANC et fut-ce contre l’horrible régime de l’Apartheid d’Afrique du Sud.

Dans le cas de Diouf, il était plutôt question d’éviter à Mandela l’humiliation de l’expulsion qui n’aurait honoré personne sauf… son auteur. C’est la dignité d’un homme exceptionnel qui était en jeu. Dans les mêmes circonstances, des années plus tard, il n’est pas dit que le président Senghor aurait refusé de réparer la « gêne d’argent » de Mandela pour régler un besoin personnel.

A l’opposé, il n’est pas évident non plus que le président Diouf aurait accepté, dans le contexte senghorien, de remettre de l’argent à son hôte pour l’achat d’armes. Entre le prédécesseur et le successeur à la tête de l’Etat sénégalais il n’y a jamais eu de contradiction fondamentale. Au-delà de Léopold Senghor et d’Abdou Diouf la diplomatie sénégalaise a toujours été un long fleuve tranquille de continuité. Malgré les différentes alternances politiques, les actes de rupture ont été très rares. Le 31 décembre 1980, Abdou Diouf, alors Premier ministre depuis une décennie, succède à son mentor Léopold Sédar Senghor au fauteuil présidentiel. Il s’inscrit dans la continuité et accentue le soutien politique du Sénégal au combat de l’ANC. Un soupçon de rupture dans la continuité diplomatique du Sénégal caractérise plutôt la présidence Diouf à l’égard de l’Afrique du Sud. Il fait inscrire sur tous les tableaux noirs des écoles pour ne pas dire «sur tous les murs du Sénégal», une petite phrase aux grands effets : «L’Apartheid est un crime contre l’humanité. »

Plus qu’une phrase, le cri de guerre et de ralliement déclenche une prise de conscience anti-apartheid dans le pays, y compris et surtout chez les élèves et étudiants sénégalais. A défaut d’être une idylle, ce fut un moment de retrouvailles avec les jeunes à travers le combat de Mandela.

THE GREAT SECRET

En Afrique et ailleurs, tout le monde se réclame de lui. Tout le monde s’inspire de lui. Tout le monde veut être comme lui. Mais personne n’est comme lui. “Lui c’est lui et (nous) c’est (nous)”. Nelson Mandela, un dieu ? Oui et non à la fois. Oui pour l’ensemble de son œuvre. Non pour respecter sa vision de son propre-moi, de son vivant. Non, par respect à sa mémoire après sa mort. Il faut être Madiba pour se la jouer modeste de cette sorte le jour même de sa libération, il y a 28 ans, son jour de triomphe et de gloire. “Je suis ici devant vous non pas comme un prophète mais comme votre humble serviteur », avait-il tenu à couper court à toute tentative de déification de sa personne, dès les premières heures de sa sortie de prison. Il n’était qu’un homme et rien de ce qui est humain ne lui était étranger. Il avait ses joies et ses peines. Il était heureux un jour et malheureux un autre jour. Il était comme monsieur-tout-le-monde. Eh oui, lui l’immense Mandela ! A cette exception près, que le héros de la lutte contre la politique ségrégationniste d’Apartheid en Afrique du Sud savait bien contenir ou cacher, selon les situations, ses états d’âme. Mais, comme tout le monde, il savait aussi ouvrir son cœur aux autres et s’ouvrir aux autres.

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La suite le démontre. Vendredi, 13 janvier 2016. Le vendredi 13 du mois, selon la mythologie, est un jour de chance ou de malchance. Mythe ou réalité ? Les accros des jeux d’argent guettent ce jour rare dans le calendrier grégorien. Après tout, en matière de jeu de hasard, il s’agit de gagner et de beaucoup gagner ou de perdre et de tout perdre. Autant tenter sa chance !Nous avons rendez-vous avec une haute personnalité politique sénégalaise. “Ce vendredi 13 du mois nous portera-t-il chance ? Sera-t-il un jour de poisse ?” La question, je l’avoue, ne m’a pas quitté un seul instant tout au long du chemin qui me mène à la résidence présidentielle Pasteur, lieu du rendez-vous. Du Grand Rendez-Vous ! Grand comme mon hôte du jour.

La demeure pour les grands hôtes de la République fait face à l’hôpital des indigents, Aristide Le Dantec, situé en plein centre-ville sur la côte Est de Dakar la capitale sénégalaise. Il est un peu avant 19 h GMT et en heure locale. Le climat est doux. C’est l’hiver dakarois en cette mi-janvier 2016. Je suis devancé de quelques minutes par mon grand frère et ami Hamidou Sall. Poète et écrivain à la plume belle, inspirée, pointue, mais aussi lisse et, quand il le faut, nerveuse, l’ancien Conseiller spécial de l’ancien Secrétaire général de la Francophonie Abdou Diouf, s’est volontiers et généreusement offert de me conduire chez le maître des lieux. Le maître de céans n’est personne d’autre que… le président de la République du Sénégal, de 1981 à 2000. Abdou Diouf nous attend à l’heure convenue. La ponctualité est la politesse des rois, a-t-on coutume de dire. L’homme haut de ses deux mètres est toujours sobrement mais soigneusement habillé. Costume strict et croisé, de couleur gris sombre, chemise bleu-ciel et cravate bien assortie, le successeur de son “illustre prédécesseur”, Léopold Sédar Senghor, nous salue avec le sourire et la courtoisie qu’on peut lui témoigner.

Accueil à la sénégalaise sans toutefois, les longs salamalecs d’usage. Il nous reçoit dans un salon au décor aussi sobre que son hôte. Le prétexte, sinon la porte d’entrée est de lui offrir mon dernier livre dédicacé, “Le Sénégal : chroniques d’une alternance de braises[1]”. Agé de 81 ans, cheveux bien blanchis, Diouf n’a cependant rien perdu de sa tenue et de sa retenue républicaine, encore moins de sa mémoire d’homme d’Etat et d’homme tout court. Un proche le décrit comme “un être doué d’une très grande intelligence et d’une mémoire prodigieuse”. Une mémoire d’éléphant pour ainsi dire. Une bonne nouvelle pour un journaliste à la recherche de scoop quand bien même l’ancien président de la République du Sénégal aurait la réputation de ne pas se livrer au premier visiteur a fortiori au premier venu. Curieux de surcroît comme un pisse-copie ! Des visiteurs du jour et du soir, Dieu sait qu’il a l’habitude d’en recevoir ! Après le prétexte et le contexte, le moment est venu d’attaquer le texte. D’en venir au fait. D’entrer dans le vif du sujet. “Monsieur le Président, lui demandé-je, est-ce vrai que le Sénégal sous votre présidence, a soutenu financièrement Nelson Mandela pour acquérir une maison en Afrique du Sud ?”

LE FOND DE LA CAISSE

Aucun événement présent ou passé dontje me souviens ou dont j’ai entendu parler n’eut autant d’impact sur l’opinion publique mondiale que lamort deMandela ; et pas pour ses richesses mais pour la qualité humaine et la noblesse de ses sentiments et de ses idées

FIDEL CASTRO

(Premier chef d’Etat rencontré par Mandela, après sa libération) Le geste financier du président Abdou Diouf à l’endroit de Nelson Mandela lui avait permis de se libérer d’une énorme gêne matérielle. Une grosse épine venait de lui être enlevée du pied. Imaginons le spectacle si Dakar le lui avait refusé… Le héros de l’Apartheid expulsé de sa maison et se retrouvant avec famille et bagages dans la rue ! Ses petits-enfants exclus de l’école ! Ce serait non seulement un cas de conscience gênant pour les gouvernants, mais aussi une honte pour le Sénégal et pour tout le monde. Le mot n’est pas trop fort, c’est la terre entière qui aurait tremblé. Le monde se serait effondré de gêne, si une telle mésaventure était arrivée à Madiba. Mais une question légitime se pose pour le contribuable sénégalais. Y avait-il une base légale à l’appui dont avait bénéficié l’ancien prisonnier ? Dans de nombreuses démocraties comme du reste dans les dictatures, il existe une rubrique budgétaire dénommée «fonds secrets» et/ou fonds politiques. Ou encore fonds spéciaux. Ces fonds vulgairement appelés dans le langage courant « caisse noire », sont mis à la disposition du Chef de l’Etat et laissés à sa discrétion. Au Sénégal, ces fonds, qui suscitent régulièrement débat quant à leurs utilisations et destination, sont votés par les députés, à l’occasion de chaque session ordinaire de l’Assemblée nationale. Cette session s’ouvre chaque année en octobre et se clôt en décembre, suivant le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Les médias et le public raffolent de ce qui est communément appelé « marathon budgétaire », marqué parfois pour ne pas dire souvent, par de rudes passes d’armes entre la majorité et l’opposition.

Plusieurs de ces échanges, de propos aigres-doux, sont restés dans les mémoires des Sénégalais sur des sujets aussi divers que le coût de la vie : le prix du sac de riz, le prix au producteur d’arachide, le prix du loyer, le prix de l’électricité et de l’eau ; les tarifs de transport, la construction d’une route, d’une autoroute ou d’une voie ferroviaire ; l’achat de l’avion de commandement du Président de la République ou même le montant des fonds affectés au Chef de l’Etat et à sa discrétion. « Il peut les donner à qui il veut ou même les brûler sans avoir de comptes à rendre à personne », avait déclaré dans une célèbre émission de radio, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck.

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Aveu de culpabilité, avaient estimé certains observateurs. Qui ne se recrutaient pas que chez ses détracteurs. L’homme politique faisait, à cette époque, l’objet de poursuites judiciaires pour « enrichissement illicite » présumé. Par la suite il sera blanchi par la justice sénégalaise. Sa boutade avait certes choqué plus d’un, mais elle n’en était pas moins relativement vraie en ce qui concerne l’usufruit et le fruit dont le Chef de l’Exécutif dispose sur les deniers qui sont à sa guise.

En effet, les dépenses liées à l’utilisation des fonds spéciaux ou fonds politiques à disposition du Président de la République, échappent à tout contrôle, pas même à celui de la Cour des comptes dont « le champ de compétence est défini par la Constitution et par la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des comptes . Il s’agit du contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics, du contrôle de l’exécution des lois de finances, du contrôle du secteur parapublic et de la sanction des fautes de gestion. » La mission de contrôle des dépenses des deniers publics est également dévolue à l’Inspection générale d’Etat. Seulement, à la différence de la Cour des comptes, l’IGE est placée sous l’autorité directe et exclusive du Président de la République.

L’article 2 de la loi régissant l’Inspection générale d’Etat en définit le champ de compétence

LEOPOLD SEDAR SENGHOR

De 35 millions de francs CFA de prévisions initiales en 1960, les fonds politiques sont montés en prévisions, durant le règne du premier Président du Sénégal, à 680 millions de francs CFA en 1977/1978.

ABDOU DIOUF

 Jusqu’au 19 mars 2000, date de départ du président Abdou Diouf du pouvoir, les fonds politiques oscillaient entre 640 et 650 millions de francs, atteignant très rarement un milliard de francs CFA.

 L’HERITAGE DILAPIDE

Nulle pierre ne peut être polie sans friction, nul homme ne peut parfaire son expérience sans épreuve.

CONFICIUS

Nelson Mandela aurait eu 100 ans cette année 2018. Le patriarche de la nation arc-en-ciel est âgé de 95 ans quand il disparait le 5 décembre 2013. Il n’est pas sûr qu’il serait fier de ses héritiers politiques, s’il était encore de ce monde. Au vu de la gestion de son patrimoine politique, on peut parier qu’il est en train de se retourner dans sa tombe de Qunu.

Mercredi 14 février (2018), c’est la Saint-Valentin, fête des amoureux. Dans la vie politique sud-africaine, c’est le jeu du « je t’aime, moi non plus » entre le déjà ex-président Jacob Zuma, contraint à la démission et son parti l’ANC, qui ne veut plus le voir, pas même en photo à la tête du pays. Et de deux au pays de Mandela ! Deux comme Jacob Zuma et Thabo Mbéki. Deux comme deux présidents de l’Afrique du Sud post-Madiba – le premier ayant succédé au second – qui se voient pousser à quitter le pouvoir par la petite porte avant même le terme de leurs mandats respectifs. L’héritage du géant Nelson Mandela est ainsi dilapidé. Quel gâchis ! Un gâchis qui, au-delà de la responsabilité des deux héritiers politiques et successeurs de Madiba au pouvoir, incombe à tout l’ANC. L’African National Congres, excellent dans le combat contre l’Apartheid, mais médiocre dans la gouvernance du pays. Zuma avait réussi à faire démissionner Mbéki, en 2008, à un an de la fin de son second mandat. Zuma est à son tour victime, en 2018, de sa propre arme.

Qui l’a forcé, dix ans après, à partir à un an du terme de son deuxième mandat. Thabo Mbeki dont le bail présidentiel, à l’époque, devait normalement s’achever en 2009, avait été appelé par l’ANC à quitter sa fonction après des soupçons d’instrumentalisation de la justice pour écarter son rival du nom… de Jacob Zuma. Mbeki de se défendre : « Nous avons toujours protégé l’intégrité de la justice (…) Nous n’avons jamais porté atteinte au droit des services du procureur général d’engager des poursuites ou de ne pas en engager. » Et de nier ainsi toute ingérence dans les poursuites pour « corruption » de Jacob Zuma. Pour qui sonne le glas aujourd’hui ? Assurément pour Zuma, obligé par l’ANC, une décennie plus tard, de rendre le tablier pour, ironie de l’histoire, « corruption » et « vol » de deniers publics parmi les plus de 700 chefs d’accusation (!) qui l’attendent devant la justice. « L’histoire ne se répète pas, ou alors comme une farce… », prévenait Marx quand d’aucuns soutenaient que « l’histoire se répète toujours deux fois ». Mais, pour d’autres et ils n’ont pas tort, «l’histoire se répète car personne n’écoute la première fois.»

Au tour de Cyril Ramaphosa d’occuper le fauteuil laissé vacant par Jacob Zuma. Ramaphosa, cet autre héritier de Mandela qui, pour la petite histoire, lui tenait le micro le jour de sa libération, il y a 28 ans de cela. En attendant, le constat est triste. Jacob Zuma, Thabo Mbeki et l’ANC n’auront pas été dignes de l’héritage de Nelson Mandela, lui qui s’est retiré du pouvoir après seulement un mandat de 5 ans alors qu’il aurait pu en solliciter d’autres et d’autres encore. Ce n’est pas le peuple sud-africain pour lequel il s’est tant sacrifié qui le lui aurait refusé. On comprend mieux aujourd’hui, pourquoi il n’avait pas estimé nécessaire de continuer. Il était hors de question pour l’immense Madiba d’être grabataire et/ou de mourir au pouvoir. Chez lui il y avait une vie après le pouvoir. « Je ne fais plus de politique, je me contente d’observer cela de loin, et quand les gens viennent me voir et me demandent : « Que faire dans cette situation ? », je leur réponds : « Non, allez voir ceux qui font de la politique, moi je n’en fais plus, je me suis retiré de ce milieu.»







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