Voilà que depuis un an que nous vivons les effets dévastateurs de l’épidémie Covid-19. La Communauté internationale et son pendant opérationnel, le Multilatéralisme, peinent tous deux à trouver leur place dans la lutte contre ce virus qui a déjà pris la vie de près de 2,3 millions de nos concitoyens planétaires. Les réactions de nationalisme grégaire qui se déroulent sous nos yeux indiquent que le multilatéralisme semble lui-même être une victime collatérale de la pandémie tant la Communauté internationale reste timide dans son rôle de construire une solidarité internationale indispensable pour faire face efficacement au virus qui lui ignore frontières et couleurs de passeport.
Et pourtant au lendemain de la seconde guerre mondiale, les nations se sont progressivement données les moyens de dialoguer et de coopérer en vue de construire un monde meilleur à travers divers mécanismes interétatiques dont le plus en vue est l’Organisation des Nations Unies et ses différents organismes spécialisés. Les regroupements géographiques tels que l’Union Européenne, l’Union Africaine, l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est ou l’Organisation des Etats Américains se sont aussi fixés des objectifs communs pour atteindre le bien-être des populations vivant dans leurs espaces respectifs. En dépit de leurs nombreuses imperfections et promesses non tenues, ces mécanismes supra-nationaux continuent de jouer un rôle important dans la régulation des intérêts particuliers entre Etats forts et moins forts, dans l’adoption de règles de solidarité et la recherche permanente de consensus visant à faire avancer les questions d’intérêt commun pour l’Humanité. Mais depuis le début de cette catastrophe sanitaire, le moteur de la coopération internationale donne des signes poussifs alors que l’heure est à l’accélération.
Après la guerre commerciale des masques de protection sur les tarmacs d’aéroports, allons-nous assister à celle des vaccins ? La loi du « qui paye commande » va t-elle effacer les décennies d’efforts de coopération, de conventions internationales et de militantisme pour un monde plus solidaire et plus juste ? La notion de pays riches et de pays pauvres n’a jamais été aussi vivace dans cette course à l’accès au vaccin. L’approche des pays dits riches qui se résume à la formule « nos citoyens d’abord » semble être la réalité du moment. Faut-il rappeler que ces pays sont tous signataires de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui en son article 25 reconnait la Santé comme un droit inaliénable de toute personne humaine, disposition étayée par article 12 du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels.
La Communauté internationale a là un véritable test de vérité à passer pour ne pas dire une épreuve de sauvegarde de sa crédibilité. La pandémie Covid-19 est un enjeu de santé mondiale, la réponse ne peut être qu’universelle. L’Afrique qui a déjoué jusqu’ici tous les scénarios-catastrophes en s’appuyant sur son expérience ancienne de lutte contre les grandes endémies ne saurait être le dernier servi dans cette vaste OPA lancée par les pays mieux nantis pour le contrôle des stocks de vaccins. La politique du « chacun pour soi et moi d’abord » risque de saper durablement la crédibilité et la foi envers un multilatéralisme qui tarde à délivrer ses promesses de solidarité. Cette solidarité est d’une importance vitale, elle est en réalité le gage de la sécurité de tous. Le nationalisme vaccinal n’est pas une solution pérenne, bien au contraire, sans une l’éradication rapide de cette pandémie meurtrière sur l’ensemble du globe le virus continuera sa mutation et nul ne sera définitivement à l’abri. Le virus Covid-19 doit être stoppé maintenant et partout !
C’est en ce sens qu’il est d’une urgence vitale que la Communauté internationale mobilise toutes les ressources nécessaires à l’exécution immédiate du programme COVAX de l’Organisation Mondiale de la Santé qui se fixe pour objectif de fournir deux milliards de doses d’ici la fin de l’année 2021 dont 1,3 milliards de doses seraient délivrés à 92 pays et territoires à faibles revenus. Les ressources mondiales existent pour l’accès universel au vaccin anti-Covid pour peu que le principe de solidarité, fondement de la coopération internationale soit traduit en actes concrets et rapides.
Dr. Danilo Türk est ancien président de Slovénie, président du Club de Madrid.
Dr. Aminata Touré est ancien Premier ministre du Sénégal, membre du Club de Madrid