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Hommage à Jean Meïssa Diop

Hommage à Jean Meïssa Diop

Lettre à un plus que frère

Marcel Mendy a suivi de quelques jours son ami Jean Meïssa Diop dans la tombe

Mon cher Jean,

Après avoir souffert le martyre, ballotté entre ton domicile et les hôpitaux ou cliniques de Dakar et de Paris, te voilà rendu à notre Créateur ce dimanche 24 janvier 2021. Ce départ marque ainsi l’épilogue d’une souffrance indicible que tu endurais depuis de nombreuses années, et qui, en dernière instance, paraissait insupportable à tes amis ou proches dont nous sommes fiers de compter. Oui mon cher Jean, voici un bail que tu n’étais plus le Jean que j’ai eu, en 1986 le bonheur de rencontrer, un matin à la rue Paul Holle  (siège de l’hebdomadaire Afrique Nouvelle), frais émoulus du Cesti  (toi), de l’Ebad  (moi). Nous rentrions tous les deux dans la vie professionnelle, en tant que journaliste stagiaire (toi), en tant que documentaliste (moi). Rongé par la maladie, tu avais littéralement changé d’apparence voire de prestance. Maigrissant à vue d’œil, inspirant désolation et compassion à tes proches. Paradoxalement tu faisais montre d’une résilience et d’un stoïcisme rare, révélant ta force de caractère et la solidité de ta foi en Dieu.

Notre amitié trentenaire est née le plus simplement du monde, dans le cadre professionnel, à force de nous côtoyer en ce lieu mythique qui a vu défiler de prestigieuses  plumes, journalistes madrés dont certains ne sont plus de ce monde, entre autres : le Père Roger de Benoït, Alexis Gnolonfoun, Alcino Louis Da Costa, Pape Marcel Sène, Alain Agboton, Yves Alao, Simon Kiba, René Odou, Jérôme Carlos, etc. Le journal ayant une vocation panafricaine, selon la volonté du clergé catholique d’alors, plusieurs nationalités y cohabitaient.

C’est donc à Afrique Nouvelle que notre amitié est née. C’est là aussi que tu m’as présenté celle qui deviendra plus tard ton épouse, Diarétou N’diaye. Encore élève à Joal sa ville d’origine, elle passait te rendre visite de temps à autre. Je revois encore sa frêle silhouette, timide comme tout, qui osait à peine regarder ses interlocuteurs. Quand vous avez décidé de convoler en justes noces, votre choix s’est porté sur ma modeste personne comme témoin. Ce fut pour moi un grand honneur, confirmant l’estime et la considération que tous les deux vous avez toujours nourris à mon égard. A mon tour, pour te rendre la monnaie, mon choix s’est porté sur toi comme parrain de mon dernier fils, Régis Duke Hervé Mendy. Ces deux gestes ont fini de sceller dans le granit notre proximité affective. Nos deux épouses développant dans le même sillage des affinités à nulle autre pareilles.

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Quand j’ai eu l’opportunité de partir à l’Ecole supérieure de journalisme (Esj), de Paris pour y subir ma formation, tu m’as beaucoup encouragé, insistant sur les opportunités qui s’offraient à moi. Il est vrai qu’à l’époque, la documentation n’avait pas le vent en poupe et l’Etat, sous ajustement structurel, ne semblait pas trop accorder de l’importance à ce secteur. Malgré la distance qui nous séparait, nous avons entretenu une correspondance régulière  par voie postale (les réseaux sociaux n’étant pas encore de mise). Nos retrouvailles toujours empreintes de chaleur à chaque fois que je revenais au pays, pour raisons professionnelles ou pour des vacances. A ce moment-là, je collaborais avec Africa International de Marie-Roger Biloa.

Quand j’avais terminé le manuscrit de mon livre WADE et le Sopi ; la longue marche en 1994, tu as eu l’amabilité de le lire pour en extirper fautes et coquilles. Notre doyen et non moins confrère Pathé Mbodj en avait assuré la mise en page, écrit la préface et la quatrième de couverture. Feu Charles Babacar Seck avait quant à lui réalisé la maquette de couverture avant que le photographe-designer Ousmane N’diaye Dago ne la finalise. Le tout, sans me réclamer un sou vaillant. Pour l’occasion, je voudrais rendre un hommage vibrant à tous ces confrères qui m’ont apporté leur contribution pour la commission de ce livre, dans un contexte de surchauffe politique exacerbée  (assassinat de Me Babacar Sèye et mort des 6 policiers sur le Bd du Général de Gaulle, Abdoulaye Wade étant cité dans les deux affaires).

Le 13 octobre 2018, à l’occasion de la cérémonie de présentation et de dédicace de ton livre Le cyber divan des femmes qui ont mal au lit, au siège de l’Association des écrivains du Sénégal, tu as tenu à me voir à tes côtés au présidium. J’avais la redoutable tâche de te présenter aux distingués invités qui avaient pris d’assaut les lieux. Tu voulais là encore donner des gages de notre proximité.

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Tout dernièrement (en octobre 2020), quand j’ai adressé une lettre ouverte à Sa Sainteté le Pape François, pour l’inviter à clarifier sa position sur la grave question de «l’union civile entre personnes de même sexe au sein de l’Eglise», tu as été parmi les premiers à réagir. Ton commentaire était le suivant : «Très bien dit, Marcel. Ce Pape est en train de jeter le discrédit et la démoralisation sur l’Eglise. Il n‘a qu’à dégager ou on le dégage.» Bien entendu, cette sortie nous aura valu une volée de bois vert de la part de certains coreligionnaires qui ont trouvé inconvenant de critiquer le Pape, chef de l’Eglise catholique. Oublieux que le dogmatisme n’a pas droit de cité dans un débat ouvert de ce type. La pensée unique ne saurait prévaloir en aucun cas sur une question qui engage l’avenir de ce que nous avons en partage.

Notre dernière conversation date du 5 janvier dernier. Je venais juste d’apprendre le décès de Birakane Sène, un ami commun, qui avait l’habitude de nous offrir à chaque Tabaski un gigot de mouton. Je t’ai appelé pour savoir si tu étais au courant de la triste nouvelle. Tu as poussé un cri me demandant : «Marcel qu’est-ce que tu as dit, Birakane est mort ? Incroyable. Je lui ai envoyé un message auquel il n’a pas répondu et ça m’avait intrigué, le sachant très courtois, prompt à répondre aux messages.» Je t’ai senti ému presque aux larmes. Eh oui ! Confirmé, notre grand frère et ami était bien mort. Et tu as regretté de ne pouvoir assister à ses obsèques «ne pouvant pas marcher, à cause de tes douleurs aux pieds». J’avais promis de passer te voir en compagnie de Pierre Fata Diouf. Malheureusement, cette visite n’aura jamais lieu ; le destin en avait décidé ainsi.

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Mon cher Jean, 

Assurément, tu étais une partie de moi, j’étais une partie de toi, comme le rappel ci-dessus en donne la preuve éloquente. Avec ton départ, c’est donc une partie de mon être qui s’en va. Dieu seul sait pourquoi, quand et comment, il unit ses créatures. Tu es parti physiquement, mais dans mon cœur tu resteras l’ami, le frère, le confident qui m’a été fidèle jusqu’à ton dernier souffle. 34 ans, ce n’est pas 34 jours, 34 semaines ni 34 mois. C’est toute une vie. Puisse le Bon Dieu, dans sa miséricorde infinie, t’absoudre de tes péchés d’homme soumis aux lois de la fragilité, et t’accueillir auprès de lui pour ton éternel repos et une joie sans fin. Après le calvaire qui a été le tien ces dernières années. Au revoir mon cher Jean. Paix à ton âme !

Mes condoléances priantes à ta famille, à ta brave épouse Diarétou N’diaye, tes enfants, tes frères et sœurs qui m’ont toujours considéré comme un des leurs.

A ta famille professionnelle éplorée.

Marcel MENDY

Journaliste Écrivain 

marcel3mendy@yahoo.fr

NDLR. Ce texte à Jean Meïssa Diop est publié aujourd’hui en hommage à son auteur. Marcel Mendy a suivi de quelques jours son ami Jean Meïssa Diop dans la tombe.

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