Une curieuse envie nous a amenés à parcourir des articles, des titres, des post sur Facebook, des vidéos et des audio afin d’avoir une idée sur les paradigmes souvent utilisés par nos hommes politiques et autres activistes autoproclamés. Les aspects performatifs des discours lus, çà et là visent tous à nous faire agir dans un sens ou dans un autre ; dans la mesure et la retenue, dans la tolérance et le dépassement ou dans la démesure et l’irrespect, dans la vengeance et la confrontation.
En politique, nous avons toujours des parties adverses et non du tout ennemies qui se parlent et parlent au peuple. Cette communication doit, pour la stabilité de la nation que nous jurons tous d’aimer et de servir, faire comprendre plutôt qu’égarer, à unir plutôt qu’à diviser, à rassembler plutôt qu’à disperser, à s’aimer plutôt qu’à se haïr. La communication est à la base de tout. Il n’y a pas de petits mots ou de grands mots. Chaque mot à son pesant et suffisant pour souder une nation ou la brûler. La Cote D’Ivoire a malheureusement sombré à cause de deux conjonctions de coordination : « et » et « ou » alors qu’avec quatre mots Mandela a réussi à endiguer toute la vengeance qui animait les noirs victimes de l’apartheid. Evitons les mots à maux.
Nous replongeons ainsi dans cette histoire du vocabulaire politique au Sénégal et voir comment avec subtilité, des politiques se sont parlés si profondément mais avec humour.
« Bopp a bu attanul a kawar.. » lança un jour subtilement Leopold Sedar Senghor à une foule qui spontanément rétorqua : « Attanul ab reew ». « Yeen a ka wax » conclut le poète pour mériter une ovation. Le Président Senghor lançait ainsi une pique à Me Abdoulaye son principal opposant. Ce propos transforma alors et les militants du PS et ceux du PDS en cousins à plaisanteries.
Pour montrer au Sénégalais que le programme social d’Abdou Diouf était une chimère ou tout au moins une farce, le président Wade avait utilisé la célèbre formule : » « Moussé forage et Madame moulin » respectivement le président Diouf et sa femme. Et le comble, Wade n’avait pas nié la réalisation du programme mais s’était demandé si, par inadvertance, il n’a pas été réalisé au-delà de nos frontières. Nous retiendrons que nous pouvons etre en parfaite contradiction et élégamment. Il y a eu certes des égarements dans le passé, mais ceci devait relever aujourd’hui de la « moralité » politique.
Le mouvement Y’en a marre avait lancé un single déconcertant et repris comme un refrain en 2012 par presque tous les opposants de Me Wade : « Goor gi deena, suul leen ko ». Ce mouvement ainsi que d’autres sont extrêmement violents dans leurs verbes pensant ainsi que la cervelle est inutile en politique et revendiquant la paternité du départ de Wade par moments. Or en 2000, Diouf perdait contre Wade et sans Y’en a marre dont on ne voudrait pas aussi avoir marre.
En politique, les partis les plus en vues dans l’espace médiatique rivalisent dans la médiocrité et dans la violence des propos.
Bennoo Bokk Yaakaar au pouvoir qui devrait être l’exemple en toute chose est la coalition qui s’est le plus donnée en spectacle dans ce domaine. Intra et inter, la violence est action et réaction pour ce géant à pattes d’argiles. Il serait plus judicieux de faire juste allusion à des propos obscènes plutôt que de les rapporter pour le respect du lecteur.
Au Pastef, on peut aussi déplorer cette violence très loin du débat contradictoire malgré le projet de société alléchant qu’il aurait pour le Sénégal. Sonko himself, n’avait-il pas dit qu’on « devrait fusiller tous les anciens présidents sénégalais » avant de revenir dire que Wade, le démon d’hier était au fait un ange.
Le terrain politique est une arène dans laquelle des gladiateurs, sans vergognes, des gladiateurs cupides, « pouvoiristes », populistes et manipulateurs s’affronteraient par presse interposée. Ils seraient, TOUS QU’ILS SONT, prêts à brûler le pays pour le reconstruire convaincus qu’EUX survivront. Ces HOMMES et FEMMES chercheraient alors de la chair à canon pendant qu’ils seraient bien blottis à l’abri arguant cyniquement qu’après : « Le pays aura besoin d’EUX pour la reconstruction ».
Loin de ces déplorables paradigmes tels que « Sonkolait, Bennoo Tass Yaakar….. » qui n’augurent d’aucun respect, le verbe peut bien nous rapprocher et créer cette compréhension mutuelle pour des débats sereins. Nul n’a besoin d’être grossier pour paraitre ferme. Ferme, sérieux et engagé, on peut bien l’être même dans la plaisanterie sans en donner l’air. Le contenu du message est une chose et la façon de le livrer en est une autre. Un bel encodage embellit la pureté du message mais aussi, il attenue l’écart en cas mais, faudrait-il que le messager s’adressât aux esprits plutôt qu’aux cœurs. Convaincre et faire plaisir : voilà qui se mesure à l’aune du savoir-faire du messager. Communiquer est un exercice difficile qui dévoile la nature du messager.
Et puis tout, la Paix est et demeurera toujours plus généreuse que la Violence, fut-elle verbale !
Ousmane SY