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Cheikh Anta Diop, Reveille-toi

Cheikh Anta Diop, Reveille-toi

«Il n’y a que deux puissances au monde, le sabre et l’esprit : à la longue, le sabre est toujours vaincu par l’esprit.» Même Napoléon Bonaparte, le Dieu de la guerre, était convaincu de la supériorité de l’esprit sur le sabre parce que les idées ont toujours gouverné et dominé le monde. Il est fort dommage que dans une Université qui porte le nom de Cheikh Anta Diop, des étudiants pensent régler leurs contradictions non pas par des arguments, mais par des machettes. La présence de machettes à l’Université est une profanation du temple où la lumière est théoriquement la loi. Lux mea lex est la devise de l’Ucad. La lumière de la raison, la lumière du savoir, la lumière qui jaillit de la confrontation des arguments et non pas du choc des machettes.

Nos voisins du Mali disent, «entre la colline de savoir (Palais présidentiel de Koulouba) et la colline du savoir (Université), il y a l’immense vallée de l’ignorance». Chez nous, la vallée de l’ignorance a envahi les deux collines. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, la violence qui sévit à l’Université n’est que le reflet de notre société devenue très violente ! Violente parce qu’intolérante. Cette violence instinctive et ambiante a cannibalisé tous les débats. Il y a très longtemps, Donald Cruise O’Brien a qualifié le Sénégal de «démocratie sans alternance». Aujourd’hui, nous sommes devenus la démocratie sans débat.

Tous les débats se résument à des attaques ad hominem et à des insultes et invectives. La politique d’une grande démocratie comme la nôtre, où l’alternance est devenue une banalité (valse des hommes politiques entre l’opposition et le pouvoir), devait être une affaire d’urbanités et de gentlemen, mais nos hommes politiques sont des gladiateurs. Si les élites se comportent en gladiateurs, comment s’étonner que les étudiants ne le soient pas, surtout ceux engagés politiquement ?

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Il est temps de comprendre qu’une démocratie sans débat n’a pas d’avenir, parce que le débat est au cœur de la démocratie. La politique par essence n’apporte que des solutions relatives. Des solutions relatives parce que la politique cherche à apporter des solutions aux problèmes humains, où il n’y a jamais de solutions définitives (qui peut trouver une solution définitive à la question de la sécurité, de l’emploi, à la question de l’économie). En politique, une solution définitive est toujours une catastrophe (solution finale des Nazis, génocide des Tutsi). Etant donné que toute solution ou idée est relative, en débattre est une nécessité. C’est pourquoi le débat est à la fois le cœur et l’âme de la démocratie.

A cause la violence verbale et des invectives, de la calomnie, notre démocratie est en train de perdre son âme. On regrette les grands débats entre Babacar Sine et le Pr Kader Boye, les grandes conférences de l’immense philosophe Pr Djibril Samb, les lumières du Pr Serigne Diop, sur la naissance par accident du poste de Premier ministre et celles du Pr Moustapha Kassé quelques jours après la dévaluation, dans un amphi pris d’assaut par les étudiants, parce qu’à l’époque le lux mea lex avait un sens. Il est urgent de revenir à la culture du débat.

En quarante ans de conflit en Casamance, qui a jamais entendu un débat entre majorité et opposition sur la question ? On rêve depuis toujours d’un débat sur l’école publique, l’enseignement supérieur, la sécurité nationale, mais c’est toujours en attendant Godot. La présence des machettes à l’Ucad est le meilleur indicateur du trop-plein de violence refoulée qu’il y a dans notre société, qui inonde les forums de discussion sur internet grâce à l’anonymat. Dans cette société de violence, il n’y a que la mort qui trouve grâce dans les foras du web. C’est insensé de dire qu’on va interdire la présence des hommes politiques à l’Ucad, mais il faut qu’ils tremblent en venant non pas parce qu’il y a des machettes, mais des débateurs qui pourront leur apporter une contradiction intellectuelle. L’Ucad est passée d’une époque où des leaders étaient les meilleurs, comme en 1968, à ceux de la génération qui s’impose par des machettes. On est passé de l’académie à l’arène des gladiateurs. Cheikh Anta Diop, réveille-toi, ils sont devenus fous !

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