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Le RÉveil Des Clercs

De la pénombre naît la lumière. Il a fallu la pénombre de la violence et de l’anarchie pour que jaillisse la lumière des clercs qui s’étaient endormis dans le confort académique. Après le manifeste des 102, nous avons eu la pétition des 133 initiée par Abdou Khadre Lô.

Le débat démocratique, intellectuel et civilisé reprend ses droits après les furies des foules. Les intellectuels ont raison de tirer la sonnette d’alarme. Les uns sont en croisade pour l’Etat de Droit et les autres pour la liberté d’opinion. Abdou Khadre Lô et ses 133 camarades ont raison de s’engager pour la «liberté d’opinion en toutes circonstances», parce que c’est cette liberté qui conditionne toutes les autres et il est évident qu’il n’y a pas d’Etat de Droit sans cette liberté. Je suis dans la presse depuis 20 ans.

D’habitude, ce sont les journalistes qui «terrorisent» les politiques, les intellectuels et la Société civile. Depuis 20 ans, c’est la première fois que je vois un groupuscule «terroriser les terroristes» de la presse, comme aurait dit Charles Pasqua, ancien ministre de l’Intérieur français. Sans liberté d’opinion, pas de liberté académique, parce que l’Inquisition n’épargnera pas l’université et la Société civile, qui a raison de s’engager dans le combat. Car ce qui s’est passé au Sénégal lors des émeutes confirme la thèse de Thomas Hobbes, qui dit que toute la violence que peut générer l’Etat est infiniment préférable à la violence qui résulte de l’absence d’Etat. C’est pourquoi d’ailleurs, la sagesse arabe enseigne qu’il «est préférable d’avoir mille ans de tyrannie que 24 d’anarchie».

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A partir du moment où l’ouragan des furies et des foules a tout dévasté sur son passage et qu’on constate les dégâts, il est bon de rappeler avec Emile Durkheim que «l’Etat ne doit pas rester à la remorque des citoyens et que son rôle n’est pas d’exprimer la pensée irréfléchie de la foule mais de surajouter à cette pensée irréfléchie une pensée méditée». Aujourd’hui la pensée irréfléchie, c’est vouloir enfermer le pays dans un orgueil autarcique et se glorifier des saccages des supermarchés Auchan, des stations Total, sous le prétexte facile que la France recolonise le pays.

 La «pensée méditée» consiste à dire aux Sénégalais qu’avec notre maigre budget de 3000 milliards, on ne peut développer le pays. Par conséquent, le pays, comme tous les pays qui ont émergé, a besoin de l’investissement direct étranger pour décoller. On ne peut pas se faire appeler pays de la Teranga, le seul pays où le président de la République parle aussi aux «hôtes étrangers qui vivent parmi nous» en s’adressant à la Nation, et saccager les biens des étrangers sous prétexte de frustrations. Il faut que l’on sache ce que l’on veut. On ne peut pas faire le tour du monde à chercher des investisseurs pour accélérer notre marche vers le développement comme l’ont fait la Chine, Dubaï et la Malaisie, et passer notre temps à vitupérer contre les Français qui nous recolonisent, les Chinois qui nous traitent en esclaves, les Turcs qui nous envahissent. Si tous ces investisseurs étrangers viennent au pays de la Teranga c’est parce que le Sénégal a des avantages certains, qui ont pour noms la stabilité politique et règlementaire mais surtout un pouvoir d’achat.

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C’est ce pouvoir d’achat qui explique que Auchan soit au Sénégal et pas en Mauritanie, pas en Gambie ou en Guinée Bissau, et Eiffage ait sa première autoroute dans la sousrégion. C’est le pouvoir d’achat et non une relation spéciale entre la France et une ancienne colonie, car les multinationales ne sont pas des philanthropes et encore moins des passionnés d’histoire.

C’est bien d’avoir de l’orgueil mais c’est encore mieux de se donner les moyens de son orgueil, comme la Chine qui est passée du péril jaune à la 2e économie du monde en 40 ans. Nous donner les moyens de notre orgueil, c’est exiger que les politiques se penchent sur la question économique comme la Chine, afin de pouvoir racheter Auchan ou le concurrencer. Ce n’est pas de saccager l’autoroute mais nous donner les moyens de prendre la relève à la fin de la concession, de construire et de gérer nos autoroutes.

Le miracle de Dubaï est né d’une sagesse et d’un grand courage politique. Quand les étrangers avaient commencé à investir massivement à Dubaï et à bâtir des routes et des tours, les autochtones avaient commencé à faire de l’orgueil et à dénoncer l’invasion étrangère.

Pour régler le problème, le Cheikh Makhtoum convoqua une réunion tribale dans le désert et leur dit ceci : «Nous arabes, nous n’aimons pas le désert, nous y sommes parce que nous n’avons pas le choix et Dieu nous promet le paradis qui est l’antithèse du désert. Si les Américains et les Européens viennent construire dans le désert, il faut les laisser faire. Celui qui construit une tour, s’il rentre chez lui en Occident, est-ce qu’il l’emporte ? S’il meurt est-ce qu’il l’emporte ? La réponse est évidemment Non.»

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C’est cette sagesse et surtout ce courage qui sont à l’origine du miracle des Emirats, qui n’ont pas «constitutionnalisé» la teranga mais qui comptent 8 millions d’étrangers sur 9 millions d’habitants. Que serait Dubaï sans l’investissement étranger ? Un petit port de pêche et de commerce dans le désert, avec des plongeurs pour chercher des perles. Chez nous, le courage et la sagesse de Cheikh Makhtoum sont des denrées rares en politique. Sinon, pour une histoire de libido, on éviterait de jeter le bébé avec l’eau du bain.







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