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Les Cinq Illusions D’universitaires SÉnÉgalais Pour Sortir De La Crise

Les Cinq Illusions D’universitaires SÉnÉgalais Pour Sortir De La Crise

Des intellectuels et universitaires sénégalais résidant en France pour certains sont signataires d’une tribune publiée dans Jeune Afrique, laquelle tribune a été consacrée aux événements qui ont secoué le Sénégal ces temps derniers. Ils ont, ce faisant, énoncé des préconisations qu’ils ont cru devoir adresser aux Sénégalais pour leur indiquer le chemin à prendre afin d’aboutir à une sortie de crise solide et durable. Une telle initiative, dans la forme, constitue l’expression même d’un devoir citoyen de participation à l’effort collectif de réflexion autour des questions publiques.

Toutefois dans le fond, à la lecture du contenu, le texte m’a laissé un sentiment persistant d’incrédulité. Incrédule, car je connais la plupart des signataires, toutes et tous dotés d’un niveau intellectuel exceptionnel. Ainsi, je saisis difficilement la naïveté manifeste qui entoure les préconisations rendues publiques sous leur nom. Avec leur aimable autorisation, je souhaiterais leur exprimer un profond désaccord, formulé non point par rapport à leur prise de position mettant principalement en cause les autorités du pays, déclarées sans réserve, comme étant les responsables des graves incidents qui ont secoué le pays dernièrement. C’est leur droit de le dire, si cela est leur conviction. Je ne leur ferai pas querelle d’avoir partagé leurs pensées. En revanche, je leur marque mon étonnement réel, face à cette vanité assumée qui les a amenés à faire des préconisations si discutables, tant dans leur formulation que dans la substance des idées charriées. Et dire que ces préconisations ont pour ambition de guider tout un peuple, invité à éviter certains errements qui pourraient, selon eux, le conduire au désastre. Vraiment ?

Que dire de la première préconisation dans la série de cinq ? Précisons d’emblée qu’il s’agit plutôt d’un rappel, car celle-ci n’est pas, en tant que telle, une nouveauté dans le débat public national. C’est depuis la fin de la décennie 2000-2010 que l’idée a été enchâssée dans la Charte de la Gouvernance démocratique qui a été adoptée par les conclusions spécifiques des Assises nationales. Il est posé, ici, le principe de la nomination dans le gouvernement d’un ministre de l’Intérieur qui ne serait d’aucune obédience politique. Sauf que pour tenter de faire dans l’originalité, les signataires ont élargi le champ d’application de l’idée en l’étendant au ministre de la Justice qui viendrait ainsi rejoindre celui de l’Intérieur dans cette singularité. Dans ce sens, les signataires ont pu écrire : « la nomination à la tête des ministères de la Justice et de l’Intérieur, de personnalités de la société civile chargées d’élaborer des réformes ambitieuses ». À ce niveau, on entrevoit clairement une grave insuffisance dans la connaissance de la doctrine de fonctionnement de notre République, qui indique les responsabilités et les charges liées aux fonctions. Dans leur traversée intellectuelle, les signataires y ont oublié que dans notre système politique, un ministre quel qu’il soit, est responsable devant le chef de l’État, qui le charge de l’exécution d’une politique sectorielle que le premier élu de la Nation définit. Ce principe, tiré de notre loi fondamentale, organise à ce jour le schéma directeur du fonctionnement du pouvoir exécutif et trouve son application pratique dans le contenu des décrets fixant les attributions des ministres. Pourquoi alors chercher à faire croire qu’un ministre de l’Intérieur ou de la Justice, issu de la société civile pourrait se soustraire au contrôle politique du président de la République et opérer en électron libre vis-à-vis de cette autorité instituée par le suffrage universel ? Cette idée semble clairement manquer de fondement et dégénère ainsi en une illusion intellectuelle.

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La deuxième préconisation interpelle l’existence de structures de l’État de type budgétivore et inutile. Cette caractérisation a amené les auteurs de la tribune à demander la suppression d’institutions telles que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT). Cette préconisation procède d’une erreur commise souvent, y compris par nous-mêmes. En effet, le cas échéant, cette mesure n’aurait pas procuré à l’État un quelconque avantage économique décisif, tout au plus, elle n’aurait été que d’un effet psychologique. Poursuivant, les signataires avancent l’idée que ces institutions supprimées soient « remplacées par un Conseil d’orientation de la jeunesse, plateforme d’écoute, de dialogue et de recommandations stratégiques qui réunirait des jeunes de la société civile chargés d’éclairer bénévolement les pouvoirs publics sur certains sujets : santé, formation, emplois, entrepreneuriat, innovation, etc. ».  J’ai envie de leur demander pourquoi ce fétichisme, ou culte démesuré de la société civile ?  On ne s’y prendrait pas autrement si on voulait faire avaler à tous l’idée que les citoyens se réclamant de la société civile seraient nécessairement plus vertueux et plus compétents que tous les politiques volontairement engagés au service d’un idéal de développement ? Non, évidemment ! Ceci étant, la question interpelle la problématique de la rationalisation des dépenses publiques. Or, cette rationalisation est fortement prise en compte par la dynamique politique actuelle de l’État. Ainsi, pour booster l’allocation budgétaire destinée aux investissements, des efforts importants de réduction du train de vie de l’État ont été consentis. Les mesures relatives à la suppression de l’essentiel des lignes téléphoniques mobiles de l’État en constituent l’illustration parfaite. Cette mesure a permis la diminution de la facture téléphonique de l’État, qui est passée de 22 milliards FCFA en 2014 à 3,5 milliards FCFA en 2020, soit une économie annuelle de 18,5 milliards FCFA. La même orientation a été appliquée aux véhicules administratifs avec la suspension de toute commande systématique ou acquisition de véhicules. Pour information, de 2012 à 2020, l’État a dépensé 246 851 794 189 FCFA pour l’achat de véhicules, l’entretien, la réparation et l’achat de carburant, soit une moyenne annuelle de 27,4 milliards FCFA. C’est dans ce sens que le récent décret n° 2021-05 du 6 janvier 2021, est venu attribuer une indemnité forfaitaire globale couvrant les frais pour les ayants droit et délester l’État de cette lourde charge à compter du 1er mars 2021. Avec une incidence budgétaire de 4,4 milliards FCFA, la nouvelle mesure permettra une économie d’environ 22,7 milliards FCFA sur l’année.

Chers amis intellectuels, nous mesurons à sa juste hauteur le patriotisme enfoui en chacun d’entre vous. Cependant, il me semble utile de vous demander un effort d’humilité, qui vous permettra de reconnaître facilement les efforts inlassables de l’État en direction de la rationalisation continue de la dépense publique. Par ailleurs, soyez conscients que sur cette question, le gouvernement du président Macky Sall n’a enregistré aucun retard à l’allumage, en se saisissant très tôt de l’enjeu et du besoin contemporain d’un regain plus affirmé de rationalité dans les choix d’allocation des ressources publiques afin d’impacter au mieux le plus grand nombre et le plus faible d’entre nous. Ceci est une option fondamentale d’application d’une doctrine d’économie politique plus adaptée à servir l’intérêt général et à desservir la précarité. La même logique a sous-tendu la décision d’édification réussie des sphères ministérielles de Diamniadio, qui abritent à ce jour quinze ministères et d’autres services, signifiant la résiliation d’autant de contrats de location réputés onéreux pour les finances publiques, avec un coût global oscillant auparavant entre 30 et 40 milliards FCFA. Ce programme présidentiel de rénovation et de développement du parc immobilier de l’État offre des solutions économiques et écologiques viables basées notamment sur les innovations technologiques et le développement d’un modèle économique social et environnemental inclusif. Il s’inscrit dans le cadre du Partenariat Public Privé (PPP) recourant aux financements innovants par la contractualisation avec des opérateurs privés nationaux et étrangers, et permettre de réduire de manière considérable les charges locatives de l’État et de renouveler son parc immobilier. Le building administratif président Mamadou Dia pour sa part, abrite différents départements ministériels et services centraux de l’État, tous soustraits de la location. Tout cela, j’imagine, n’a pu encore accrocher l’intérêt des signataires de la tribune.

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Ces derniers ont avancé vers une quatrième préconisation : « la révision du mode de gestion du budget de l’État. Une part substantielle de celui-ci serait allouée en priorité au capital humain (santé, éducation et formation professionnelle). L’État instaurerait aussi une communication transparente sur la dette publique et la gestion des ressources naturelles ». Pour être vraiment honnête avec vous, je ne comprends pas trop la signification pratique d’une telle préconisation qui rechercherait la réallocation des ressources en faveur du capital humain : éducation nationale, formation et santé. Je rappelle que le gouvernement a investi plus de 300 milliards en infrastructures et équipements entre 2012 et 2017, comme relevé par le Professeur Mary Teuw Niane dans la préface du document de travail co-produit par l’État du Sénégal et l’UNESCO, contre moins de la moitié de 1960 à 2012. Une petite consultation des documents officiels et des chiffres statistiques en éducation aurait suffi à démontrer que cette quatrième préconisation des universitaires et intellectuels enfonce des portes largement ouvertes, car les progrès enregistrés en ce domaine par le Sénégal sont reconnus et salués au niveau mondial. Je vous renvoie également à l’excellent document de synthèse des programmes de construction des infrastructures scolaires de 2012 à 2016, les réalisations et perspectives au 30 octobre 2016, réalisées sous la conduite du ministre Serigne Mbaye Thiam. Vous y verrez la répartition des investissements dans le secteur de l’Éducation selon la source de financement (BCI État, BCI décentralisé, APIX, PAISD, KOICA, JICA, Banque mondiale, KFW, AFD, USAID, PME, Privés, ONG, Fondation, Mécènes), la répartition des investissements per capita et par région des investissements dans les sous-secteurs de la Petite Enfance, de l’Enseignement élémentaire, de l’Enseignement moyen, de l’Enseignement secondaire général, dans le sous-secteur des Daara, dans les infrastructures administratives et de formation. Au moment où je produis ce texte, ce jeudi 18 mars 2021, le Conseil d’Administration de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) réuni en visioconférence pour sa 122e session ordinaire, a accordé au Sénégal une enveloppe estimée à 21,106 milliards FCFA pour la construction de 1528 salles de classe, en remplacement d’abris provisoires, et d’ouvrages annexes afin de poursuivre la mise en œuvre de la politique d’amélioration de la qualité et de l’équité dans l’éducation au Sénégal.

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Que dire maintenant de la cinquième préconisation des universitaires ?  « L’établissement d’un cadre national de soutien au développement inclusif des villes intermédiaires et zones rurales, fondé sur un soutien massif aux PME et sur des mécanismes innovants d’investissement et de finance durable ». Cette belle rhétorique à l’accent résolument volontariste renvoie à peu de choses concrètes, sinon à la phraséologie des discours altermondialistes. On a évidemment besoin de ces discours du fait de la générosité qui les caractérise. Les programmes et projets de promotion de l’équité sociale et territoriale (PUMA, PUDC, PROMOVILLE, PROMISE, 100 000 logements, Cités administratives dans les régions, Fonds vert climat, etc.) en cours d’exécution ne vous disent certainement rien à ce propos. Je voudrais conclure en attirant l’attention sur la notion de faillite collective servant de postulat à la critique des signataires de la tribune. À ce titre, rien n’a été évidemment démontré pour établir cette faillite collective. On a simplement choisi de clouer au pilori les autorités pour établir leur faillite. En vérité, un contentieux judiciaire surdimensionné par ceux qui en ont intérêt, a servi de prétexte à certains pour contester l’ordre établi et inciter vers le chemin de l’aventure. Cette orientation emprunte maladroitement la voie de la remise en cause de la légalité en tentant d’organiser l’empêchement des autorités judiciaires, par le moyen de la pression du public, ce qui est à contre sens d’un Etat démocratique. C’est en cela qu’il a été tenté de porter atteinte à l’indépendance de la Justice. Crier au complot ne suffit pas à démontrer l’existence d’un complot, comme mettre toutes les souffrances sur le dos de l’État ne suffit pas à effacer tous les efforts de celui-ci en faveur des populations. Restons, tous ensemble dans le dialogue, l’échange courtois, le rejet de la violence sous toutes ses formes et la sauvegarde de notre Nation. Travaillons à l’édification d’un Sénégal performant pour tous ; certes la compétition est le propre de l’individu et des groupes, mais efforçons-nous de « compétir » dans le respect mutuel et surtout dans le respect des lois et règlements qui gouvernent notre commune appartenance au Sénégal.

Le texte qui a suscité cette réponse du ministre Abdou Latif Coulibaly est à lire ici







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