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Sur La Situation Sociale Et Politique Du Sénégal: Parlons-nous ! (par Amadou Lamine Sall)

Sur La Situation Sociale Et Politique Du Sénégal: Parlons-nous ! (par Amadou Lamine Sall)

 Ne faisons pas semblant de ne rien savoir : notre pays si beau est devenu soudain si pâle ! Il ne doit pas le rester longtemps. Il ne le peut pas. Il ne doit pas cette nuit ni au peuple sénégalais, ni au monde. Il nous faut changer de perspective ! Nous partageons le même constat : le Président s’échine à la tâche, bâti et bâti sous les applaudissements et les huées selon un camp à un autre. Mais le vrai camp, le seul qui vaille, est celui du peuple. Ce camp attend les urnes. L’inquiétude s’est installée avec les derniers évènements brutaux. La jeunesse est dans l’errance. A cette dernière, je disais en 1998 : « Une jeunesse se bat pour ses droits et meurt pour ses devoirs. Une jeunesse est faite pour la gloire de la patrie ». J’ajoute ceci : « Le meilleur investissement économique de notre pays, est l’investissement dans sa jeunesse ».

Il ne s’agit point de se taire de peur d’être mangé cru par un camp ou par un autre. Venir l’insulte à la bouche est presque naturelle pour une jeunesse. Ce n’est pas là le plus préoccupant. Ce qui le serait, c’est de se boucher les oreilles et se bander les yeux, en se demandant si les « caravanes » sont passés. Nous devons nous arrêter de passer l’aspirateur dans la caverne. Pour dire combien nos politiques de jeunesse sont en déphasage avec la réalité des temps modernes. Ce sont ces politiques qu’il faut repenser et les repenser en associant les jeunes. Si nous ne nous entendons pas sur l’essentiel, nous continuerons de tourner en rond. Et quel est cet essentiel, sinon le dialogue, l’échange, l’écoute, le respect mutuel qui a besoin de  dissocier le possible de l’impossible. 

A l’État d’être responsable en mettant une politique qui aura été concertée, évaluée, projetée, planifiée avec la jeunesse. Il s’agit d’évaluer les  moyens au plus juste des budgets impartis. A la jeunesse de se libérer des chaines de l’assistanat. Pour dire qu’elle doit être entreprenante, créatrice. Elle doit prendre les ressources financières que l’État met à sa disposition, car elles lui appartiennent en premier. Mais, elle doit bien les utiliser et répondre d’elles comme l’État se doit de répondre de ses dépenses devant les institutions nationales de contrôle. En un mot : à chacun son job dans le respect d’accords donnant-donnant. Il ne faudrait pas que l’État seul soit mis à contribution financièrement. Il faut également que ceux qui reçoivent, soient encadrés et répondent des ressources mises à leur disposition. Il s’agit, tous ensemble, de servir leur pays. L’État n’a pas le choix. C’est le peuple qui commande. Mais le peuple aussi à des devoirs. La jeunesse doit s’investir dans le développement et la création d’entreprises en bénéficiant des ressources que le peuple a confiées à l’État et que l’État doit gérer selon des normes réglementaires et éthiques.

Vu sous cet angle, tout semble relever des comportements humains, sociétaux, étatiques les plus simples, alors que cela n’est point vrai. Plus on croit que c’est simple et plus c’est compliqué.

Depuis l’aube des temps, des peuples qui ne votaient pas, ont fini par accéder au vote. Des rois et des princes qui régnaient par la noblesse du sang, ont fini sous la guillotine. Des guerres de religions effroyables et sanguinaires où Dieu s’était retiré, ont fait fortune. Au sortir de l’animalité, l’homme a commencé à marcher. De millénaire en millénaire, l’humanité a progressé. L’homme, aussi. Les institutions, aussi. Nous en sommes en ce 21ème siècle qui arrive en titubant, clignote, s’allume, s’éteint, s’allume. Pour dire que ce siècle est porteur d’incertitudes et de craintes.

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A la vérité, ce n’est pas ce siècle qui est inscrit dans l’horloge et la marche des âges, qui inquiète, mais ce que les hommes en font : grandeur,  exploits, conquêtes, défaites. Il est vrai que les avancées technologiques suscitent aujourd’hui un étonnement admiratif. Mais la science réussit toujours à s’amender.

De  même le Sénégal ne doit pas s’garer. Ce pays est un miracle. Soignons-le en sachant que ce n’est pas dans la spontanéité et le bonheur qu’une société accède au développements, même avec le pétrole et le gaz. Je ne veux pas croire que de telles ressources inespérées et tant convoitées de par le monde, soient maudites. Ce sont plutôt les États qui gèrent ces richesses qui sont maudits.

Je ne suis pas étonné que mon pays qui a abrité tant de saints chantés et loués de par le monde, puissent être abandonné de Dieu. Je suis un croyant. Depuis Senghor, on sait que le Sénégal possède  des ressources pétrolières. Il a fallu du temps pour que Macky Sall arrivé au pouvoir en active la recherche et l’exploitation. Il a fait son job. Il partira et d’autres viendront. Le Sénégal continuera d’exister et de vivre. Senghor disait : « Je n’ai pas tout réussi. Il n y a que Dieu pour tout réussir ». 

Demain, dans les 50 ans à venir, en 2071, alors que le temps aura fait son œuvre, que les tombes auront fleuri et que des noms se seront effacés  dans la mémoire des hommes, souhaitons que l’oubli n’efface point cependant le travail accompli et les sacrifices consentis des uns et des autres. La mort n’est pas le néant. Le souvenir nous venge toujours d’elle. Mais il faudra le mériter.

Au delà des postures nationalistes de plus en plus aigues en Afrique, de la violence des slogans et des mots d’ordre, nous devons savoir que nous n’avons rien inventé. C’est le combat qui continue. Le sort de l’Afrique face à la barbarie coloniale a toujours rencontré et de tout temps -et ce n’est pas fini-, des femmes et des hommes qui ont su lever la voix  et souvent en le payant de leur vie. Certains sont restés dans l’histoire. D’autres oubliés, ce qui n’enlèvent en rien à leur mérite. Mais c’est le temps et le poids du sacrifice qui feront le tri. Non les hommes triviaux.

Je reste de ceux qui croient, par contre, que l’avenir du monde s’inscrira, qu’on le veuille ou non, dans le métissage culturel tant chanté par Senghor. Il rappelait toujours ceci : « Quand deux peuples se rencontrent, ils se combattent souvent, mais se métissent toujours ». L’amour seul a puissance de métamorphose. Je pense à Léopold Sédar, Birago Diop, Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Wade, qui ont fait des enfants avec des gauloises, devenues sénégalaises parmi les sénégalaises. 

A la place du mot d’ordre coléreux de « FRANCE DÉGAGE », il serait préférable de dire « FRANCE INTÉGREZ-VOUS ». Nous savons tous que notre jeunesse et nos peuples sont fatigués du système colonial qui, depuis des siècles d’occupation, trouve encore au 21ème siècle les moyens et les ruses les plus perverses de nous prendre encore et encore notre pain. La France s’entend, comme pays occupant venu sans visa, a peu de chance de faire croire que l’Afrique est une femme que l’on a cessé de violer. 

A répétition, les chefs d’État successifs à l’Élysée, après Mitterrand, puissant et énigmatique esprit, ont tenté de le faire croire. L’Afrique est une femme trop belle, aux formes fort généreuses, lèvres de henné, bouche de banane et ventre de kora, pour être lâchée. Il le faudra bien pourtant. Il s’agit juste de respect et de dignité. Il n’est pas interdit d’épouser une belle femme, mais ce n’est pas beau de l’affamer et de la minorer.

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A bien y réfléchir cependant, ce n’est plus désormais la France la première coupable. Ce sont les fils de l’Afrique qui arrivent sur le trône d’or qui l’ont dévoyée. Ils l’ont mise à vil prix et en monnaie de singe dans les bras des braconniers, alors qu’ils avaient la charge et la mission de la protéger. 

 Nos politiques doivent changer et la France ne les changera pas à son détriment. C’est à l’Afrique d’abord de se respecter et de se faire respecter. Nos élites politiques y ont failli. Pas toutes. Mais le plus grand nombre. Regardez aujourd’hui la Guinée de Sékou Touré, la Côte d’Ivoire, le Congo de Lumumba, le Congo Brazzaville si désespérant, pour ne citer que les plus proches et les faits récents qui les fait descendre dans la fosse nauséabonde. Partout la France fait semblant d’accuser l’imposture, laisse faire, puis se tait. Elle est dans son théâtre, son rôle et ses mimes. A nous d’en rire ou d’en pleurer. 

 Mais le plus douloureux, le plus insupportable, le plus assassin est le silence de l’Union Africaine et les communiqués cotonneux et enrobés de l’Union Européenne et de l’ONU. 

Ainsi va le monde au nom du soi-disant et souriant respect de la souveraineté des États. On peut donc tuer, voler, piller, emprisonner en toute impunité. La démocratie en sort en haillons, nue, les fesses en l’air. Le Sénégal ne peut pas porter cette image. Elle ne peut pas lui ressembler. Ne la lui faisons pas porter. Ces habits ne lui vont pas. Son histoire et son avenir ne le méritent pas. 

Sachons aussi que le monde est devenu un. Aucun État, aucun peuple ne peut s’autosuffire. Pour dire que nous avons besoin de la France, des États Unis d’Amérique, de l’Europe, de l’Asie. Mais dans le respect des échanges. Dans le respect des cultures, motivé par le désir d’apprendre d’autrui, pour grandir. 

N’oublions pas que l’Afrique a d’abord besoin en premier de l’Afrique. Si nous avons porté le monde, comment serait-il possible de nous désolidariser de nous-mêmes ? Il nous faut partager ce que les soi-disant riches viennent chercher et prendre chez nous, en dominateur, alors que nous tenons les greniers, les minerais, les fleuves, les lacs, les chants et les danses qui font vibrer la terre, les lettres qui ont précédé la littérature, les arts qui ont donné un nouvel imaginaire au monde ?

Parlons nous ! Il est temps. C’est mon appel.

La communauté religieuse et spirituelle de notre cher pays le Sénégal s’est faite entendre. Elle est dans son rôle primordial : asseoir la paix des cœurs, la sérénité, l’équité, le pardon, la générosité, l’humilité. Ce sont là les voies inespérées et glorieuses de la vie et de l’entente entre les croyants et les hommes sur la terre. Bien sûr, la politique vit avec plus de démons que d’anges. Mais il peut arriver une heure -et elle est arrivée- où les anges domptent forcément les démons. 

Le discours d’apaisement du Chef de l’État est tombé même s’il a tardé. Celui inflammable de l’opposition s’est tempéré sans s’adoucir. L’horloge tourne. On appelle cela être dans les stratégies. La jeunesse a regagné sa solitude et prend le temps de ravaler sa colère. Elle a été énorme, incendiaire et glaçante. Trouvons avec elle les armes de la paix, de la responsabilité, de la justice. Surtout la justice. Mais sachons que la justice n’a pas précédé la dignité. Tiens, qui disait d’ailleurs que « La dignité a même précédé la religion ? »

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Au regard de la situation d’enfer social et politique de mon pays, je n’aurais pas pu mieux dire qu’un homme d’État face à la pandémie, pour signifier où nous en sommes aujourd’hui pour ce qui relève de l’avenir social et politique de notre pays : « On est sur une ligne de crêtes. On a à choisir entre de mauvaises et de moins mauvaises décisions. Mais il faut prendre des décisions. Il faut avancer. On n’a pas le choix.»

Travaillons pour que le droit et la justice n’arrivent pas à contraindre un jour la politique à abdiquer et que la politique, jamais, ne fasse abdiquer le droit, la justice. Que jamais une tragédie ne tranche en faveur de l’un ou de l’autre. Seul le peuple des urnes doit trancher. C’est cet équilibre qui fera notre grandeur. Celle des juges, des princes, du peuple comme celles et ceux qui aspirent légitimement au pouvoir. Le monde nous regarde. Ne baissons pas les yeux encore moins le cœur. Ce pays n’est pas inscrit dans le malheur. C’est une flamme que quelque chose qui nous dépasse tous, éteint de lui-même. Alors, Parlons-nous.

Une fois encore,  « Ne laissons pas en héritage à nos enfants une maison, mais plutôt un pays.» Si le pays va, tout va !

Au Président Macky Sall, le premier, disons notre respect pour l’écoute et l’apaisement. Vous ne pouvez pas ressembler aux autres, Monsieur le Président, quoique cela vous coûte de ne pas pouvoir en découdre. L’envie ne vous a jamais manqué en bon métis toucouleur-Sérère. Mais l’aigle ne descend pas dans la vallée seulement quand il a faim. Il doit souvent descendre en rentrant ses griffes et se mêler à la nature. C’est cela aussi votre rôle : parler et vivre parmi votre peuple. C’est votre devoir, votre mission. Il n’existe pas deux élus à la tête de l’État. Il n’en existe qu’un seul est c’est vous. Contesté ou applaudi. Il n’y a aucun orgueil à taire. Aucune revanche à prendre. Vous devez être en altitude. Vous avez pris la bonne décision, celle conforme aux valeurs de notre culture et d’un chef. 

Il faut toujours se méfier du diable. Il flatte. Repensons à cette sagesse redoutable d’un vieux Baye Fall, que m’a rapportée un ami, en wolof : « Luy dox te taxawul, dina mësa aag fa mu jëmb ». Que Dieu nous en préserve dans ce pays tant chanté ! On a tous en nous quelque chose de Bamba et de Maodo Malick quand le mal croit qu’il va vaincre. Mais tout redevient lumière dans la lumière. Restons dans cette quête de soleil.

Si je dis que ce pays, mon pays le Sénégal, s’inscrira toujours dans la paix et la concorde et qu’un jour il passait outre, je n’aurais pas menti. C’est la vérité qui se sera trompée.

                                  ./.                                                                                               

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