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FranÇafrique Quand Tu Nous Tiens, Mais Attention Le Feu Couve

Quand je vois Abidjan et la Côte d’Ivoire (2011) puis Bamako et le Mali (2020) suivi de Dakar et de l’ensemble du Sénégal (mars 2021) et maintenant N’Djaména et d’autres villes du Tchad (avril 2021). Quand je ressens intimement ces montées de colère qui font exploser des montagnes de frustrations et font descendre dans les rues des populations qui marchent en brandissant des poings encore jeunes contre ….la France ou plutôt contre la nébuleuse Françafrique.

Quand je vois tout ça, je dis attention. La colère gronde, la haine monte crescendo, éclipsant le simple “sentiment anti-Français”.

La Françafrique ?

Une nébuleuse théorisée par Houphouët-Boigny et légitimée par Senghor qui écrit dans Liberté 1 :

“Nous avons tout oublié ; comme nous savons le faire…les 200 millions de morts de la traite des Nègres, les violations de la conquête, les humiliations de l’indigénat. Nous n’en avons retenu que les apports positifs “. (Introduction de Liberté 1 ; Négritude et Humanisme).

Eh bien non ! On l’a toujours en travers de la gorge. Il ne faudra jamais oublier.

Oublier la barbarie ? Jamais !

C’est comme pour la Shoah.

Cette nébuleuse est un “machin” maléfique difficile à décrire et unique au monde dans son genre. Ce n’est ni une institution ni une organisation identifiable. Elle n’a aucune base légale. Ce dont la nébuleuse se rapproche le plus c’est de “l’association de malfaiteurs”.

En effet, son moteur c’est la corruption.

Corruption monétaire bien entendue, s’appuyant sur la corruption politique et les corruptions intellectuelle et morale. Le ticket d’entrée, c’est le carnet d’adresses. La zone de nuisance ? les anciennes (?) colonies françaises d’Afrique subsaharienne. Le “machin” ne se déploie pas en Argentine au Vietnam ou même au Nigeria. Trop compliqué et d’ailleurs à quoi bon ? Le “machin” tient une proie qu’il compte sucer tant qu’il peut. Les ex-colonies françaises constituent cette proie qu’ils n’ont jamais lâchée agissant comme des sangsues sur un corps vivant. Bâtissant des relations interpersonnelles mafieuses négociant des deals dans l’ombre et s’enrichissant sans cause.

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L’objectif recherché ?

Maintenir l’hégémonie française dans sa zone de nuisance et faire des affaires, et ce par tous les moyens nécessaires : coups d’États, assassinats de dirigeants politiques africains, intimidations, cooptation de dirigeants africains, chantages, pots-de-vin, interventions armées, ”guerres sans fin contre le terrorisme “, campagnes médiatiques de désinformation, manipulations des opinions publiques. Ces tactiques prenant leurs sources dans les 4 piliers d’un pacte colonial totalement illégal : obligation d’utiliser le français comme langue d’enseignement, langue d’administration et langue du droit ; maintien du franc colonial, occupation militaire et accès privilégié aux richesses de ces pays dits “francophones”. Autrement dit, on contrôle les esprits, les richesses et on déploie la soldatesque pour garder un œil sur tout ça sans oublier les hommes de l’ombre. (N’a-t-on pas évoqué des forces occultes…identifiées ?)

Ah j’oubliais… Le “machin » garde son mot à dire dans le choix du président, notamment en bloquant le chemin de ceux dont les propos sont perçus comme “hostiles” à la France. Comme si l’hostilité face à la prédation systématique n’était pas un antidote logique et légitime.

Ce qui unit ces opérateurs perfides, c’est cette ambition commune et délétère de maintenir l’Afrique ou du moins sa partie “française” dans le statu quo qui les enrichit, mais nous appauvrit.

Dans cette nébuleuse s’activent des sociétés commerciales, des chefs des armées françaises et services secrets, les médias parisiens, des avocats, des universitaires et “communicants” et une variété d’intermédiaires douteux et autres mercenaires bénéficiant d’une écoute complice au plus haut niveau de l’exécutif français. Et bien sûr d’hommes et de femmes politiques. Tous nourris de cette nostalgie d’empire et illusion de grandeur. Comme toute association de malfaiteurs, elle ne s’arrête que lorsqu’elle est démantelée.

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Comment s’en débarrasser ?

Haïti le premier a montré la voie. Quand en 1793 les esclaves ont rompu leurs chaînes, Napoléon a envoyé à l’époque ce qui peut être considéré comme la plus grande armada de l’histoire. Elle a été défaite à plate couture par des anciens esclaves qui montaient au front en chantant “la liberté ou la mort.” Au Vietnam la cuisante défaite de Ðiện Biên Phủ

a mis fin définitivement aux ambitions de l’empire en Asie. L’Algérie avec toutes ses douleurs a subi pire que la France sous occupation allemande. Des crimes qu’aucune humanité éclairée ne saurait pardonner. Aimée Césaire ne disait-il pas en fait que les Français dans leurs colonies ont été pires que les Nazis ? À ce jour, l’Algérie est un traumatisme vivant même si elle a réussi à se débarrasser de l’armée et des colons français. Elle a payé au prix fort son ticket de sortie de la nébuleuse Françafrique. Et je ne parle même pas de Madagascar et du Cameroun qui méritent un traitement spécial (à venir…).

Reste maintenant l’Afrique “noire” qu’ils se sont jurés de ne pas perdre et de conserver par tous les moyens. Arrivent de Gaule et Foccart qui nous mettent le genou sur le cou. On en est toujours là soixante ans après les sordides transferts de compétences confiés à des hommes triés sur le volet (Senghor, Houphouët, Ahidjo, Léon Mba puis Bongo…)

La Françafrique ?

J’ai bien dit un “machin” unique en son genre dans le lexique des relations internationales.

La question bien sûr est jusqu’à quand ? Pour eux, il n’y a nulle date de péremption. Le pacte colonial en fait ne prévoit aucune date d’échéance. Pour les jeunes africains qui découvrent qu’en fait la France a toujours été l’ennemie de l’Afrique, il urge d’en tirer les leçons et les conséquences. Ils nous piétinent parce que nous ne sommes pas maîtres de nos destinées. Pourtant, beaucoup d’autres États africains sont maîtres de leur destinée. Dans une certaine mesure !

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Pas chez nous.

Chez nous, un pacte colonial illégal est imposé par la force. Bien que depuis la conférence de Durban (2001), le colonialisme a rejoint le fascisme et le nazisme comme des idéologies ayant enfanté des crimes contre l’humanité, crimes imprescriptibles exigeant réparations, la Françafrique elle n’en a cure et continue à faire étalage de sa banqueroute morale. La détruire serait une sacrée aide à la France afin qu’elle puisse enfin décoloniser ses esprits et ses pratiques.

Abreuvons-nous donc de l’histoire des révolutions et soulèvements haïtiens, vietnamiens et algériens pour baliser notre sortie de la tutelle mortifère française. Ils ne partiront jamais de leur plein gré. Nous devons donc écrire l’histoire.

Relisons Frantz Fanon encore et encore. Surtout dans les Damnés de la terre : Y a-t-il une autre voie ?

Comme a dit la poétesse Anna Akhmatova : “De même que l’avenir mûrit dans le passé, le passé pourrit dans l’avenir “.

Demain le feu !

Pierre Sané est ancien Sous-Directeur général de l’UNESCO.

psané@







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