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DÉpasser Les Unions Économiques Et MonÉtaires

DÉpasser Les Unions Économiques Et MonÉtaires

Alors que l’économiste Kako Nubukpo, nouveau Commissaire de l’Union Economique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) invite à Lomé du 26 au 28 mai 2021 un florilège de personnalités de la société civile africaine pour échanger sur le thème : Quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’Ouest ? il faut espérer que le développement économique de l’Afrique de l’Ouest sera effectivement au centre du débat. En effet, ce colloque est de bons augures pour relancer la réflexion sur l’intégration économique de la sous-région.

Dans cette perspective, il convient de souligner certaines limitations qui pourraient impacter les conclusions de cette heureuse initiative. Le fait que la plupart des participants à ce colloque soient d’origine francophone risque de limiter le contenu des débats à la problématique CFA/ECO ; un autre écueil serait de placer la question monétaire au centre en réservant au développement économique la portion congrue. Par ailleurs, l’ambiguïté entre le projet de monnaie unique de la CEDEAO et la transformation du franc CFA en ECO n’est pas dissipée dans l’annonce du colloque.

Enfin, le but affiché de proposer au terme du colloque une nouvelle feuille de route aux chefs d’Etats de la CEDEAO parait à la fois ambitieux et dérisoire tant qu’une analyse rigoureuse ne sera pas faite des raisons profondes pour lesquelles les anciennes feuilles de route n’ont pas été suivies. Il convient d’élargir le cadre de la réflexion. Les Unions économiques et monétaires, malgré leur contribution au progrès économique de la sous-région, ne sont plus des instruments stratégiques à la mesure des enjeux d’épanouissement des populations de cette sous-région. Nous en voulons pour preuve la persistance de frictions commerciales intracommunautaires alors que le traité de libre circulation des personnes et des biens, et le tarif extérieur commun auraient dû fluidifier et dynamiser les transactions commerciales entre les pays membres de la CEDEAO.

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L’intégration de l’Afrique de l’Ouest doit être politique ou ne sera pas. La restreindre par des considérations théoriques sur les conditions optimales d’une zone monétaire nous fait tourner en rond. La volonté stratégique doit s’affirmer davantage. La crise de la COVID a démontré comment les critères de convergence ont volé en éclats au sein de l’Union européenne et que la volonté politique d’une mutualisation de la gestion de la crise s’est renforcée, de même que celle d’une relocalisation industrielle.

Pourtant, la prolifération de la pauvreté en Afrique de l’Ouest, les menaces à la sécurité des populations par des trafics de toutes sortes ont certainement des effets nettement plus néfastes que la pandémie. Mais nous restons enfermés dans une approche dogmatique qui s’appuie sur des considérations purement monétaires alors qu’une réflexion stratégique ambitieuse doit nourrir la vision des décideurs et mobiliser les populations. Qui ne voit donc pas que s’impose à l’Afrique de l’Ouest, la nécessité de former de grands ensembles politiques pour donner une impulsion à son développement socio-économique en se basant d’abord sur son marché intérieur ? Comme les protocoles de libre circulation ne suffisent pas, il faut développer, de manière claire, la volonté de supprimer les frontières. Le Nigéria donne l’exemple avec son grand marché intérieur qui lui permet de construire une économie nationale. L’effet d’entrainement qu’on pourrait attendre de l’appartenance de la première économie africaine à la sous-région, ne se produit hélas pas car le reste de l’espace CEDEAO reste très fragmenté.

La constitution d’une Fédération des Etats de l’Afrique de l’Ouest (FDEAO) doit s’imposer comme cadre d’intégration sous régionale. Cependant, comme nous l’avons préconisé, pour être effective et durable, cette fédération doit naître en trois étapes. (1) L’UEMOA doit d’abord se libérer de l’emprise de la France, puis accueillir les autres pays de la CEDEAO à l’exclusion du Nigéria qui est déjà une grande fédération, (2) se transformer en la Fédération Sahélo-Guinéenne – FSG, (3) avant de fusionner avec la Fédération nigériane.

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La création d’une monnaie unique doit s’accorder avec cette vision politique en rupture avec le fait colonial et ses avatars. L’ECO doit être, dans un premier temps, la monnaie de la future fédération Sahélo –Guinéenne, puis devenir la monnaie unique de toute l’Afrique de l’Ouest une fois que les deux fédérations auront fusionné pour former la FDEAO. Il convient de préciser que la première étape de ce processus est indispensable. Si, malgré les réformes récentes, l’arrimage de l’UEMOA à la France devait se maintenir dans les faits, le processus que nous préconisons apparaitrait inévitablement comme une manœuvre d’expansion et de renforcement de l’influence française en Afrique de l’Ouest, ce qui serait contraire aux aspirations de la jeunesse africaine à la dignité.

L’expérience de l’Union Européenne montre les limites d’une construction monétaire affranchie de la constitution d’une fédération politique capable de se servir de la monnaie comme un instrument de développement économique. D’autres Unions économiques telles que, par exemple, l’Union des nations sud-américaines UNASUR nous donnent la même leçon. L’Afrique de l’Ouest doit choisir sa propre voie pour viabiliser son espace économique et géopolitique. Elle doit cesser la politique des petits bras et le mimétisme stérile.

Edgard Gnansounou est Professeur de systèmes énergétiques à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et fondateur de l’association ICAD (Imaginer et construire l’Afrique de demain).

edgard.gnansounou@gmail.com







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