Comment en est-on arrivé à cet état d’impuissance où les coups d’états se suivent, où les bandes armées contrôlent plus de la moitié du territoire, tuent des militaires et des civils sans que personne ne puisse y mettre un terme ? Que se passe t-il dans cette zone pour que la France et la Russie se disputent le Sahel ?
Les africains ont besoin de comprendre toute la vérité sur ces événements douloureux qui continuent de secouer le sahel.
Rappel de faits majeurs :
2013 à Kidal: Les corps déchiquetés d’Ousmane Fall et Cheikh Tidiane Sarr (paix à leur âme) hantent toujours mon esprit. Ces deux soldats sénégalais moururent au Mali, victimes d’un attentat à la voiture piégée, Un véhicule bourré d’explosifs avait foncé sur la Banque malienne de solidarité (BMS) gardée par nos vaillants soldats et d’autres Africains de la force de l’ONU au Mali, la Minusma. Le véhicule fou a percuté violemment la porte principale de la banque, tuant le kamikaze qui le conduisait. Plusieurs autres soldats et civils avaient été grièvement blessés.
Le Conseil de sécurité et le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, condamnaient et nous promettaient que tous les responsables de cet acte criminel seront jugés…
Et depuis, que nenni. Les dossiers d’Ousmane Fall et Cheikh Tidiane sont enterrés. Rien n’a été fait aux auteurs principaux ni à leurs complices, qui continuent encore de tuer au nez et à la barbe de tous. Comme si cela ne choque personne.
Janvier 2020 : De hauts gradés de l’armée malienne rentrèrent au pays après un séjour en Russie. Ils venaient d’y subir un programme de formation et de lavage de cerveau comme les russes savent si bien le faire. Ces chefs militaires dont Assimi Goita n’avaient pas attendu longtemps pour s’accaparer du pouvoir en renversant le président Ibrahim Boubacar Keita. Ils prenaient le contrôle de la plus grande base militaire du Mali à Kati, près de la capitale Bamako, avant de prendre possession de la résidence officielle de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita et de le contraindre à la démission.
Autre fait troublant : En fin de la même semaine, l’Ambassadeur de Russie Igor Gromyko fut reçu en audience par les militaires qui se sont emparés du pouvoir. Il fut ainsi le tout premier diplomate étranger en poste à Bamako à avoir été reçu par les putschistes. En dehors de l’audience accordée à l’ambassadeur russe à Bamako, Moscou a reçu des remerciements du Mali lors d’une grande mobilisation sur la place de l’indépendance.
Quelles coïncidences !!!
Le colonel Assimi Goita, ancien chef des forces spéciales maliennes et personnalité très respectée prenait alors les rênes du pouvoir. Les Colonels Malick Diaw l’organisateur matériel du coup d’Etat et Sadio Camara occupaient des postes de haut niveau dans la propre base militaire de Kati.
Encore Kati en Mai 2021 : Théâtre des opérations, ce camp devint le plus célèbre au monde. Kati, un haut lieu où se jouent en catimini les scènes politiques les plus délicates à l’échelle internationale, est devenue sorte de chapelle ardente où passent les hommes déchus avant d’être enterrés. L‘ex-président Ibrahim Boubacar Keïta et l’ancien Premier ministre Boubou Cissé y ont aussi séjourné au plus fort de la crise. Une mission des droits de l’homme de l’ONU au Mali avait été autorisée à leur rendre visite ainsi qu’aux autres otages des militaires.
L’ONU s’est encore fendue d’une ferme condamnation (copier / coller à peine voilée) envers la junte militaire au pouvoir qui, à travers ce geste, entend s’imposer et rester le nouveau Maître du jeu au Sahel, à l’image d’Idriss Déby lâché par son principale alliée : la France qui l’a ensuite enterré.
Puis, récemment, c’est Idriss Déby qui meurt dans des circonstances non encore élucidées.
Mais Assimi n’est pas assimilable à Idriss. Lui, il roule pour la Russie, contrairement à Déby qui en avait marre d’être une marionnette de la France. Fin négociateur, cadre militaire parfaitement imprégné des enjeux du Mali, le téméraire Colonel sait où il va, dans ce nouveau contexte auquel tous les ingrédients ont été ajoutés pour en faire un terreau fertile aux intérêts de deux supers puissances que sont la France et la Russie. Je ne me répèterai pas.
La grande agitation de la France se justifie bien, car elle n’a pas vu arriver la concurrence de la Russie, de la Chine, de la Turquie, et de ses alliés européens comme l’Allemagne. Elle a tout à fait raison de se montrer menaçant à l’endroit des militaires avec lesquels il va lui falloir composer, quand on sait qu’Assimi Goita part favori dans ce jeu à haut risque.
Car la France qui jouit d’une grande notoriété au sein de l’ONU, pourrait recourir à sa capacité de nuisance pour contrer les militaires. D’autant plus que son influence et sa position stratégique au Sahel ont prit un sacré coup dans l’opinion et sur même sur le terrain. Ce qui inquiété plus la France, c’est le fait que parmi les cinq pays membres du G5 Sahel, quatre ont déjà signé des accords de défense avec la Russie. Inévitablement, dans un avenir proche, des réformes seront apportées au G5 Sahel, dans ses effectifs, (un peu plus de 5000 hommes) dan son reploiement et dans son modus-operandi. Peut –être on va vers l’entrée d’autres pays du cercle des amis de la France comme le Sénégal et à l’adoption d’un système de renseignement criminel propre au Groupe 5 Sahel.
Aussi, depuis la disparition d’Idriss DEBY, la France peine toujours à trouver un homme de son envergure. Avec autant de signes de faiblesses manifestés par la France, la junte militaire n’a pas perdu du temps pour saisir cette opportunité pour imposer Assimi comme le nouvel homme fort du Sahel.
Après avoir évincé les civils du pouvoir, Assimi Goïta reste le seul maître à bord… Pour l’instant, car il n’a pas droit à l’erreur, lui qui compte occuper le terrain et de passer à la vitesse supérieure. Voilà le jeune Colonel pro-russe qui reprend tout le pouvoir. Il compte sur le soutien du Kremlin pour s’imposer à la face du monde en leaders incontournable, sans lequel, la situation au Sahel pourrait connaitre l’implosion. Il n’a rien à perdre.
Ouf !!! La libération du président de transition Bah Ndaw et du Premier ministre Moctar WONE, arrêtés lundi et qui avaient « démissionné » trois jours après, est un premier pas vers le dénouement de la crise. C’est aussi un soulagement et un succès pour les militaires, qui ont démontré de leur maturité politique qui satisfait la principale exigence du Conseil de sécurité de l’ONU et de la CEDEAO.
Bientôt Assimi et son staff auront la possibilité d’asseoir leur pouvoir pour laisser place au ballet diplomatique entre Moscou et Paris qui prendra le relais, sous de nouveaux auspices.
Mais la crise malienne, n’est que la partie visible d’un vaste réseau qui dépasse largement le chaud sable du sahel pour impliquer d’autres continents, d’autres nations et d’autres intérêts qui ne sont pas seulement militaires ; mais géopolitiques et économiques.
Admettons pour finir deux évidences :
-La France qui a beaucoup perdu de sa crédibilité d’antan, n’a plus les moyens de faire basculer à elle seule l’histoire de ce grand empire de Soundiata Keïta. Car le Mali a besoin de la Russie, il a besoin de diversifier ses partenaires pour se reconstruire.
-La crise malienne a encore de beaux jours devant elle. On n’entendra pas Abdou Karim l’activiste dans ses live sur le sujet, ni Niô Lank, ni la DIRPA, ni même les généraux ou les gouvernants. Mais nous sommes capables de comprendre, sans que personne ne nous le dise, que les ambitions de la Russie sont restées intactes sur le sol malien pour réduire ou occuper des espaces des occidentaux en Afrique francophone.
On le voit bien. La guerre des deux superpuissances aura bien lieu dans le Sahel.