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PrÉsentation Lancement Rasa NumÉro Un

Le Rapport Alternatif Sur l’Afrique (RASA) est une nouvelle initiative essentielle d’institutions africaines et internationales de renom (Enda Tiers Monde, Forum du Tiers Monde, CODESRIA, TRUSTAFRICA, Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Electorale (IDEA), l’AFARD (Réseau des femmes africaines pour la recherche et le développement), l’Institut des Futurs Africains (IFA), Fondation Rosa Luxembourg, LEGS AFRICA, l’Alliance pour la Refondation de la Gouvernance en Afrique (ARGA), West Africa Think tank (WATHI), Institut Africain de la Gouvernance (IAG), Institut de Prospective Agricole et Rurale (IPAR), etc.).

Chacune de ses institutions a été d’un apport incommensurable au plan intellectuel, stratégique, financier pour rendre cette initiative possible.

Devant le kaléidoscope de rapports sur l’Afrique classant les pays du continent selon des critères et indicateurs exogènes et néo libéraux (Doing Business, Banque Mondiale, FMI), le Rapport Alternatif Sur l’Afrique (RASA) vise le renversement idéologique et épistémologique des analyses sur le continent, l’approfondissement et la diversification des enjeux et domaines adressés, et des indicateurs de mesure des progrès et de la souveraineté des africains. Porté également par des personnalités et scientifiques africains de haut niveau, cette initiative élabore des Rapports qui reflètent réellement la sensibilité et le vécu des africains dans les différents milieux où ils se trouvent.

Son objectif est de contribuer, de manière décisive, à la consolidation des transformations à l’œuvre dans les sociétés et institutions africaines vers l’autonomie et la souveraineté. Il s’agit de rendre visible les dynamiques et mutations à l’œuvre sur le continent, notamment celles qui sont portées par les africains dans leur majorité et leur diversité. RASA veut par ce biais visibiliser et renforcer les véritables transformations sociétales qui sont irriguées par un esprit décomplexé, et des capacités d’innovation et de conquête de leur autonomie dont rendent compte trop peu les rapports sur l’Afrique et leurs instruments.

Ainsi, les débats et espaces de définition de stratégie ou de politiques seront alimentés et enrichis par des connaissances endogènes et qui font sens pour les africains. Ces dernières seront produites sur une base crédible et valorisant les innovations propres aux africains et renforçant leur autonomisation.

Le RASA est également une réponse aux insuffisances des capacités prospectives des institutions africaines et des acteurs qui sont les moteurs des dynamiques du continent. Il va informer les projections africaines sur le futur dans un contexte de retour à la planification à long terme aux échelles nationales et continentales.

Le RASA sera un instrument de mesure des progrès des plans à long terme et des insuffisances dans le sens de la souveraineté de ces projections vers le futur.

Le Rapport alternatif sur l’Afrique (RASA) Numéro Un interroge la situation et les évolutions souhaitables du continent africain sous le prisme de la souveraineté. Sa publication survient dans un contexte marqué par une lourde crise sanitaire et économique, la confirmation de notre dépendance intellectuelle et stratégique comme le dernier sommet de Paris sur les économies africaines vient de le démontrer.

Les impératifs de la gestion de la pandémie ont, une fois de plus, mis en évidence les difficultés des pays africains dans leurs capacités à transformer la situation et à garantir le bien-être du plus grand nombre de leur population. Le rapport estime, à juste titre, que la problématique de la souveraineté de l’Afrique réactualise la question cruciale du droit à l’autodétermination.

Cette quête de souveraineté s’inscrit dans un contexte de mondialisation où les pays sont enserrés dans des règles et des principes du droit international qu’ils ont du mal à maîtriser, alors que les firmes transnationales les transgressent avec la complicité des élites politiques. Ce qui rend les stratégies africaines en termes de souveraineté pas toujours lisibles, si tant est qu’elles soient définies. Dans cette perspective, la souveraineté est appréhendée dans ses dimensions populaire et nationale.

Toujours fidèles à leur ambition initiale, les initiateurs de ce rapport cherchent à positionner et à approfondir une approche radicalement nouvelle qui met les dynamiques socioéconomiques réelles, les innovations populaires, les ressources immatérielles, la centralité de la culture, le lien bioéconomique avec la nature, les pouvoirs de proximité au centre de la perspective.

Le Rapport est articulé autour de sept grands axes, visitant chacun des dimensions de la souveraineté des sociétés africaines face à la mondialisation.

Dans le premier axe, les auteurs montrent que la souveraineté est aux prises avec l’impérialisme et l’hégémonie extérieurs d’une part, et en conflit avec ses dimensions nationale et populaire par le bas.

Les pays d’Afrique sont davantage concernés par les limites désta- bilisatrices du libre-échangisme que par ses bienfaits. Les préceptes de la doxa néolibérale, outre le fait de réduire les maigres revenus des pouvoirs publics, renforcent les places subalternes des pays en développement.

À la différence de la littérature « classique » sur la souveraineté qui met l’accent sur la souveraineté nationale, ce rapport mobilise le concept de souveraineté populaire, afin d’avoir une compréhension plus poussée des mécaniques réelles à la base des transformations sociales. La raison de la prise en compte de la souveraineté populaire dans la définition renvoie à la part inviolable de la souveraineté que détient chaque citoyen et au potentiel des groupesqu’elleluipermetdemettre en œuvre.

Ce qui la différencie de la souveraineté nationale qui est abstraite et fictive.

Sous ce rapport, la crise du Covid-19 a été un analyseur de par ses impacts et une opportunité de rupture à saisir pour mettre en exergue les enjeux de cette quête de souveraineté. Après avoir mis en évidence ses conséquences économiques, sanitaires et sociales, les auteurs montrent que l’option dictée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est celle d’un retour à la croissance fondée sur une stratégie d’émergence au travers de la promotion des Investissements directs étrangers (IDE), du développement des Zones économiques spéciales (ZES), de la baisse des droits de douanes, etc.

Ce retour à la « normalité » est synonyme d’un maintien dans un système économique mondialisé qui s’est révélé incompatible avec une souveraineté économique et politique des pays africains. C’est en ce sens qu’il a été conclu dans ce rapport que pour l’Afrique à venir, une voie lucide est celle de la déconnexion telle que préconisée par Samir Amin. En fait, l’exercice de la souveraineté ne peut se faire sans une stratégie de déconnexion vis-à-vis du système capitaliste mondialisé.

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Le deuxième axe porte sur la souveraineté économique.

Dans un premier temps, il est rappelé que les orientations de politique économique de l’Afrique continuent d’être prescrites par les institutions internationales comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’OCDE, le Forum économique mondial, entre autres. Dans un second temps, les auteurs démontrent que la forte dépendance aux IDE a facilité l’offensive des firmes transnationales que les États africains cherchent à attirer, traduisant un effet d’aubaine. Cette voie n’est pas un gage d’une souveraineté économique puisque les multinationales disposent d’un grand pouvoir qu’elles mettent en œuvre pour dicter les politiques économiques qui renforcent leur pouvoir économique et financier au détriment du bien-être du plus grand nombre des Africains. Ce rapport soutient également que l’Afrique est beaucoup plus dépendante du monde extérieur pour ses idées sur la signification opérationnelle du développement socioéconomique et sur la manière dont il devrait être réalisé.

Dans ce sens, il postule que « le développement dans sa dimension économique ne saurait s’amorcer sans insister sur l’importance de l’articulation à trouver avec le « capital relationnel », qui est une des focales par lesquelles nous devons penser la soi-disante « informalité » dans les dynamiques productives africaines et l’urgente nécessité d’augmenter la production et la diffusion des savoirs intrinsèques à l’Afrique ». En avançant une telle thèse, le RASA plaide pour la construction de nouveaux paradigmes, la valorisation des savoirs endogènes, l’élaboration d’un nouvel appareillage méthodologique et la rupture avec la linéarité qui enferme le continent dans le carcan conceptuel et méthodologique du néolibéralisme économique.

Cependant, face à l’offensive capitaliste néolibérale, les États africains tentent d’organiser des résistances au travers d’initiatives panafricaines. Le lancement de la ZLECA le 1er janvier 2021 est apprécié avec réserves

dans ce rapport. Les auteurs estiment que la ZLECA doit être un instrument de décolonisation économique et peut permettre d’amortir les effets des accords de partenariat économique signés avec l’Union Européenne, à condition que les accords précédemment conclus soient rendus caducs. Une initiative comme la Vision Minière Africaine demeure marquée par une démarche néocoloniale et a soulevé plus de pessimisme du fait de sa vision étriquée et peu ambitieuse comme levier de changements structurels.

Au niveau des pays, ce rapport recommande quelques voies pour retrouver une souveraineté alimentaire, un tissu industriel fort et autonome et une gestion des ressources minières moins extraverties. Ainsi, pour la souveraineté alimentaire, il est recommandé de favoriser un développement agricole qui reposera sur quatre piliers : une réforme radicale du foncier agricole ; une garantie de prix agricoles durablement rémunérateurs ; la promotion des systèmes de production agro écologiques ; la compensation des hausses de prix agricoles pour les consommateurs et le changement de leurs habitudes alimentaires. Dans le domaine de l’industrie, le rapport propose d’explorer une stratégie qui consiste à renoncer à l’insertion dans les chaînes de valeurs mondiales.

Dans cette perspective, plus spécifiquement les pays africains devraient se focaliser sur le développement de l’industrie textile qui a été la base de l’industrialisation de la plupart des pays du Sud pour approvisionner le marché intérieur. Toutefois, il faudra, par un protectionnisme éducateur, accompagner cette industrie naissante. Enfin, pour inverser l’extraversion néocoloniale, la gestion des ressources extractives et foncières doit suivre une approche systémique de transformation qui exige d’activer trois leviers politiques : développer les pôles stratégiques d’entreprises ; favoriser les réseaux régionaux de production et ; renforcer l’aptitude des entreprises à prospérer sur de nouveaux marchés.

Enfin pour évaluer la souveraineté économique, les auteurs ont passé en revue la coopération Chine-Afrique en se demandant si l’Afrique était condamnée à rester dans un rôle de réservoir de matières premières et de débouchés pour l’hégémonie industrielle chinoise. Ils estiment que l’Afrique doit trouver les moyens de tirer

un meilleur profit de ses ressources naturelles en réinventant les stratégies de valorisation locale. Le premier pas à franchir pour l’Afrique est ainsi de gagner son autonomie financière et de compter sur ses propres infrastructures en promouvant son secteur privé.

La souveraineté monétaire qui est l’objet du troisième axe de ce rapport a été appréhendée dans la perspective de l’après franc CFA, mais aussi sous l’angle des mobilisations des ressources réelles, base d’un développement souverain.

Cette analyse s’articule autour d’un diagnostic de l’existant dans l’UMOA en matière de souveraineté monétaire et d’une prospective de la création d’une monnaie unique de la CEDEAO : l’Eco.

La zone UMOA est d’abord analysée comme étant une zone monétaire non optimale. Par la suite, une vision beaucoup plus critique a mis l’accent sur la question de la souveraineté monétaire au prisme de la théorie monétaire moderne. Celle- ci définit la souveraineté monétaire à partir des quatre conditions suivantes à satisfaire : disposer d’une monnaie nationale ou fédérale émise par sa propre banque centrale, lever les impôts et taxes dans sa propre monnaie, absence de dettes libellées en monnaie étrangère et flexibilité du taux de change. Sur la base de cette théorie les pays de l’UMOA n’ont pas une souveraineté monétaire. D’ailleurs, cette zone est d’après ce rapport un handicap pour la mobilisation des ressources réelles de ses pays membres. En plus du fait que le fonctionnement de la zone franc soit tributaire du maintien/renforcement de la dépendance vis-à-vis de la France et de l’Union Européenne, la focalisation sur les déficits publics dans la zone UMOA implique une contribution marginale des gouvernements à l’accumulation de richesses financières du secteur privé. Idéalement, le déficit public devrait être financé en monnaie nationale et dirigé vers le secteur privé national dans l’optique de booster les capacités productives domestiques. Mais cette option est un angle mort pour une zone monétaire défendant une parité fixe pour une monnaie sous la tutelle d’un pays étranger.

Pour ce qui est de l’analyse des options éventuelles de la mise en place de l’ECO, monnaie unique de l’espace CEDEAO, deux démarches ont été analysées dans ce rapport. Une première s’inscrit dans un certain pragmatisme et analyse les différents scénarii d’un passage à l’ECO. Partant, le premier scénario envisage l’ECO comme un simple avatar du franc CFA. Dans ce cas, le périmètre de la zone monétaire s’élargit sans impacter la souveraineté qui reste confisquée par le « garant » qui est la Banque centrale européenne.

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Le deuxième scénario suppose un « ECO-réel » fondé sur la convergence réelle, celle du PIB/ tête et non plus, comme dans le cas de l’ECO- CFA, sur le respect des critères nominaux de convergence. Dans ce cas de figure, les économies de la CEDEAO auraient l’obligation de converger vers le trio de tête constitué du Cap-Vert, du Nigeria et du Ghana. Le troisième scénario repose sur l’hypothèse d’un retour à la philosophie de la ZMAO telle qu’envisagée en 2000 à Accra (Ghana). Six pays ouest-africains anglophones (Gambie, Ghana, Guinée, Liberia, Nigeria, Sierra Leone) ont annoncé leur intention de créer une seconde zone monétaire en Afrique de l’Ouest avec comme monnaie l’ECO, à côté de l’UMOA. Cette configuration se solderait par la création d’un « ECO-Naira », sous la houlette du Nigeria piqué au vif par l’initiative francophone d’un « ECO-CFA » pouvant passer en force. Enfin le dernier scénario stipule la création de l’ECO comme monnaie commune, à partir des monnaies nationales.

Quant à la question de la convergence des économies, le RASA conclut qu’elle n’est « ni un préalable, ni une conséquence » à la création d’une monnaie unique. Néanmoins, la réussite de ce saut sans filet de sécurité dans l’inconnu, suppose l’effectivité d’un certain nombre de facteurs dont : l’intensification des échanges commerciaux au sein de la CEDEAO, un accroissement des mécanismes de partage des risques et une conviction profonde et partagée d’une communauté de destin.

Une seconde démarche plus critique estime que la monnaie unique de la CEDEAO, telle qu’elle a été conçue jusqu’ici, ne serait qu’une alternative symbolique au franc CFA.

Elle ne permettrait pas une meilleure mobilisation des ressources domestiques puisqu’étant basée sur la même logique monétariste que le franc CFA – avec la priorité accordée à la lutte contre l’inflation sur fonds de scission entre la politique monétaire et la politique budgétaire. De plus, sans le préalable du gouvernement fédéral (ou au moins de formes avancées de solidarité budgétaire), une éventuelle monnaie unique CEDEAO poserait des problèmes similaires à ceux du franc CFA.

La souveraineté culturelle a été l’objet du quatrième axe de ce rapport.

Une approche transversale panafricaniste est retenue pour mettre en évidence la relation culture-économie, qui a été développée en trois étapes. Une première étape a consisté à constater les échecs des modèles développementistes néolibéraux, à la fois exogènes, aculturels et occidentalo-centrés, en mettant en perspective les défaillances du « tout-marché » et les coûts d’une certaine aliénation culturelle. De ce point de vue, il s’avére que le coût des modèles économiques aculturels et d’un certain mimétisme colonial de la connaissance a été la dépréciation de la très ancienne attractivité des produits culturels africains dans le monde. Dans une deuxième étape la culture est envisagée comme une ressource idiosyncrasique stratégique pour l’économie africaine.

Dans ce cas de figure, sur la base des savoirs endogènes, en amont des artéfacts, des mentifacts et des sociofacts, doivent être exploités de façon judicieuse et à des fins d’applications potentiellement vertueuses pour l’artisanat, l’agriculture, la santé, la pharmacopée, l’architecture et les usages de la biologie.

Les secteurs comme la mode, le design, les cosmétiques, ou la construction sont concernés. Enfin, une dernière étape propose de culturaliser le panafricanisme en acte ce qui apporterait un indispensable écot à l’enracinement des souverainetés.

Au demeurant, la version économique du panafricanisme, qui décline la quête de solidarité, d’unité, d’émancipation, en promotion de l’intégration économique, monétaire africaine et diasporique, devrait accentuer sa stratégie dans les industries et artisanats culturels.

En culturalisant davantage le paradigme du panafricanisme économique par un redimensionnement significatif des chapitres dévolus aux langues, à l’économie de la culture qui pourrait se targuer des meilleures performances africaines à l’international (artisanat, œuvres d’art, musique, gastronomie, jeux de société, textiles africains, …), les chances de réussite d’un projet panafricain authentique et crédible s’en trouveraient substantiellement démultipliées.

Dans un contexte de développement des réseaux informatiques, de l’avènement de l’Internet et de la naissance du cyberspace, le RASA a jugé nécessaire d’examiner la notion de souveraineté au prisme de la révolution numérique.

La souveraineté numérique, objet du cinquième axe de ce rapport, est perçue comme la faculté dont doivent jouir les acteurs et utilisateurs de l’Internet, d’exercer leurs activités en toute liberté, loin du diktat de l’État ou des grandes sociétés transnationales. L’Afrique est certes en situation de dépendance dans le domaine du numérique et des technologies, mais le RASA pense qu’elle peut relever le défi et pour cela il faudra investir dans différentes dimensions de la souveraineté numérique. Premièrement, la gestion autonome des noms de domaine de premier niveau nationaux, plus connus sous l’appellation anglaise de Country Code Top Level Domains ou ccTLD par les structures nationales et régionales doit promouvoir l’adressage de serveurs web ou de messagerie au profit de leurs noms et non de ceux des noms de premier générique (gTLD) en « .com », « .net » ou « .org ». Deuxièmement, le RASA préconise de rompre avec l’utilisation de logiciels propriétaires en mettant en place de politiques publiques rendant obligatoire l’utilisation des logiciels libres dans le secteur public et parapublic, notamment dans le secteur éducatif.

Troisièmement, en ce qui concerne l’utilisation du cloud computing, loin de promouvoir la limite de son utilisation, les auteurs de ce rapport proposent aux États africains de se donner les moyens de créer leur propre cloud en investissant dans la création des centres de données capables d’héberger les applications, les données et les services dont ils ont besoin pour leur sécurité et leur environnement. Quatrièmement, la souveraineté numérique doit aussi prendre en charge la question préoccupante de la sécurité informatique. Celle-ci ayant toujours été traitée en parent pauvre au moment où les pays africains sont invités à ratifier la Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel afin de la rendre applicable en tant que cadre juridique visant à mettre en place « un espace numérique de confiance pour les transactions électroniques, la protection des données à caractère personnel et la lutte contre la cybercriminalité ». Aussi en plus des onze pays africains qui disposent déjà d’équipes d’intervention en cas d’urgence informatique, les autres pays du continent devraient s’y mettre.

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Le sixième axe a porté sur la souveraineté politique et pour le RASA, il appert que l’État fédéral est la condition sine qua none pour une souveraineté interne et externe récupérée.

Ainsi la souveraineté interne passera néce- ssairement par la mise en place d’un État fédéral politiquement centralisé et dirigé sur une base collégiale. Pour assurer l’intégrité territoriale du grand ensemble créé, ce nouvel État disposera de forces armées continentales. Sur le plan économique, l’Afrique étant le « centre énergétique et de matières premières du monde » selon Cheikh Anta Diop, l’État fédéral, conçu sur le modèle de l’ex-Union soviétique et des États-Unis, va pouvoir gérer judicieusement ces ressources au profit des Africains.

Ce macro-État, unifié, battra sa propre monnaie, avec un institut d’émission unique. La primauté sera donnée à l’industrialisation et à la mécanisation de l’agriculture. Enfin cet État fédéral permettra de recouvrer la souveraineté interne à condition qu’il soit viable. Pour cela il est important, d’après le RASA, que les liens qui unissent les différents États soient contraignants.

En outre, dans la même veine que Cheikh Anta Diop, il est important de souligner que l’unification politique des pays africains devra précéder sa régionalisation économique.

En ce qui concerne la souveraineté extérieure, le RASA pense qu’il est nécessaire à l’État fédéral de se doter de l’arme nucléaire. Celle-ci l’autoriserait à s’occuper du dévelop- pement économique sans crainte de déstabilisation.

Aussi, l’État fédéral devrait se constituer en bouclier contre les velléités d’invasion d’États qui considèrent l’Afrique comme leur terrain d’expansion idéologique, pour mettre fin à toute forme de paternalisme. Sur le plan économique, un État fédéral fort devra orienter les investissements selon les nécessités de réalisation de son plan d’industrialisation et donc de son développement.

La souveraineté politique a été aussi examinée en passant en revue le bilan de l’intégration continentale et de l’état actuel de la gauche et du mouvement panafricaniste. Les obstacles se nomment, entre autres, la réticence des États africains à céder une portion de leur souveraineté aux principaux organes de l’Union Africaine, la persistance des conflits dans certaines régions du continent, l’étroitesse des marchés, la médiocrité des réseaux d’infrastructures, etc.

Deuxièmement, après avoir passé en revue les expériences fort prometteuses vers une transition postcoloniale en Afrique, notamment en revisitant l’histoire de Thomas Sankara, le constat est que la vision panafricaniste doit être approfondie par une réflexion sur la nature du cadre organisationnel le plus apte à mener à bien un projet de transformation radicale des sociétés africaines.

Dans ce sens, le RASA appelle à la construction d’un large front progressiste, adossé à un projet de société alternatif de transformation radicale de l’ordre capitaliste et néocolonial.

Ceci nécessite, de se départir de nos convictions dogmatiques qui souvent empêchent la recherche de consensus autour de l’essentiel, tout en contribuant à déstabiliser des initiatives louables ou en exacerbant de façon disproportionnée des contradictions secondaires voire mineures.

Enfin, le RASA préconise la rupture avec le mimétisme consistant à vouloir plaquer systématiquement des expériences issues d’environnements déterminés ayant des réalités historiques différentes, même si certaines pratiques peuvent avoir une dimension universelle.

Le RASA a également esquissé les fondements et les contours d’une vraie puissance pour des États africains décomplexés et souverains.

À cet effet, il s’est avéré important de déconstruire la vision de la puissance à l’heure où les crises de toute nature ne cessent de révéler l « impuissance des puissants ». La puissance de demain sur laquelle devraient miser les pays africains serait celle qui articule le court, moyen et long termes dans la pensée et dans l’action, ainsi que dans leurs effets et impacts combinés. En plus, la puissance doit incarner une « manière d’être » et une « manière d’agir » fondées sur des valeurs, des principes et une méthode qui en garantissent la légitimité, l’efficacité et la durabilité. Dans ce sens, le concept de smart power ou la puissance intelligente devrait être davantage travaillé. En fait, la puissance intelligente que le RASA appelle de ses vœux pour les pays africains n’est pas celle qui délie, mais qui relie :

  • le développement matériel et le développement immatériel ;
  • les acteurs, les problématiques et les échelles ;
  • la réinvention de la puissance à la refondation de la gouvernance mondiale ;
  • la complexité du monde et l’intelligence décisionnelle.

Pour conclure, ce rapport a souligné les enjeux et perspectives d’une transition post-capitaliste africaine. Ces derniers résultent d’une analyse qui a permis de subodorer que l’utilisation des progrès technologiques déterminera, dans une large mesure, la nature de la vie sociale dans l’ère post-capitaliste. Il convient dès lors, pour les africains, de renouer avec les traditions radicales de luttes, à l’échelle nationale et globale, pour l’émergence d’une société nouvelle. Renouer avec les solidarités au long cours pour faire avancer la lutte des classes populaires. Ainsi, pour l’Afrique, il urge d’approfondir et d’élargir les expériences panafricaines devant mener vers la création de l’État fédéral, qui, seul, sera capable de contrecarrer les stratégies de domination actuelle prenant appui sur la fragmentation de nos peuples dans des États néocoloniaux faibles, incapables, pris individuellement, à garantir les conditions de leur propre survie, ou d’avoir une marge de manœuvre suffisante pour bien négocier, de façon souveraine, les termes de leur insertion dans le système mondial.

Dr Cheikh Guèye,

Secrétaire permanent du Rapport Alternatif sur l’Afrique RASA







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