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La Crise De L’autorite : Ou Allons-nous ?

La Crise De L’autorite : Ou Allons-nous ?

Depuis quelques jours on assiste à un phénomène virale qui se propage à l’image de la Covid-19 et ce, comme dans un champ morphogénétique de Sheldrake, de jeunes collégiens saccageant leurs établissements, déchirant leur propres cahiers et même s’attaquant physiquement à leurs enseignants, dans un concert de cris d’autoglorification et d’encouragements mutuels.

Ce qui jadis était considéré comme un épiphénomène, survenant de manière épisodique, à la limite même rarissime, est aujourd’hui en passe de s’incruster dans les mœurs de nos jeunes élèves et étudiants. C’est vrai que nous avons vécu le cas de «Ndongoli Mbathe» (comme disait le Doyen Ibrahima Fall, alors ministre de l’Enseignement supérieur), qui avait battu son Professeur dans un amphithéâtre à l’Université. Mais la rareté du phénomène en faisait le buzz de l’époque. Actuellement, le constat est hilarant, impitoyable, désastreux, ignominieux, tout simplement inqualifiable : l’autorité s’effondre partout, depuis la plus haute sphère de l’Etat où on assiste au bafouement des instructions reçues de l’Autorité suprême par de hauts cadres, jusqu’à ces phénomènes hélas constatés dans les écoles, en passant par cette furie dévastatrice des manifestations politiques récurrentes qui, comme un éléphant déchaîné dans un champ de patates, saccagent tout sur son passage, notre société est assurément en train de vivre une crise profonde qui n’épargne aucun de ses segments. Les violences verbales, morales et physiques sont prônées et exercées par des gens de tous statuts sur d’honnêtes citoyens et prennent le dessus sur la force des arguments et de la persuasion. L’Assemblée nationale, les plateaux télé, les universités, les écoles, les rues, l’enceinte des maisons, … et j’en passe, sont transformés en réceptacles de pugilats ignobles et indignes de leurs auteurs, faisant perdre à ceux en qui il reste un tant soit peu de valeurs leur capacité d’indignation.

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La cassure

Un verrou essentiel à notre équilibre social et à nos valeurs intrinsèques a indubitablement sauté. Dans nos sociétés d’antan, le respect de l’autorité et une soumission à celle-ci n’étaient point une posture éhontée, un acte dévalorisant ou une marque de faiblesse, mais plutôt une marque de grandeur, d’humilité et de loyauté. L’autorité n’est manifestement plus ce qu’elle était et ceux qui sont censés l’incarner sont aujourd’hui discrédités : les pères de famille, les enseignants, les politiques, les administratifs, les judiciaires, les Forces de l’ordre, les chefs religieux et coutumiers, tous se voient défiés et leur pouvoir d’influence remis en cause. La verticalité de nos normes sociales a subi une rotation de 90 degrés pour épouser une nouvelle organisation horizontale véhiculant de catastrophiques aspirations individualistes et égalitaires. Nous sommes en plein dans le régne de la tyrannie théorisée par Platon, puisque «les pères s’habituent à laisser faire les enfants, les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, les maîtres tremblent devant les élèves et préfèrent les flatter, les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne voient plus audessus d’eux l’autorité de rien ni de personne». J’ajouterais que les mythes et les symboles ne sont plus sacralisés et certains adultes, de par leur comportement quotidien, inculquent aux plus petits des contre-valeurs, ce qu’il ne faut pas du tout faire pour aucune raison. Le «déclinisme» de nos valeurs a désormais atteint des proportions inadmissibles, mettant ainsi en péril notre bien vouloir «vivre ensemble» et sapant ainsi les fondements de notre société.

Nous sommes tous coupables

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Cette situation est l’aboutissement d’un long processus transformationnel, non contrôlé de notre système social drivé par un modernisme aveugle, une transposition brute, irréfléchie de concepts et idéologies venus d’ailleurs et non appréhendés sous le prisme de nos réalités et de nos valeurs sociales et religieuses (démocratie, liberté d’expression, genre, égalité, etc.). Notre erreur à nous tous est d’assimiler l’autorité à l’exercice d’un pouvoir du fait qu’elle requiert une forme d’obéissance car, comme le dit Hannah Arendt, «l’autorité exclut l’usage de moyens extérieurs de coercition ; là où la force est employée, l’autorité proprement dite a échoué. L’autorité est incompatible avec l’exercice de la force coercitive ou avec la persuasion qui présuppose l’égalité et opère par un processus d’argumentation. Là où on a recours à des arguments, l’autorité est laissée de côté». Quand on sent le besoin d’exercer son autorité c’est que manifestement on l’a perdue. L’autorité ne donne pas des ordres, elle suggère, conseille, oriente et guide en se mettant la première sur le chemin indiqué. Elle doit être spontanément reconnue, acceptée, consentie et même aimée par celui sur qui elle s’exerce, à l’image du Mouride face à son wassila. Cela requiert de celui qui en est dépositaire une légitimité, une reconnaissance, une densité morale, une crédibilité, une confiance non crédule.

Que faire ?

Il est plus que temps de dire «Stop» et de retourner à nos valeurs intrinsèques pour les réhabiliter et en faire notre bréviaire, notre boussole, le socle de notre société en proie à ce modernisme empreint de dépravation avilissante. «Celui qui fait ce qu’il veut n’en retirera que désagrément», dixit Cheikh Ahmadou Bamba dans Nahjul. Dans cet excellent panégyrique qu’il a intitulé «La voie de la satisfaction des besoins, dans la moisson du champ cultivé par notre maître de la famille des dal ha», le Cheikh nous enseigne les règles de la bonne conduite, de la discipline, de la politesse légale, en somme celles de la bonne éducation. Selon lui : «La voie de la bonne conduite, c’est que tu fasses preuve d’indulgence envers le jeune et que tu le traites comme son père l’aurait fait, avec tendresse, et sa mère, avec affection, et qu’ensuite tu respectes la grande personne, fut-elle un esclave d’Abyssinie et que tu traites ton prochain comme tu voudrais qu’on te traite, et ce, pour la simple face de Dieu, le Magnanime. Sache que la politesse légale est la parure du savant et de l’étudiant et les atours de l’intelligent et de celui qui cherche la sagesse ; elle est en vérité la couronne de la noblesse de caractère, celui qui s’en vide,… s’est certes dépouillé (de ses parures) et a ruiné sa vie et finira par être détesté des créatures et du Créateur. Quiconque le rencontre, il lui inspire le dégoût et la haine, et celui qui s’assoie en sa compagnie, il l’ennuie et l’importune.» Je le recommande à quiconque, jeune, adulte ou vieux qui désirerait définitivement se libérer des entraves l’empêchant de dominer son moi pour acquérir les vertus indispensables à une vie sociale apaisée.

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Mor Ndiaye MBAYE

ST/CNSCL

Chevalier de l’Ordre National du Lion







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