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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Un Professionnel Sans Concession

Depuis un an, des images fugitives et mouvantes, se forment et s’évanouissent inconsciemment comme des souvenirs et les rêves d’un dormeur. Depuis un an, à lire régulièrement les articles qu’il a signés, les mails reçus de lui, avec le recul, il ne fait pas de doute qu’il fallut une extraordinaire force de conviction pour sous-tendre tout cela.

Des décennies de pratique du journalisme ne l’ont pas fait dormir sur ses lauriers, ni fait choisir la facilité. De son premier éditorial publié en mars 1986 (« Pour l’Afrique ») à sa dernière signature, les 13 et 14 juillet 2020, (De la culture au culte de la violence- publié en deux jets), chacun de ses papiers constitue le défi d’une extraordinaire intemporalité, un dépassement de ses accomplissements précédents, même quand il était sur le retour d’activités qui n’avaient aucune relation avec le journalisme, qu’il n’a jamais délaissé et pour lequel il vouait un amour lyrique.

Je le vois encore, ouvrir et consulter on ne peut plus sérieusement son dictionnaire, presqu’en charpie, pour le sens d’un mot, son étymologie, et prendre ce réel plaisir que décrit si bien Bernard Pivot : « ouvrir un dictionnaire, c’est se jeter dans le foisonnement de la vie, dans l’exubérance du monde. C’est aussi se donner la fierté de la découverte ou l’orgueil de l’attestation. C’est encore chaque fois, s’approprier des petits morceaux de l’héritage universel ».

La titraille, sa signature sont à la fois exaltantes, tutélaires et redoutables, parce qu‘écrites dans une langue maîtrisée, dans un phrasé inimitable qui éblouit encore. Que les papiers soient « sérieux » ou légers, ils sont nourris d’informations qu’il vérifiait et revérifiait encore et encore, pour éviter qu’une rumeur ne soit au même rang qu’une information vraie, demeurant ainsi, dans le cadre de son métier, (avec quelques autres encore) quelqu’un d’une espèce en voie de disparition. Il donne à lire des articles empreints de liberté, d’indépendance, assaisonnés d’une agitation d’idées et même quelques fois d’une « impertinence ». Il était tout cela à la fois.

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Autant ses papiers que lui-même sont moulés dans cet esprit hétérodoxe. Sa passion, son engagement l’ont fait identifier à Sud et souvent il a été confondu avec lui. Tout au long de cette année d’absence, le passé bruisse de son grand souffle historique, qui porte sa capacité d’adaptation débordante et enivrante. Même s’il lui est arrivé, quelque fois, préférer se prémunir contre un tel vertige en recourant à ses vieux repères, pour « éviter, disait-il, de se perdre dans le dédale du temps ».

 Une année est passée sans lui, la vie a continué de s’égrener en rituels et retours de saisons, et l’espace de mes ambulations bavardes à ses oreilles s’est rétréci. Si la nature est Protée, si tout, y compris la mort, cette constante advenue reconfigure à chaque instant un ordre différent, une constante demeure : l’héritage qu’il laisse au Journalisme.







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