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L’urgence De RÉtablir Le Chemin De Fer Dakar-bamako Pour Sauver Des Vies Au SÉnÉgal

Depuis un peu plus de deux ans, le Sénégal fait face à un double fardeau, d’une part la pandémie liée à la Covid-19, d’autre part les accidents de la route. Quotidiennement le cœur de l’actualité, tout comme les commentaires à travers les réseaux sociaux, reviennent sur le communiqué du ministère de la Santé informant sur la pandémie alors que les articles de presse alertent sur les accidents de la route avec leurs corollaires : la mortalité, la morbidité, les incapacités à vie, etc.

Les routes nationales : RN1, RN4 et RN5, axes à potentiel économique fort, avec leurs lots importants de gros porteurs qui desservent respectivement les villes de Bamako, Conakry et Bissau, sont parmi les plus accidentogènes. Lesdits camions, en plus de participer à la dégradation prématurée de la route, à cause des longs convois, sont aussi impliqués dans la plupart des accidents. Par ailleurs, le coût social de l’insécurité routière, estimée à 2% du PIB au Sénégal, est d’environ 165 milliards de francs CFA.

Pourtant ces chiffres ne sont que la face visible de l’iceberg. En effet, une moyenne de mille deux cents (1 200) camions passent quotidiennement par la ville de Kaolack, je dis bien que cette ville est traversée en moyenne par 1 200 camions, à travers la RN 1 et la RN 4. La destination finale de la plupart de ces gros porteurs et autres véhicules similaires qui empruntent également les autres corridors comme la RN5, via Sokone, est le port autonome de Dakar.

Il semble important de rappeler la situation géographique de la capitale du Sénégal et de son port, c’est une presqu’île avec une seule entrée et la même sortie, ce qui impacte négativement sur toute la circulation routière. Comme on le sait aussi, le port de Dakar joue un rôle important dans l’économie du pays d’où la nécessité de ménager les gros porteurs. Mais ces derniers portent un préjudice énorme à la population même s’ils semblent peser sur la balance économique.

Selon une publication de la Banque Mondiale, la ville de Dakar perd environ deux cents (200) milliards/ an, à cause des embouteillages (la circulation). Les données précitées montrent que l’apport économique des camions est une fausse perception. En effet, lorsqu’on pose sur la balance le coût socioéconomique des accidents (mortalité, incapacité, morbidité) et celui des embouteillages, il urge de trouver des solutions à ce problème récurrent des camions dit « camions maliens ».

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Il convient de préciser que les camions qui empruntent les RN nord du pays n’ont pas été prise en compte dans ce texte.

La problématique est complexe et nécessite une approche multisectorielle et pluridisciplinaire

Avec plus de 60 morts ces deux derniers mois, l’État régalien de la sécurité des citoyens, est interpellé en premier lieu pour la mobilisation d’un budget spécial autour d’une question qui constitue une urgence socio-sanitaire nationale.

Certes la réhabilitation, la modernisation et le rétablissement de la voie ferrée Dakar-Bamako annoncée, est la mesure idéale. Elle engendrera le développement économique des localités que traverserait le chemin de fer et participera au maintien de la qualité des routes construites par l’État durant la première décennie d’action dédiée à la sécurité routière.

En attendant l’aboutissement de ce projet, des mesures d’accompagnement rapides pourraient être prises dans un court terme, à savoir : l’urgence d’ouvrir des ports secs afin de réduire le trajet des gros porteurs ; l’érection de voies de contournement pour réduire le nombre de gros porteurs qui traversent les grandes villes ; l’aménagement des aires de stationnement et/ou de repos afin se conformer aux dispositions du code de la route qui exige 15 minutes de repos après deux (2) heures de route ; la mise à disposition de grues et des fourrières pour faciliter le travail des forces de défense et de sécurité (FDS) : force est de constater que la plupart des véhicules en panne stationnent le long des routes par manque d’infrastructures dédiées. Les camions stationnent à l’intérieur des villes sous escorte ou le long des corridors parce qu’il n’y a pas d’aires de stationnement, les FDS sont obligés de les tolérer. L’aménagement des accotements devra permettre d’accueillir les véhicules en difficulté et ainsi, de libérer les routes.

À côté de ces aspects politico-sécuritaires, la non existence de bases juridiques pour la régulation des gros porteurs, devrait interpeller tous les acteurs du secteur de la sécurité routière. L’accent devra également être mis sur la nécessité de réguler le trafic des gros porteurs et la lutte contre la corruption qui gangrène ce secteur.

Toujours dans le cadre de la prévention primaire, les autorités doivent veiller au bon éclairage des voies publiques avec la collaboration de structures comme l’Agence Nationale pour les Énergies Renouvelables (ANER), le Millenium Challenge Account (MCA), etc. De plus, les voies éclairées doivent être accompagnées de balisage.

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Les aspects préventifs de la sécurité routière englobent la reprise de la signalisation verticale et horizontale dans la plupart des corridors routiers. Ils doivent être complétés par le durcissement des sanctions à l’endroit des usagers indisciplinés et par une lutte accrue contre la corruption des agents dédiés à l’établissement des pièces afférentes à la conduite et à ceux chargés du contrôle routier.

Malgré toutes les dispositions prises pour prévenir la survenue d’un accident, si l’irréparable se produit, les dispositions à prendre pour minimiser les conséquences d’un accident incombent aussi bien aux autorités, qu’aux citoyens.

Dans le cadre de la prévention secondaire, les autorités ont le devoir de mettre l’accent sur la nécessité de former des urgentistes, des traumatologues, d’équiper les hôpitaux régionaux, d’assurer un maillage national de spécialistes et les doter en équipements qui leur permettraient d’être réactifs et efficients.

En effet, l’enquête de perception menée en 2017, par l’ONG Partners West Africa Sénégal, montrait que 45,2% des enquêtés estimaient que la prise en charge des accidentés dans les structures de santé est moyennement satisfaisante. Pour pallier ces insuffisances, 68,1% des enquêtés proposaient d’augmenter le nombre de médecins spécialisés en secours d’urgence ou de renforcer la capacité des techniciens en soins d’urgence.

Ce même rapport a montré que le temps mis par les sapeurs-pompiers pour se rendre à un lieu d’accident serait moins de 30 minutes pour 34,1% des civils et près de 48% des FDS et ASP interviewés. Le délai d’attente de l’intervention des sapeurs-pompiers n’atteindrait pas trois heures de temps.

À propos de la prise en charge des victimes d’accidents, 62,6% des enquêtés proposaient d’augmenter le nombre de médecins spécialisés en secours d’urgence comme solution idoine. La mise en place d’un système efficace de régulation et d’évacuation est aussi proposée comme solution, par 31,5% des répondants, de même que l’équipement et l’assurance de la maintenance des hôpitaux existants. 

La problématique de la fonctionnalité des numéros des services d’urgences et des sapeurs-pompiers et la formation du personnel de ces services revient encore.

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Par ailleurs, beaucoup de partenaires appuient l’État du Sénégal. Il conviendrait de mieux les capitaliser, promouvoir les synergies d’actions et la complémentarité des partenariats et pérenniser les modèles positifs.

Une relance des activités, liées au chemin de fer le long du corridor, va d’une part contribuer à la prévention de l’insécurité routière, à la lutte contre la criminalité et la corruption. D’autre part, elle va revitaliser l’économie des localités traversées et ainsi contribuer à la sécurité humaine et à la cohésion sociale.

Une meilleure organisation du système de santé permettrait d’éviter l’hécatombe à l’approche d’événements à venir, tels que le grand Magal de Touba, les autres fêtes religieuses qui approchent et la campagne pour les élections locales, qui est imminente.

La complexité de la prise en charge exige la mobilisation de toutes les énergies disponibles.

Des assises nationales de la sécurité routière, accompagnées d’actions à court, moyen et long terme s’imposent, mais pas d’un énième rapport sans suite, ni suivi-évaluation !

Notre mission première est d’informer, de sensibiliser, d’éduquer, de renseigner, d’orienter les populations et d’aider les décideurs à disposer de données probantes pour mieux orienter, afin que ces derniers puissent apporter des solutions idoines à ce défi qui nous interpelle tous.

La finalité est que tous les usagers de la route puissent évoluer dans un cadre plus sécurisé.

Avec l’approche des échéances électorales, les nombreuses manifestations religieuses qui amènent les citoyens à se déplacer, politiques, parlementaires, forces de défense et de sécurité, leaders communautaires, autorités religieuses, chauffeurs, voyageurs, tous les usagers de la route sont interpellés,

Nous sommes tous en sursis !

Un sursaut national imminent s’impose !

Adjaratou Wakha Aidara Ndiaye est directrice exécutive de Partners West Africa, organisation active dans la sécurité routière au Sénégal grâce au financement du département d’État américain. Première sénégalaise titulaire du Master en Développement – Spécialité santé internationale de l’Université Senghor (Opérateur Direct de la Francophonie), elle est enseignante-chercheuse à l’Université Cheikh Anta Diop, Maitre de conférences agrégée CAMES. Professeur Adjaratou Wakha Aidara Ndiaye a géré des programmes de divers domaines thématiques tels que la sécurité routière, la sécurité inclusive, le renforcement de la société civile, la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent, le leadership des femmes et des jeunes.

 







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