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MÉlenchon, Zemmour Et Nous

En hommage à l’avocat Jean-Denis Bredin, François Sureau souligne : «Voir le jeu des institutions du côté de ceux que la machine peut broyer, peut-être est-ce là ce qu’on appelle être un homme de gauche, après tout.» L’époque peut pousser à la fuite, à l’enfermement dans sa thébaïde intellectuelle, loin des débats qui agitent l’espace public. Qui peut juger ceux qui font le choix du désengagement, de ce que mon ami Mbougar Sarr appelait de manière caustique «l’inactivisme» pour aspirer à une paix impossible quand on fait le choix de militer ?

Mais qui ferait face aux entrepreneurs de l’identité ; à ceux-là qui hissent partout le drapeau du repli sur soi, de la xénophobie et du racisme ?

C’est la tentation d’aller au front, contre les faux révolutionnaires, artisans de l’identité étriquée, qui a poussé, en France, Jean-Luc Mélenchon à débattre avec Eric Zemmour, malgré l’hostilité d’une partie de son camp

Eric Zemmour a été condamné plusieurs fois pour racisme. Il est le spécimen d’une époque où les médias ouvrent leurs ondes à des hommes dont le talent est de répandre la haine. D’ailleurs, il y a quelques mois, face à des propos scandaleux sur nos concitoyens en France, le gouvernement sénégalais avait protesté auprès de son employeur Vincent Bolloré.

Mélenchon est un homme cultivé, tribun hors-pair, militant progressiste internationaliste, qui a été depuis cinquante ans, de tous les combats pour la dignité des peuples. Ses combats, son positionnement intellectuel et son invocation de la créolité de Edouard Glissant comme limon politique, en font un des nôtres. C’est un camarade, membre de notre famille intellectuelle, comme le sont ou l’ont été, depuis d’autres parties monde, Luis Arce, feu Chokri Belaïd, Alexandria Ocasio-Cortez, Iñigo Errejon ou Prachanda.

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Face à des journalistes ignorants ou connivents, il était important qu’un homme cultivé aille affronter un personnage habitué aux monologues mensongers sur un plateau de gens acquis à ses idées nauséeuses. A la fin du débat, Mélenchon, sans grande difficulté, a montré à des millions de gens que M. Zemmour était un menteur, un raciste et un incompétent notoire.

Il faut débattre avec le fascisme. Il faut lui opposer un projet radicalement humaniste, progressiste et démocratique. Jeter des anathèmes au visage du fascisme n’a pas grande utilité, car il se nourrit des injures pour se draper de discours victimaires et feindre d’être la cible d’un pseudo système qui chercherait à le broyer… Les militants de ce courant ont l’insulte à la bouche, la menace, le harcèlement et le dénigrement comme méthode, mais il ne sert à rien d’avoir peur.

MM. Zemmour et Mélenchon représentent deux visions du monde qui s’opposent et structurent le débat public international. D’un côté, il y a les tenants d’une ligne rétrograde, théoriciens d’une guerre des races, des cultures voire des civilisations. Il y a des Zemmour partout, autant en Occident qu’en Afrique, ils émargent tous à la même doctrine dangereuse du populisme autoritaire qui, sous prétexte de créer un rapport direct avec le peuple face aux élites, oppose les citoyens les uns les autres, prônent la violence symbolique, le repli sur soi et la haine de l’autre. Chez nous, face à la gouvernance inefficace, des discours nauséeux ont prospéré. Les populistes pullulent et engrangent des forces. Ils sont alliés avec les propagateurs de théories conspirationnistes qui nient la complexité des enjeux et apportent des réponses simplistes et fausses aux questions que les citoyens se posent. Ces dangereux individus, qui ont des partis politiques, des associations et des chaînes Youtube maîtrisent la mécanique de la fabrique de la haine. Ils sont des marchands d’illusions qui cherchent à opposer aux jeunesses un ennemi ; soit l’étranger ou tout simplement le citoyen avec un avis contraire.

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Ces populistes ont eu un impact dans le déclenchement des manifestations de mars par la manipulation de la jeunesse et l’apport de réponses à ses questions liées aux crises dans lesquelles elle est engluée.

De l’autre, il y a une vision du monde différente. Celle d’un humanisme de combat, soucieux de la souveraineté populaire, qui exige la radicalisation de la démocratie, mène une bataille culturelle, sans jamais renier sa vocation internationaliste qui est de fédérer les volontés des peuples autour d’une plateforme pour un devenir meilleur.  Je m’identifie au courant que représente Mélenchon en France  ; celui d’une colère face  aux injustices du monde sans jamais indexer l’autre du fait de sa couleur, sa religion ou sa nationalité. Je crois en un universalisme exigeant, celui de Souleymane Bachir Diagne et des hommes qui ont tôt fait le choix du progrès en s’ouvrant aux apports fécondants du monde, au métissage et au dialogue des peuples. Etre progressiste oblige à être internationaliste, car c’est faire siennes les aspirations à la dignité, d’où qu’elles puissent émettre, notamment des entrailles du peuple des précaires, des faibles, des opprimés et de ceux qui luttent pour la justice et l’égalité.







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