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«lu Xew Lu Xew Ñu Ni Ndogal»*

On va dire que c’est bien la preuve que ma réputation de «moulin à paroles» (les mauvaises langues, encore elles) est surfaite  : parce que celle-là, je ne vous l’avais pas racontée… Mon histoire avec la madame de l’aéroport ? Elle portait un uniforme, et elle a eu le culot, que dis-je, le toupet, de m’appeler «Fils», comme si, dans nos vertes années, nous avions joué à cueillir du sideem (jujube) ensemble. Pour se la jouer cool, freestyle ? Je n’en sais rien, mais promis, juré, craché (tuf-tuf), je soignerai mon look la prochaine fois. Pour tout vous dire, je n’ai pas vraiment eu le temps de réagir : on appelle cela un uppercut langagier (iperkil en wolof). Laissez tomber, vous ne le verrez pas venir, ça fait rël !

La semaine dernière, c’est un policier qui me demande ma «carta grise» (on va dire que c’est du latin), carte grise en prononciation locale. On le taquine à ce sujet, il le prend plutôt bien, en rigole même un peu, avec l’air d’assumer que la rue et ses habitudes ont forcément déteint sur lui.

Ce soir-là, j’avais tous mes papiers, pas comme Cheikh Niasse. Sa carte de grise, son assurance ? Oubliées, à la maison. Il paraît qu’entre la police et lui, le ton est vite monté, qu’il s’est retrouvé en détention le 23 septembre, et qu’il en est ressorti 5 jours plus tard, 5 jours trop tard, et les pieds devant. Pourquoi, comment ? Les circonstances sont pour le moins troubles, on parle d’hyperglycémie et d’appel à l’aide, il se raconte que sa famille, pour calmer le jeu, lui a apporté les pièces manquantes, que cela n’a pas suffi, que la police de Wakhinane a voulu lui donner une bonne leçon, lui rabattre le caquet.

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Faites le compte ou le décompte et vous trouverez forcément, vous aussi, une histoire (presque) comme celle-là à raconter  : un homme (une femme) de tenue sans…tenue, ni retenue, qui vous parle mal ou se comporte mal, un policier absolument pas policé, pas bien formé, un écart de langage ou un geste déplacé, une façon pas très courtoise de s’adresser aux citoyens, les nerfs à vif, et vous avez votre poudrière !

Par exemple, ce policier posté pas loin du palais quadrillé, bunkerisé de Sa Majesté (je n’ai cité personne, tout cela reste entre nous), qui a eu l’outrecuidance de m’appeler, de m’interpeller de cette façon-là, familière : «Yaye Boye.» Un regard, deux mots (on va dire trois), je l’avais corrigé ! J’ai peut-être eu beaucoup de chance ce jourlà, mais cette question me taraude : comment suis-je donc passée de «Fils» à «Yaye Boye» ? Ce sera votre méditation du jour !

En attendant, Cheikh Niasse est mort, et sa famille se pose évidemment beaucoup de questions. Comment fait-on son deuil quand on ne sait pas ?

Cette histoire en rappelle forcément d’autres, tout aussi douloureuses…Babacar Mané et Cheikh Ndiaye, 19 et 18 ans à l’époque, morts électrocutés le 27 août 2019  : un ventilateur qui crache du feu, une bousculade, la faute à pas de chance, veuillez donc appeler Ndogal à la barre, il a réponse à tout !

Ce n’est pas tout : Elimane Touré, le transitaire mort asphyxié au Commissariat spécial du port le 20 février 2011, où il était officiellement sous surveillance, et Ibrahima Mbow, mort au cours de «la mutinerie de Rebeuss» en 2016, victime d’un tireur anonyme. Ndogal, vous m’entendez ?

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Dans des situations comme celles-là, que voulez-vous, l’Etat se déplace, forcément ; à coups de «massa» poignants ndeysaan, et de sous pour compenser. On compense quoi, au juste ?! Que fait-on de ce silence, de ces questions sans réponse, on laisse pourrir, on s’indigne un peu, beaucoup, passionnément, jusqu’à la prochaine, et hop on oublie ? Les trous de mémoire, avouez que c’est bien pratique.

J’allais oublier : s’il y a quelqu’un qui devrait se taire, c’est bien le lieutenant Ahmed Béchir (ou Bachir) Ndiaye. On lui dit qu’un homme est mort dans son commissariat, il trouve le moyen de la ramener, de nous parler de ses décennies de bons et loyaux services, de pleurnicher parce qu’on l’a affecté, et de cracher sur son «revanchard» de service. Un homme est mort, quand on sait qu’on aurait pu éviter d’en arriver là, dans un pays où l’on vous dira qu’il y a trop de monde dans les prisons, qu’il faut y aller mollo pour les mandats de dépôt, qu’il faut désengorger…Allez, construisons d’autres boîtes de sardines, avec l’air d’oublier que pour certains petits malfrats, pigistes occasionnels, il suffirait de chercher à les recycler, de les rendre utiles à la société, de leur redonner un minimum de dignité, de les rendre fréquentables.

On parle un peu de Guy Marius Sagna et de ses nombreux séjours en prison ? Méritons-nous ses combats citoyens ? Quand je pense que certains ont même du mal à prononcer son prénom correctement, les gens ne respectent décidément plus rien  ! Gwi pour les uns, Gouye pour les autres. D’accord, il est costaud, mais un seul Gouye-Gui (le lutteur qui réveilla Molière) suffira !

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Pareil pour moi : défense de m’appeler «Fils» ou «Yaye Boye». Ce sera Kumba Ndew. Allez, à jeudi !

P.S. : Euh…Je vous aurais bien parlé de mon chien, grand amateur de littérature, de son penchant pour la bande dessinée, de cette façon pas subtile qu’il a de dévorer les livres, et de son côté lecteur paresseux qui ne va jamais jusqu’au bout, mais, comment dire, nous nous connaissons à peine

*Paroles d’une chanson de Cheikh Lô (Ndogal)  : c’est toujours la faute au destin, c’est toujours un coup du sort.







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