Septembre 2020 : Emmanuel Macron dénonce, dans un entretien publié par l’hebdomadaire Jeune Afrique, la « stratégie » menée par la Russie et la Turquie principalement auprès de la jeunesse pour alimenter un sentiment antifrançais en Afrique en jouant « sur le ressentiment post-colonial ». “Il ne faut pas être naïf : beaucoup de ceux qui donnent de la voix, qui font des vidéos, qui sont présents dans les médias francophones sont stipendiés par la Russie ou la Turquie », fustigeait le locataire de l’Élysée.
Il en a tiré une leçon : la France devrait changer de stratégie pour reconquérir le terrain perdu. Ainsi cette quête d’influence passerait moins par les canaux traditionnels (gouvernements, homme d’affaires, etc) que par la jeunesse et l’intelligentsia.
Un peu plus d’un an après cette sortie, qui fit grand bruit, Macron organise donc ce vendredi 8 octobre à l’Arena de Montpellier un sommet France-Afrique aux contours inédits. Aucun chef d’État du continent n’a été convié, par le leader d’En Marche ! À l’Élysée, l’on veut en finir avec les fantômes de Jacques Foccart, et l’image de cette France toujours acoquinée à des dirigeants au pedigree parfois douteux. À la place des Présidents, douze jeunes issus du continent, entrepreneurs, artistes, sportifs ont été choisis pour discuter de sujets économiques, politiques et culturels.
Ce nouveau format doit permettre, selon la présidence française, “d’écouter la parole de la jeunesse africaine” et de “sortir des formules et des réseaux obsolètes”.
L’architecte de cette formule est un intellectuel très en vue du continent : le Camerounais, Achille Mbembe, un des initiateurs, avec Felwine Sarr et le Pr Souleymane Bachir Diagne, des Ateliers de la Pensée, l’un des rendez-vous phares de l’intelligentsia du continent. L’objectif, renseigne Achile Mbembé, est de “refonder les rapports entre l’Afrique et la France, pour passer d’une relation subie à une relation consentie et volontaire .
“Ambition hégémonique”
Ce rôle d’architecte du sommet a valu de nombreuses critiques parmi ses pairs au théoricien de la pensée post-coloniale. « Sous des airs de modernité, la place accordée à la société civile et à des intellectuels reconnus s’apparente en réalité à une tentative de maintenir une ambition hégémonique de plus en plus contestée », critiquent Lionel Zevounou, Ndongo Samba Sylla et Amy Niang, fondateurs du Collectif pour le renouveau africain, prônant un continent réellement « indépendant et souverain ».
Et en effet, les vieux réflexes de la Françafrique ont la vie dure. Car, par ce sommet, Emmanuel Macron prouve que la France, par d’autres moyens certes, cherche toujours à consolider son héritage colonial en Afrique et son influence. Par des moyens que certains qualifieraient de plus cool, plus branchés, mais l’objectif demeure le même face à la menace grandissante des Chinois, des Russes ou encore des Turcs
En perte d’influence au Mali, vilipendée en Afrique du nord, après la récente décision de l’Elysée de réduire les visas accordés aux pays du Maghreb, cette opération séduction auprès de la jeunesse sonne comme le dernier avatar d’une diplomatie française à bout de souffle.