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Angoisse Continue

#SilenceDuTemps – Hier j’ai pris des nouvelles d’une de mes nombreuses fifilles.  Aicha qui est confinée dans la forêt des baobabs de la Somone, où elle habite, le rêve non ! Et dans notre longue et animée conversation, nous avons beaucoup ri de tout et de rien bien entendu tournant autour de C.

Son mari Jak’, italien de la Somone, a eu la bonne idée en compagnie de deux amis de faire du trekking direction la Casamance, quelques jours avant que le C. n’apparaisse au Sénégal. Voyage sûrement de rêve et lorsqu’ils arrivent dans le premier village en Casamance, c’est quasiment l’émeute. Imaginez « deux toubabs » débarquant à pieds au moment où le danger est compris comme venant du Nord … Le chef du village a dû jouer les médiateurs et leur a fait comprendre qu’ils n’étaient pas les bienvenus.

Au niveau du deuxième village, la gendarmerie a dû s’interposer, leur demandant de rentrer chez eux. C’était au tout début de cette folie, bien avant que les mesures et autres directives ne soient officiellement prises. Et pourtant, même au fin fond de la Casamance, face à cette grande inconnue venue déranger leur tranquillité, les populations étaient dans le désarroi le plus total.

Aïcha a retrouvé son petit mari sain et sauf ! Lol …, nous en avons bien ri !

Par contre, appelez en ces moments de C. les parisiens. Ce n’est pas drôle du tout ; la plupart sont déprimés et en leur parlant on a vraiment l’impression de ne pas vivre sur la même planète. Où sont les parisiens et leur célèbre « Pariiis est magiiiique » les jours de grand match, c’est maintenant que le grand match se joue, non ?

En quittant ma fille Aicha, nous avons décidé de continuer de vivre l’instant présent et surtout éviter toute spéculation.

Ce qui ne doit pas nous empêcher de continuer de respecter les « mesures barrière » même s’il semble évident que vérité au-delà, erreur en deçà, alors on réajuste nos gestes comme on peut.

J’ai vu plus d’un passant crachant au sol ces jours-ci. Ramadan et C. ne font pas bon ménage. Ces habitudes vont-elles changer ? Elles le devront ? J’ai par contre le sentiment que certains gestes doivent demeurer après C. et notamment l’hygiène domestique et les chaussures ! Je sais que l’on s’amuse de mon périmètre de sauvegarde à l’entrée de la maison, qui depuis ce matin a enfin une marque plus visible. Le fameux scotch rouge promis par Adeye Ababa est enfin arrivé. Je vais d’ailleurs le faire survivre à C., ce périmètre-là en l’organisant à la Japonaise. En offrant au visiteur une paire de babouches s’il n’a pas de chaussettes, contre les chaussures laissées dans l’entrée. Et puis d’ailleurs ce n’est même pas à la Japonaise car combien de maisons ici nous imposent pareil rituel fort salubre et à préserver.

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Un petit voyage au Maroc s’impose, il était programmé pour assister à ce fameux festival de musique sacrée à Fez. Ben c’est raté pour cette année, le festival étant annulé mais je trouverai bien un autre prétexte pour aller y faire entre autres ma provision de babouches … et de « cornes de gazelles » (ça se mange et c’est délicieux !)

Le Maroc qui défie les économies des Occidents en produisant en quantité ce qui manque au monde ! Faut-il un roi à la tête pour que les choses bougent dans le bon sens ? Alors nous sommes sauvés nous, puisque Buur Sine …

Jour 43

Me mettre à ma chronique avant 20/21.00 me semble héroïque ! Je tente cependant, j’ai comme des ailes aujourd’hui et envie de dire plein de choses.

Oui, j’entends certains dire : « pas étonnant !» Mais non, cela n’a rien à voir. C’est drôle, à travers l’écriture de cette chronique, je constate plus encore combien tous les jours sont différents. Pourtant le décret présidentiel est tombé Pan ! On remet ça encore pour un mois, le 4 mai étant la première date annoncée pour la fin de l’état d’urgence. Ce décret est passé comme lettre à la poste.

Je trouve le pays raisonnable, en apparence en tout cas et loin de cette « angoisse collective » comme chez nos parents de là-bas qui spéculent sérieusement sur leur 11 mai à venir.

En plus de recevoir des masques du Maroc entre autres, mes amis de là-bas me questionnent sur le port du masque, viennent chercher conseils, et idées originales pour les modèles en tissu « bien de chez nous » (enfin il faut le dire vite !). Et comme on a une petite longueur d’avance, ils demandent presque comment le porter ? J’ai vu à l’écran hier comment un ministre Belge essayait de mettre son masque. À mourir de rire … Vous me direz c’est un Belge !

Dans la lettre de madame de Sévigné qui a circulé la semaine dernière sur les réseaux sociaux, s’adressant à sa fille  : « Je vous envoiedeux drôles de masques, c’est la grand’mode ; tout le monde en porte à Versailles. C’est un joli air de propreté, qui empêche de se contaminer … »

Alors pourquoi faire des vagues avec ce masque C., les asiatiques le portent depuis si longtemps ? Nous étions persuadés qu’ils se protégeaient de nous, en fait ils nous protégeaient d’eux et c’est ainsi que l’on doit … le porter !

Dans ma promenade autour de Sandaga dimanche, je suis tombée sur une pub’ de préservatif « coloré et perlé » !

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C’est une espèce de masque finalement et celui-là très évocateur. J’en profite pour demander naïvement à Viou si « perlé » signifie qu’il y a aussi le bruit des perles en prime … Il a ignoré ma question. Moi par contre, ça me renvoie à la grande fête en préparation avec les amis. Une approche C. torride, voire érotique ! Avec des masques assortis à toutes sortes de tenues y compris … bétiô ? ou encore « fil’U fér’U » de la mère Thiathiaka porté si fièrement à son retour du Brésil ? ou encore « bin bin » …  Ça va chauffer, dé !

Si le masque doit être notre nouvel « obligé » alors en plus de se protéger, autant s’en amuser. De toute façon il y aura les jours d’après !

Jour 44

Cela fait bien longtemps que je n’aperçois, ainsi assise à mon poste de travail, les couleurs dans le ciel après le coucher du soleil. Les immeubles me séparent de l’horizon vers l’ouest mais je profite d’un « entre-deux » pour avoir les couleurs quand elles existent et ce soir, elles sont un peu timides certes, mais là j’imagine le coucher du soleil quelques minutes avant car en ce moment, cela va vite le passage du coucher du soleil à la nuit.

Demain matin tôt, je vais essayer de capturer le lever du soleil de l’autre côté de la maison, celui vers lequel les chambres sont ouvertes et que je vois toujours « entre-deux » quand il est là. Serait-ce un signe que vraiment la pollution s’est apaisée ? Quelqu’un me disait la semaine dernière qu’une étude a montré que l’impact C. sur la qualité de l’air n’aurait finalement pas tant changé. Information à vérifier quand même …

Le lever de soleil correspond à peu près à l’heure où toujours au lit, j’écoute les nouvelles, allant d’une radio à une autre. A ce moment, je capte parfois des informations qui me servent à nourrir mes chroniques et quand je me lève vraiment, mon premier geste est de tirer les rideaux pour regarder au loin.

Il y a quelques temps, en pleine nuit, j’ai traversé l’appartement pour aller vérifier l’état du building administratif, cela me démangeait depuis si longtemps. Je pensais naïvement qu’au moins après minuit, ses lumières seraient éteintes. Que nenni ! C’est quand même terrible non !

Aujourd’hui, mon amie Geneviève de Marseille, celle qui m’a passé le virus de C. et qui me promène avec une extrême précision dans les rues de son Marseille natal – je m’en délecte -, m’envoie sa J + 51 ou J – 6 !

Ça y est ! son compte à rebours est déclenché. Ses chroniques vont me manquer, elle qui contrairement à moi, envoie celle de la veille le lendemain après-midi. J’apprends même des choses sur le Sénégal, sur Dakar où elle a vécu près de 15 ans.

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Elle se rapproche réellement du jour d’après, j’ai hâte de l’entendre.

Ce matin, mon ami Charles de Dakar, parlant de la constance de mes chroniques s’interrogeait sur le comment de mon écriture : « Eh bien tout comme un projet d’architecture, je les construis ! ». Avec des fondations qui sont les différentes petites notes que je prends tout au long de la journée, que je couche dans mon carnet qui ne me quitte pas et surtout le stylo que je me dispute des fois avec Viou … Il me le pique et ne le rend jamais. Et le projet monte dès que je me mets à l’ordinateur pour rédiger : je couche les idées ou l’idée sur la page blanche. C’est selon ! Comme on pose des agglos sur le sol,  puis les uns à côté des autres et ensuite les uns sur les autres, je construis autour de l’idée les phrases comme on enduit les agglos, monte le second-œuvre et enfin vient le travail de finition, le moment où je retire des mots, relie les mots, intervertis des paragraphes si nécessaires pour l’équilibre, et pour finir le point final, certes en bas de page, mais qui est supposé donner de la hauteur à la chronique telle la ligne qui finit au sommet l’immeuble, la ligne de front.

Cette partie attendue par certains lecteurs dont j’écoute les conseils, qui m’inspirent des mots d’amour et que j’offre certains jours de chronique, sachez que c’est sur les sommets des immeubles que l’on vient fixer les paratonnerres anti-foudre qui viennent protéger tout ce qui est plus bas et aux alentours.

Quelle grande responsabilité !

Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle administratrice.

Épisode 1 : AINSI COMMENÇAIENT LES PREMIERS JOURS CORONÉS

Épisode 2 : AVEC LA BÉNÉDICTION DE FRANÇOIS, LE PAPE LE PLUS AVANT-GARDISTE

Épisode 3 : SOCIALISER EN TEMPS DE COVID

Épisode 4 : PREMIÈRE SORTIE EN PLEIN COVID

Épisode 5 : SOUVENIRS DES INDÉPENDANCES

Épisode 6 : LES CONSÉQUENCES INATTENDUES DU COVID

Épisode 7 : LA LUNE ROSE

Épisode 8 : POUR UN VRAI PROJET D’ÉCOLE

Épisode 9 : PÂQUES SOUS COVID

Épisode 10 : DEVOIR DE TRANSPARENCE

Épisode 11 : NOSTALGIE D’ADO

Épisode 12 : DAKAR ET LA RAOULTMANIA

Épisode 13 : UN TEMPS SUSPENDU

Épisode 14 : BELLE RENTRÉE

Épisode 15 : LA PROMENADE DU DIMANCHE

Épisode 16 : BEER LA GLORIEUSE

Épisode 17 : LE COVID, UN AVERTISSEMENT







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