Nous publions le discours que Felwine Sarr – écrivain, et cela se sent ô combien ici – a prononcé le 27 octobre au musée du Quai Branly-Jacques Chirac au cours d’une cérémonie historique, celle de la restitution des 26 trésors d’Abomey par la France au Bénin, qui les exposera au Fort d’Ouidah avant de les accueillir dans un musée en cours de construction dans leur ville d’origine. Jusqu’au 31 octobre, on peut encore voir ces chefs-d’œuvre à Paris lors de la semaine culturelle du Bénin.
Il est des événements qui pourraient se passer de discours tant leurs sens profonds imprègnent et soulèvent les somnambules que nous sommes. Et en ces moments, l’ineffable joie d’être le témoin d’un moment historique, chargé de sens, dont on a rêvé l’advenue, rend les mots suspects sinon inutiles. Il arrive même qu’ajouter des mots soit synonyme d’ôter du sens.
Aujourd’hui, les ancêtres Glèlè, Ghézo, Béhanzin, avec leurs cohortes, repartent vers les terres rouges d’Abomey et de Ouidah. À nouveau, ils traverseront l’Atlantique, mais cette fois-ci dans le sens d’un retour nécessaire et tant attendu. Leurs dos battus par les souffles du ponant.
Durant 129 ans, ils furent privés du soleil du Danhomé, de l’air du regard des leurs, des soins rituels, des chants, des processions annuelles.
Aujourd’hui, ils entament la fin de la saison de l’ombre de leur exil.
Ces objets qui retournent, nous l’avons dit, ne sont pas que des objets.
Ce sont des signes qui débordent tous les sens qui leur furent attribués.
Enfants d’une longue évolution spirituelle, sociale et artistique, puissances de germination, forces d’engendrement du réel, ce sont des êtres habités par l’âme et l’esprit des cultures qui leur ont donné vie.
À ces cultures, a cruellement manqué, pour alimenter les forges du présent et de l’avenir, le feu des anciens…
Il a fallu aller chercher les sèves un peu partout, téter parfois au pis le plus sec.