Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Ange Ou Demon ?

Insoutenable. Atroce. Tragique. Aucun qualificatif ne peut nommer l’innommable. Un triple infanticide suivi du suicide du père, auteur des crimes. Choquante et traumatisante, la tragédie a été rapportée dans les moindres détails par les médias. Le compte-rendu macabre a continué à heurter, encore et encore, l’opinion publique, soutenue et illustrée par les photos des enfants, victimes de la folie meurtrière de leur père dont la souffrance et le mal-être ont fini par avoir raison de lui. En mettant un visage sur le nom de chaque enfant, la réalité du drame devient insoutenable. Ce qui est devenu plus qu’un fait divers alimente les discussions et les commentaires sur les réseaux sociaux. Deux camps s’opposent et s’érigent en avocats de l’une ou de l’autre partie : le mari, meurtrier, et la femme, meurtrie, sont défendus à coups de plaidoiries dignes de ténors du barreau.

La lettre de dix pages, rédigée par le mari, dentiste de profession et adressée à son ex-épouse, revient sur la chronologie d’un mariage où tous les ingrédients étaient présents sauf l’essentiel : l’amour, ou plutôt son absence de réciprocité. Le médecin donne sa version d’une union d’une quinzaine d’années qui ne célébrera pas ses noces de saphir. La séparation sonne le glas d’un ménage dont sont issues trois vies, autant de victimes innocentes éternellement figées dans l’enfance. Une grande partie de la presse reproduit in extenso la lettre accusatrice aux relents de désespoir et de tristesse d’un père brisé.

Mais qu’en est-il de la mère ? La violence du drame constitue le premier choc. Aussitôt suivi d’un autre : celui de la lettre d’un ex-mari dont la colère et la rancune transparaissent dans cette comptabilité de la souffrance, la sienne, tenue dès le début, avant le mariage, déjà. Une vie et une famille toute entière jetée en pâture par un homme dont le foyer s’est disloqué suite à son divorce. Pour la mère, la douleur devient une double peine au point de porter plainte auprès de la Commission de Protection des données personnelles (CDP) suite à la publication de ses photos, de celles de ses enfants et de la lettre « jugée diffamatoire » et « portant atteinte à sa vie privée, son honneur et sa réputation ».

A LIRE  MOCTAR FOFANA NIANG, UN GÉANT DE LA PENSÉE ET DE L’ACTION EST PARTI

Dans sa note d’information, la CDP déclare avoir saisi Meta (le nouveau nom de Facebook) et le Conseil pour l’Observation des Règles d’Ethique et de Déontologie dans les médias (CORED) « pour instruire la plainte ». Pour sa part, le CORED « invite les journalistes à plus de vigilance et à veiller au respect des règles d’éthique et de déontologie en matière de traitement d’image ». Certaines publications avaient choisi de flouter les images des victimes et de ne pas publier la lettre « explicative », d’autres n’ont pas pris cette précaution. Mais qu’importe ! Le mal est déjà fait. L’identité de la mère, tout comme celle des victimes, est connue et certains soi-disant « proches » vont même jusqu’à y aller de leurs témoignages sur l’une ou de l’autre partie.

Quid encore des raisons de ce drame ? Les sociologues, anthropologues, psychothérapeutes et autres spécialistes de sciences humaines ou de santé mentale pointent du doigt le mariage moderne et les couples qui s’isolent dans leur appartement dont les problèmes, inévitables, restent insolvables en l’absence des médiateurs que sont les autres membres de la famille. La dépression, cause de suicides, chiffres à l’appui, est aussi indexée. A la recherche d’une cause, même mystique, qui pourrait apaiser cette douleur, il est à reconvoquer cette proposition de « ndëpp » national proposée par le psychologue Serigne Mor Mbaye, pour une société malade, car souffrant de maux dont elle ne trouve pas les mots. Ce qui n’est certainement pas le cas de Diary Sow qui déclare, dans son deuxième roman intitulé « Je pars », que le livre au complet est une façon de dire : « je vous emmerde ». Une réplique bien impertinente adressée à ses détracteurs pour une étudiante dont la disparition avait inquiété et mobilisé tout un pays, jusqu’à sa réapparition. « Sous le visage d’un ange » était le titre de son premier roman. Ce deuxième opus serait-il celui de ses démons intérieurs ? Par la plume ou la lame (ou les deux !) chacun tente de combattre les siens.

A LIRE  MACRON







Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *