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Madieye Mbodj Se Trompe

Dans une tribune du 8 septembre puis une interview au journal Le Quotidien le 30 octobre, Madièye Mbodj, dans une entreprise d’explication de son récent choix d’orientation, souhaite détrousser la gauche en faisant de Ousmane Sonko le héraut de cette famille politique.

Il y a certainement des gens de gauche à Pastef. Mais Sonko, au regard de sa trajectoire, est au mieux un nationaliste conservateur, au pire un populiste identitaire, au corpus doctrinal, au discours et aux méthodes fascisants.

Pourquoi Madièye Mbodj, intellectuel rigoureux et honnête homme, distribue-t-il une étiquette de gauche à des gens qui ne la revendiquent pas, qui n’en veulent pas et qui n’en feront usage que dans le sens opposé à ce pour quoi ce courant historique se bat depuis si longtemps ?

Yoonu askan wi, qui a fait dissidence avec And Jëf à la suite d’une divergence de lignes, était animé par des personnes respectables comme Haoua Dia Thiam, Joe Diop, Madjiguène Cissé, Jean Dièye ou Ousseynou Ndiaye. Le parti avait un projet ambitieux d’unification de la famille de la gauche autour d’un socle programmatique, pour se donner les moyens de gouverner le pays. Presque 15 ans après, le parti a tout abandonné, préférant se faire hara-kiri au sein de Pastef, lors d’une cérémonie que ne renierait aucune entreprise de pompes funèbres.

En 2008, Yoonu askan wi reprochait à And Jëf d’avoir capitulé pour répondre aux «armes enchanteresses du néolibéral-capitalisme», d’avoir monnayé ses convictions pour des privilèges. Je regrette d’observer que Yaw aussi a capitulé, pour suivre la vague, pour se donner pieds et poings liés à nos plus vieux adversaires ; nos adversaires les plus irréductibles et les plus dangereux depuis deux siècles : les réactionnaires, les fanatiques, les nationalistes conservateurs, les promoteurs de l’identité exclusive, les artisans du rigorisme religieux et les opposants au progrès social.

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La démarche de Yoonu askan wi est un nouvel épisode des alliances tactiques au service unique de l’accession au pouvoir qui ont perdu une partie de la gauche ces trente dernières années et qui vont, au regard des configurations politiques nouvelles, en faire un complice de la poursuite du cycle actuel d’abaissement national. Le Sénégal s’enfonce dans les abîmes que creusent les germes de la guerre civile, mais Yaw, comme un pan de la gauche, refuse encore de penser contre elle-même, de faire son Bad Godesberg pour sortir le camp progressiste ainsi que notre pays de l’impasse actuelle. Cette gauche, en s’offrant une nouvelle locomotive dont elle ne partage en rien les valeurs, répète les erreurs d’hier tout en espérant un résultat différent.

La haine ne peut constituer un projet politique. Oser sacrifier l’héritage d’un courant progressiste en se fondant de manière confidentielle dans un parti dont le leader est coutumier de discours et de méthodes aux relents fascistes est un choix ; mais ne pas lui donner une étiquette de gauche est un devoir. Surtout que le concerné ne revendique rien. La gauche et son idéal de lutte pour des avancées sociétales sont le dernier de ses soucis.

Faire la politique, et surtout être de gauche, c’est aimer les gens, c’est soustraire son ego devant les préoccupations des précaires, mais ce n’est pas être un distributeur permanent de haine, d’outrages et de divisions. Etre de gauche dans le contexte actuel, c’est défendre la République, la démocratie et la fraternité ; c’est promouvoir l’internationalisme ; c’est lutter contre le racisme et l’antisémitisme ; c’est être pour la souveraineté sans l’exclusion de l’autre du fait de sa nationalité.

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Ceux que Madièye Mbodj drape du manteau de gauche sont des militants de l’abomination qu’est la peine de mort ; ils ont appelé ouvertement à la torture ; ils ont menacé des magistrats ; ils ont appelé à attaquer physiquement des groupes de presse ; ils ont tenu des discours complotistes ou à tout le moins équivoques, sur la vaccination ou encore le terrorisme ; ils ont accusé l’Armée nationale de complot politicien. Etre de gauche, c’est être progressiste. C’est défendre ce commun vouloir de vie commune qui est la matérialisation de la paix civile, de la divergence des opinions sans verser dans l’insulte ou la menace.

Depuis un siècle, existe un mécanisme de vases communicants entre la gauche et le camp du fascisme. De nombreux ouvriers syndiqués à gauche en Occident ont rallié des partis d’extrême droite mus par la remise en cause de la démocratie républicaine, le ressentiment ou la volonté de faire advenir le Grand Soir. C’est un pan de la gauche qui a perdu ses repères, a abandonné le combat pour le progrès et a rejoint nos adversaires. Ils prétendent combattre ensemble ce fameux système qui jamais ne fait l’objet d’une définition sérieuse. Les enfants perdus de la gauche mettent en place, avec leurs adversaires d’hier, une alliance rouge-brune. Ils s’auto-désignent patriotes. En réalité, ils ne sont que des écuyers de l’anti-universalisme et des entrepreneurs d’une conception ethnique ou religieuse de la Nation.







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