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Ainsi Ne Parla Pas Le PrÉsident

Lors de ses voeux à la nation, évoquant les élections locales vers lesquelles nous nous dirigeons, le président a appelé de ses voeux à la paix, à la concorde, au vivre ensemble, au dépassement de soi, à privilégier ce qui rassemble plus que ce qui nous sépare. Ainsi parla-t-il. De belles paroles assurément mais, qu’a t-il fait pour qu’il y ait des élections libres et paisibles ? Il a assisté, spectateur au balcon, à l’invalidation des listes de l’opposition pour les locales. Naguère, il embastilla et exila ses principaux concurrents pour s’ouvrir une voie royale au renouvellement de son mandat ; il inventa le parrainage citoyen pour laminer et tarir financièrement ceux qui espéraient encore lui porter le combat ; il usa de l’administration devenue politique pour filtrer et, envoyer au rebut les prétendants et les listes encombrantes ; il fit enfin, par son ni oui ni non, planer le doute sur sa candidature à un troisième mandat auquel de toute façon, il n’a pas droit. Bref, jamais il n’aura posé les jalons qui mènent à la paix bien au contraire, tous ces actes posés nous mènent droit dans le mur. Comme quoi, parler c’est facile.

Après ces scandales à la pelle, le président ne prit même pas, dans son discours, une position de principe qui rappela l’autorité de l’État. Rien dans ce discours présidentiel. Le trésor public est grugé de près de 5 milliards et on ne pipa mot. Il en avait fallu bien moins pour exécuter Khalifa Sall séance tenante. Envoyé en prison, déchu de ses mandats et empêché d’être candidat pour une peccadille de 1,8 milliards, au vu des sommes soustraites à l’État ces derniers jours, par des malfrats à cols blancs. Personne ne broncha. Tout se passa comme une lettre à la poste où d’ailleurs rien ne va plus. Une vieille et belle institution en proie à des détournements elle aussi : 1,5 milliards soutirés sans coup férir par trois agents véreux. Et la Lonase, et l’Ipres et la SAR et ces fameux passeports diplomatiques aux ramifications multiples, vendus comme des petits pains. La liste est longue. Chaque jour avec sa cohorte de tricheries plus inimaginables les unes que les autres. On eut aimé que le président dît qu’il condamnait de telles pratiques et qu’il allait prendre les mesures nécessaires pour que les coupables soient punis. Que nenni.

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Cette photo du président qui pose avec M. Ngom dans son bureau de la présidence, jetée en pâture dans les réseaux sociaux, démontre d’une double faute morale et communicationnelle. Faute morale du président d’avoir reçu, celui qui s’est enfui avec les listes de la coalition Yeewi Askan Wii – opposition à la majorité présidentielle – la rendant forclose pour les élections locales. Faute morale également, d’encourager la transhumance vers son parti, d’individu de peu de vertu. Un président ne devrait assurément pas faire cela. Faute de communication pour un politicien chevronné qu’il est, de s’imaginer que cette photo prise dans son bureau, resterait hors de portée du regard inquisiteur des réseaux sociaux présent partout.

La paix intérieure d’un pays dépend de la façon dont les récompenses et les sanctions sont prises. Comme on dit si bien*, si les récompenses sont accordées comme il convient, les hommes compétents seront encouragés et si les sanctions le sont aussi, les fraudeurs s’arrêteront. Mais si l’application des récompenses et sanctions n’est pas juste, les bons ne seront pas encouragés et les mauvais persisteront. Le président devrait veiller à cela. Cette bienveillance est nécessaire pour que la paix s’établisse.

Autre fait manquant dans ce discours : Le président va présider l’organisation de l’Union Africaine. Il y consacrera, selon lui, l’essentiel de son temps. Peut-on savoir ce qu’il va faire ? Quel est l’agenda africain de notre président ? Un continent secoué par, des attaques djihadistes dans le Sahel, des rushs de Shebabs dans la corne de l’Afrique, un Soudan qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos, une Libye minée par des fractions rivales qui n’arrive pas à tenir des élections longtemps dues, une Algérie toujours en guerre de moins en moins feutrée avec son voisin marocain, un Mozambique coupé en deux, des coups de force au Mali, en Guinée, bref une Afrique en ébullition à chaque coin du continent. Que compte faire notre président ? Que proposera-t-il à ses pairs au nom du peuple sénégalais ? Nous eussions aimé savoir, lors de ces voeux présidentiels, de quelle audace est pétri notre président. Il ne fut hélas, question de rien de tout cela. Une occasion manquée.

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tsow@

Tidiane Sow est coach en communication politique

* Liu Xiang: Jardins d’anecdotes







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