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La Cedeao, Meilleure AlliÉe De GoÏta

«Tout ce qui est excessif est insignifiant», disait Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, le plus grand diplomate français de tous les temps. Autant les putschistes maliens, qui se sont comportés comme des syndicalistes en faisant monter les enchères pour demander une transition de cinq ans, ont été excessifs, autant les sanctions de la Cedeao ont été elles aussi, excessives. En réagissant avec excès, la Cedeao est train de tomber dans le piège des putschistes, qui attendaient et voulaient cette réaction, afin de prendre le peuple malien en otage et l’utiliser comme bouclier, pour combler leur absence de légitimité.

Tout le monde le sait, avec cette punition collective qu’on inflige au peuple malien, les membres de la junte sont les derniers et les moins touchés par ces sanctions. Ainsi, la Cedeao utilise la même arme que la junte : le peuple du Mali, qu’il prend aussi en otage afin qu’il mette la pression sur la junte. Comme dit le proverbe africain : «Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en souffre.» Le peuple du Mali est aujourd’hui entre l’enclume des putschistes et le marteau de la Cedeao, qui avait une belle et juste cause mais est en train d’être un mauvais avocat, en risquant de perdre son soutien le plus essentiel : le peuple malien.

Pour réussir, la Cedeao doit déconnecter ce Peuple, des putschistes qui le prennent en otage. Les militaires sont en train de passer de coupables (coup d’Etat, non-respect de leur parole et des engagements) à victimes, en se faisant passer pour des défenseurs du Mali contre ces sanctions excessives et contre un complot international. La polémique sur les sanctions crée un brouillage politique qui masque et éloigne de l’essentiel ; la transition vers un pouvoir légitime. Pour gagner la bataille, il faut que la Cedeao ait le Peuple du Mali de son côté, et il ne va pas l’avoir avec la punition collective des sanctions. Avoir le soutien du Peuple, c’est lui expliquer le véritable dessein des putschistes, dont l’objectif n’a jamais été une transition, mais se maintenir au pouvoir. Une transition, c’est un pont entre deux régimes, comme les ponts qui relient les deux rives du Djoliba. Et le pont n’est pas la destination, il permet juste de passer d’une rive à l’autre, d’un régime légitime à l’autre. Et Goïta est en train de saborder l’esprit de la transition, en voulant être la destination.

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Avoir le soutien du Peuple, c’est lui dire que la junte le couvre de honte en estimant avoir besoin de 5 ans pour faire des élections, alors que le pays, dans les années 90, était l’un des symboles de la démocratie en Afrique, avec des alternances exemplaires. C’est pourquoi, après l’intermède du coup d’Etat de Sanogo, le Mali avait rapidement retrouvé ses réflexes et traditions démocratiques, comme la Gambie après Jammeh. Malgré le cycle des coups d’Etat, le Mali n’a pas perdu ses traditions et reflexes démocratiques. Et il appartient avant tout au Peuple malien, de rappeler Goïta à l’ordre. Il avait d’ailleurs commencé à le faire, car les Maliens, la Société civile et surtout les hommes politiques maliens, qui pensaient utiliser Goïta comme raccourci vers le pouvoir, avaient commencé à se réveiller avant que les excès de la Cedeao n’arrêtent la lame de fond démocratique qui se préparait.

Aujourd’hui, la Cedeao est devenu le rempart de Goïta, car ni la Société civile, ni encore moins l’opposition, n’a plus de marge de manœuvre, à cause d’un manichéisme qui arrange la junte, qui fera naturellement croire qu’être contre Goïta, c’est forcément être pour la punition collective du Mali avec les sanctions. C’est ce que fait le régime des Mollahs au pouvoir en Iran, depuis 1979. Et ça leur réussit très bien. Depuis que le Burkina a lancé la deuxième vague démocratique en Afrique, en chassant Blaise Compaoré, la survie ou le progrès démocratique dépend plus des causes endogènes que celles exogènes, comme ce fut le cas avec la première vague lancée à la Conférence de la Baule. Sur ce plan, on peut faire confiance au Mali, qui a des traditions démocratiques très fortes et avait réussi à faire partir Moussa Traoré le tyran, à faire abdiquer IBK le fainéant, avant que les putschistes ne confisquent le fruit mûr qui allait tomber de lui-même.

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La tragédie dans la surenchère entre le Mali et la Cedeao, est qu’elle éloigne, fait oublier l’essentiel dont dépend la survie du Mali : le temps. Ce temps, qui est l’allié le plus précieux des jihadistes et l’ennemi le plus redoutable de la survie du Mali. IBK en a fait perdre, des précieuses années au Mali. Goïta est sur la même voie, ce qui fait que ses coups d’Etat sont plus dans la continuité que dans la rupture.







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