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Hommage D’un Neveu ÉplorÉ À Son Remarquable Oncle Cheikh NgaÏdo Ba

NGAIDO ! Que Dakar est vide sans toi vieil ami de plus de cinquante ans comme tu aimais nous le rappeler, Cheikh Sy et moi, ton autre inséparable ami. Il aura fallu ton départ pour que je me rende compte de la vacuité de la capitale sénégalaise.

Tu n’étais pas seulement mon compagnon de tous les jours, tu étais aussi mon autre moi-même auquel me liait, au-delà de l’amitié, une parenté découverte tardivement grâce à ta généreuse attention un jour que nous rentrions d’une visite à Pire toi, Cheikh Sy et moi-même. Ce jour-là, tu m’as fait découvrir Pire : sa mosquée, son cimetière où sont enterrés mes grands-parents paternels (ce que j’ignorais avant cette visite).

Tu m’as fait découvrir aussi la bibliothèque enfouie de notre ancêtre commun Khaly Amar Fall. Il m’est, jusqu’à ce jour, difficile de m’exprimer sur la personne de mon oncle NGAIDO. Ma timide personne sachant que parler d’autrui revenait à parler de soi.

Sachant que ma modeste personne ne saurait tenir la comparaison devant cet oncle, j’ai longtemps hésité. J’ai tant réfléchi, j ai tant pensé mais l’affection à l’endroit de cet oncle exceptionnel a fini par l’emporter. Débateur redoutable, il avait le sens de la rhétorique. Me reviennent encore à l’esprit nos échanges animés et courtois qui meublaient nos soirées. Il me suffisait de traverser le hall de notre immeuble, de sonner au deuxième étage à son appartement où il m’accueillait affectueusement par un : « je t’attendais mon cher neveu ».

Tonton Cheikh était un fin lettré avec une culture immense. Il était ce qu’on a l’habitude d’appeler un homme de culture. Doté d’une mémoire phénoménale, il pouvait vous raconter dans le détail ses joutes oratoires avec ses amis socialistes.

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Sa connaissance de l’histoire du Sénégal faisait pâlir de jalousie bon nombre de soi-disant historiens. Il m’arrivait souvent de louer son encyclopédique connaissance de l’histoire de notre pays : les conquêtes de Mabadiakou Ba, son ancêtre paternel, les affrontements entre le Cayor et le Baol, le Djolof et le Walo …nourrissaient souvent nos discussions nocturnes.

La naissance du Sénégal moderne n’avait aucun secret pour lui. Il en connaissait toutes les intrigues et alliances jusqu’aux petites anecdotes qui pouvaient pimenter nos échanges. Véritable dandy dakarois, il était bien reçu dans tous les endroits où la culture a droit de cité.

Dans ses évocations de l’histoire du Sénégal, lui tenait particulièrement à cœur la rencontre entre Thierno Souleymane Baal et Abdel Kader Kane, symbiose parfaite de deux esprits qui donna naissance à la « Révolution Toorobbe » de 1776 avec pour substratum la charte de l’Almamyat du Fouta Toro. Cette révolution, aimait-il à rappeler, précéda toutes les révolutions du monde moderne à commencer par celle de 1789 en France. Notre rencontre ne saurait être datée. Tellement elle remonte à longtemps. Une chose était certaine, elle remontait à plus de cinquante ans. Nous nous nommions lui, Cheikh Sy, et moi « les amis de plus de cinquante ans ».

Le jeudi soir, au-delà des autres jours, nous réunissait. Les deux Cheikh et moi avions depuis longtemps décidé de n’admettre personne dans nos soirées du jeudi. Elles étaient réservées exclusivement aux amis de plus de cinquante ans. Quand nous sommes nous rencontrés ? Cela devait remonter au temps où, jeunes idéalistes, nous rêvions de révolution. C’était au temps où une petite barbe naissante, un anango sur le dos, un béret sur la tête, des padams ndiakhens aux pieds et une belle rhétorique sur la dictature du prolétariat faisaient de vous un révolutionnaire. Ces années nous avaient soudés, et nous les évoquions souvent avec nostalgie lors de nos interminables soirées. Cheikh Ngaïdo Ba et Cheikh Sy, ces deux êtres remarquables sont partis à quelques jours d’intervalle.

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Dieu les accueille en Son Paradis… On ne peut évoquer NGAIDO — Homme de culture multidimensionnel, cinéaste, chroniqueur, écrivain (au moment de sa disparition, il travaillait à la publication d’un ouvrage sur son défunt ami socialiste Ousmane Tanor Dieng (OTD) — sans parler de sa dimension politique et sociale. Comme il aimait à le dire, il n’était d’aucun parti mais il épousait toutes les causes justes. « Je suis Sénégalais » aimait- il répéter pour expliquer pourquoi il pouvait être socialiste aujourd’hui, libéral demain, apériste… sans jamais être militant.

Combien de fois l’ai-je vu pendant la période de tabaski aider un père de famille à s’acquitter de son devoir sacrificiel ? Je me suis longtemps emmuré dans un silence pesant ne pouvant m’exprimer tant ma douleur était immense durant cette Annus Horribilis qui a vu disparaître tant de mes proches : Daouda Niang, Saidou Guindo, Mohamed Sall Sao, Aissatou Sy, Nour Eddine Sail (l’autre amoureux du cinéma) et tant d’autres qui me sont si chers.

Prions pour que ces êtres, remarquables à tous égards, se retrouvent dans les prairies célestes du Paradis éternel de notre Seigneur. Ameen !

De Paris : Le neveu, l’ami de plus de 50 ans Bocar SY







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