Le 06 mai 2012, Nicolas Sarkozy, sentant la tournure prise par l’élection présidentielle qui donnait à François Hollande la victoire, était monté au créneau rapidement. « Je porte toute la responsabilité de cette défaite, je ne suis pas un homme qui n’assume pas ses responsabilités. Il me faut en tirer toutes les conséquences », avait-t-il déclaré au palais de la Mutualité à Paris. Seulement Nicolas Sarkozy n’est pas Macky Sall. Macky Sall non plus n’est pas Nicolas Sarkozy.
La comparaison ne saurait être de mise tant les personnalités des deux hommes sont comme la nuit et le jour. Mais les deux hommes partagent une chose. Ils sont des hommes politiques qui ont eu des trajectoires différentes, mais ils ont été exposés à un moment à la sanction populaire. N’allez surtout pas dire que Macky Sall doit être extirpé des locales. Une telle assertion n’est pas honnête et ne rend pas service à l’homme puisque les tenants d’une telle thèse pourraient pousser le chef de l’Etat à s’enfermer dans un déni politique. Or le ressac est vite arrivé. Il est d’ailleurs proche avec les Législatives prévues au mois de juin prochain.
Le déni de la responsabilité est destructeur lorsque les enseignements n’ont pas été tirés par ceux qui doivent le faire. Les locales ont été un véritable référendum. La Bérézina subie par Macky Sall est illustrative de la forme référendaire prise par les Locales de dimanche dernier. La défaite subie par ses troupes dans les grandes villes comme Dakar, Ziguinchor, Kaolack (où c’est quand même son poulain, Serigne Mboup qui a gagné), Thiès, Rufisque, Guédiawaye et certainement Pikine porte essentiellement l’empreinte du président Macky Sall.
La chute de ces villes importantes autant par la densité de leur bassin électoral que par leur symbolisme est un message très fort à décrypter pour le président de la République. Il est le seul et unique responsable de cette Bérézina électorale. D’abord en voulant toujours d’être le dieu suprême, l’Alpha et l’Oméga de BBY, qui veut faire de lui à chaque occasion le détenteur unique des trajectoires politiques de tous, Macky Sall voit se renfermer sur lui le piège que lui tendent ses alliés. Toutes les investitures ont été faites dans le secret de son bureau.
Les consultations de ses partenaires de premier plan (PS et AFP) n’ont été que de pure forme. Macky Sall a été le seul à réaliser son casting des investitures qui ont été contestées des fois avec succès (à Kolda avec Mame Boye Diao, à Diass avec Mamadou Dione) mais la plupart du temps se sont soldées par des défaites électorales. Des listes parallèles issues des flancs de Benno Bokk Yakaar (BBY) ont participé à la défaite de la coalition présidentielle dans beaucoup de localités. Elles sont la manifestation de rejet du mauvais casting des investitures de Macky Sall.
Ensuite, la responsabilité du président a été surtout de n’avoir pas laissé les populations lui transmettre leurs choix des hommes et des femmes qu’ils jugeaient les plus aptes à diriger leurs collectivités. Une telle stratégie permettait d’éviter le parachutage d’hommes et de femmes qui, même s’ils occupent des postes de ministres ou de DG, n’étaient pas en réalité porteurs de voix. Et le pire, c’est de brandir une épée de Damoclès sur la tête de ces ministres et Dg pour les menacer de la guillotine en cas de défaite. Au finish, ce 23 janvier, toute cette stratégie a été un échec qui porte l’empreinte du président Macky Sall.
En outre, la responsabilité du président, c’était aussi cette incapacité à avoir une lecture politique de la menace de Yewwi Askan Wi (YAW). La réponse à apporter à cette coalition n’a pas été bien pensée par ceux qui conseillaient le chef de l’Etat. YAW réunit des ténors comme Khalifa Sall, Ousmane Sonko, Barthélemy Dias et Serigne Moustapha Sy. Chacun de ces quatre dirigeants pris isolément détenant une bonne base électorale, l’union de leurs forces ne peut donc que donner lieu à un ouragan électoral. Surtout, la responsabilité du président, c’est d’avoir raté son link avec la jeunesse du pays.
Malgré tous les derniers efforts faits dans le cadre du projet pour l’emploi des jeunes « Xeyu Ndaw Yi » avec à la clef un financement de 450 milliards de frs sur trois ans, la jeunesse a été le véritable acteur de la défaite de BBY lors de ces locales. Les jeunes sont massivement sortis pour accompagner partout sur le terrain les différents dirigeants investis par l’opposition. La réalité, c’est que Macky Sall, un président né après les indépendances, n’a jamais pu parler à ses jeunes. Il est rarement vu sur un terrain de basket, de football, se joindre à des jeunes pour prendre le thé. Et pire, l’habillement du président ne fait pas jeune.
Rêver de voir Macky Sall en jean ou en basket ou en tee-shirt n’est pas envisageable chez l’homme qui préfère l’habillement traditionnel, mais surtout s’accoquiner à une vieille garde comme le président de l’Assemblée Nationale Moustapha Niass qui frôle les 90 ans. Macky Sall préfère s’agenouiller devant les marabouts plutôt que d’aller dans les concerts où s’amusent les jeunes. La génération des 20 ans qui a investi massivement les urnes ce dimanche ne se reconnaît évidemment pas dans des dirigeants du siècle dernier.
Macky Sall est jeune dans l’âge, mais il est vieillot dans l’esprit et dans les actes. Il est trop vieux dans le comportement et les actes pour parler aux jeunes. Bref, comme Nicolas Sarkozy, sa responsabilité est totale et entière dans cette Bérézina subie par son camp ce dimanche. En acceptant cette responsabilité, il entame le chemin de la prise de conscience politique que ce 23 janvier a été une sanction politique contre lui essentiellement. Il doit en tirer les conséquences politiques pour éviter le drame politique du président Wade qui, en 2009, après avoir perdu l’essentiel des grandes villes de notre pays, n’avait pas décrypté le message des populations. Trois années après, en 2012, il était balayé par son ancien Premier ministre Macky Sall.
A présent, c’est à ce dernier de décrypter très rapidement le message que lui ont adressé les Sénégalais ce dimanche afin de ne pas rater le virage des législatives de juin prochain. Mais surtout celui de 2024 à propos duquel nos compatriotes attendent un signal fort. En attendant, l’urgence, pour le président de la République, c’est de remobiliser ses troupes, de structurer son parti et sa coalition pour essayer de les réconcilier avec les Sénégalais. Sinon…