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Le RÉcit RÉpublicain Face À La Vague Populiste

La campagne pour les élections territoriales et les interprétations des résultats qui en sont issus confirment, s’il en était encore besoin, l’abaissement du niveau du débat public. A la vacuité des propositions s’ajoutent des tiraillements puérils sur le camp des vainqueurs et celui des vaincus. Pendant ce temps, l’école républicaine ploie sous les grèves incessantes, les effets du Coronavirus demeurent violents pour des milliers de ménages, les hordes jihadistes sont à nos portes et le vent des putschs militaires souffle sur la sous-région. Mais selon les hommes politiques sénégalais, l’urgence est le décompte du nombre de conseillers municipaux ou la couleur partisane de la carte du pays. C’en est presque terrifiant.

La campagne des municipales et départementales a eu comme fil rouge un débat entretenu par un conglomérat d’hurluberlus sur l’homosexualité. Ils auraient, selon un certain nombre de commentateurs, influé sur la perte par la majorité de certaines collectivités locales. Je n’y crois pas. Mais en revanche, ce que je sais, c’est qu’une alliance s’est dessinée entre ces faux-dévots, excessifs donc insignifiants, et une partie de la classe politique qui ne se situe pas dans l’arc républicain. En l’occurrence je pense au parti Pastef dont les résultats remarquables dans certaines communes confortent mon inquiétude sur une vision politique dangereuse, extrémiste et rétrograde qui pourrait embraser le pays. L’extrême-droite que représente ce parti et certains de ses alliés politiques et au sein de la société, gagne du terrain, c’est indéniable. Ce courant peut mobiliser des jeunes afin de les jeter dans la rue et semer le désordre sur la base de mensonges et de manipulations. Je me suis fait depuis longtemps une religion sur les hommes qui dirigent ce parti. Mais ce qui me chagrine est qu’ils puissent recevoir l’onction de mouvements politiques soucieux de la République et de personnalités connues pour leur sens élevé de l’Etat. Or, on ne discute pas avec l’extrême-droite, on la combat au plan des idées et sur le terrain des luttes sociales, notamment auprès des jeunes dont l’avenir incertain est un terreau fertile aux aventures identitaires.

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Je le remarque pour m’en désoler : le combat pour la République n’intéresse plus grand monde. Journalistes, politiques et autres commentateurs s’en limitent à ce qu’il y a plus de abject en politique : le renoncement aux idéaux de la démocratie, la défiance vis-à-vis des institutions, le culte de l’ignorance, l’excès verbal et la sacralisation de la médiocrité. Dans l’opposition comme dans la majorité, je suis sidéré de constater le désert républicain qui s’accroît et la volonté de conquérir ou de garder le pouvoir par la violence verbale ou physique. La responsabilité sur l’état de notre démocratie incombe d’abord au régime dont de nombreux acteurs se soucient si peu de la République, du sens de l’Etat et de la consolidation de la Nation. Le populisme émerge sur le lit des renoncements de ceux qui gouvernent, de leur incapacité à répondre aux aspirations des citoyens. Je constate amèrement au sein de la majorité une lutte des places afin d’accéder aux sinécures que le pouvoir en Afrique sait distribuer, au lieu d’une ambition de servir l’Etat. Une gouvernance, si elle est dépouillée du savoir, de la culture et des idées, court vers la défaite, mais, pire, dans sa chute elle risque de provoquer l’effondrement de la Nation.

Le chef de l’Etat va bientôt remodeler son attelage gouvernemental. La distinction savamment orchestrée par la presse et les analystes, certainement par négligence ou par paresse intellectuelle,  entre politiques et technocrates, me semble futile et inappropriée. Au-delà d’un changement d’hommes, il s’agirait à mon avis, de procéder à une réorientation de la marque gouvernementale, de poursuivre les réformes tout en mettant en exergue une volonté de doter cette jeunesse en proie au désespoir, d’outils pour faire face à l’hiver populiste qui s’annonce, prospérant par la manipulation et la duperie.

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Les mesures techniques, aussi efficaces soient-elles, me semblent inutiles pour faire barrage à cette vague rétrograde qui se forme au sein du corps social et qui va à l’assaut des institutions. Il s’agit de penser le pays dans une perspective historique, dans la volonté de l’insérer dans un grand récit républicain, au lieu de se limiter à une gestion quotidienne qui, parce qu’elle est dénuée d’ambition, nourrit les velléités populistes et leur projet dangereux.

Notre société, cimentée par la République, est menacée par des fractures internes. Maintenir intacte la Nation doit, au-delà de la technicité, être le fait d’une projection sur l’imaginaire républicain et les grands desseins qui nécessitent une unité, dans la diversité. Un nouveau récit national s’impose : celui d’un pays prêt à faire advenir le rêve d’un Sénégal apaisé et prospère, qui sacralise l’école, la culture, la fraternité et l’humanisme. Il s’agit de bâtir un pays qui ne cède pas à la tentation de la rétractation, mais qui continue à s’ouvrir aux apports fécondants du monde.







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