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Wade, Naturellement

Le Président Abdoulaye Wade mérite d’être immortalisé dans la pierre et dans les esprits, pour deux raisons. Il mérite d’être immortalisé dans la pierre pour avoir ouvert la boite de Pandore de la démesure et les portes de l’hubris en 2000. Que serait Dakar aujourd’hui sans l’Autoroute à péage ? 

Que serait Dakar sans le Monument de la Renaissance, devenu la carte de visite de notre capitale, comme la Tour Eiffel pour Paris et la Statue de la Liberté à New York. Dans notre jeune histoire, Senghor a fait la Nation et posé les bases d’un Etat que Diouf a renforcé, alors que Wade, en ouvrant les portes de l’hubris, a posé les jalons qui sont en train de nous permettre de passer d’un Sénégal indigent au Sénégal Emergent. L’Emergence a une affinité élective avec la démesure et la grandeur. Chaque fois que je prends le péage, je ne peux m’empêcher de penser que la route secondaire de Wade est deux fois plus grande que la route principale que nous avions sous Diouf.

Il y a quelque chose de profondément napoléonien chez Wade qui, comme le Corse, pense que «l’impossible est le refuge des poltrons et tout ce qui est grand est beau». Le linguiste Pathé Diagne a raison en disant que «Wade clôt le cycle senghorien», car il est de la génération de la lutte des indépendances, de la construction des nations et Etats en Afrique, mais il ouvre aussi un autre cycle, celui de la fin du complexe colonial et des «débats africains» sur la colonisation, les frontières, pour se lancer dans la course économique vers l’Emergence comme la Chine, la Malaisie, Singapour.

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Les Chinois et les Malaisiens, qui ont émergé, se sont lancés dans la course, nous laissant devant le mur des lamentations pour dénoncer la détérioration des termes de l’échange. Diouf a honoré Senghor, Wade a ressuscité historiquement Blaise Diagne, Macky Sall a réhabilité Mamadou Dia et a honoré hier Diouf et aujourd’hui, Wade. C’est ça l’exception sénégalaise sur le plan politique, dans un continent où souvent la place d’un ancien chef d’Etat est soit l’exil, la prison ou la tombe.

Wade, au-delà du béton, doit aussi être honoré dans les esprits, parce que sans Wade, il n’y aurait pas cette exception sénégalaise qui fait notre fierté. 

Les deux piliers de l’exception sénégalaise sont deux grands hommes de grande culture, Senghor et Wade. Il n’y aurait pas d’exception sénégalaise si Senghor, à l’instar des contemporains, avait supprimé le jeu démocratique au profit des partis uniques qui étaient la règle. Cette volonté de Senghor de faire confiance à la démocratie, n’aurait pas marché s’il n’avait pas en face de lui, un homme de la dimension de Wade, qui accepte de jouer le jeu de l’opposition légale, alors que la mode était à la guérilla et aux oppositions subversives, financées de l’extérieur avec la guerre froide. Aujourd’hui, à l’heure du bilan, les excès de Wade durant ses deux mandats, paraissent bien insignifiants comparés à ce qu’il a apporté à notre démocratie, dont il a été un des piliers en tant qu’opposant, le centre quand il a été Président, et une réalité incontournable depuis qu’il a quitté le pouvoir.

Napoléon disait que sa vie était un roman, celle de Wade est un roman politique. Depuis 1974 jusqu’à nos jours, rien ne s’est fait sans lui sur le plan politique. «Au commencement de ce siècle, la France était pour les nations, un magnifique spectacle. Un homme (Napoléon) la remplissait alors et la faisait si grande qu’elle remplissait l’Europe.» Ainsi parlait Victor Hugo dans son discours de réception à l’Académie française. Lors des indépendances africaines, le Sénégal de Senghor était ce spectacle magnifique dont parle Hugo, et remplissait le continent sur le plan culturel et symbolique. 

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En 2000, Wade, qui a toujours cru qu’il était l’héritier légitime de Senghor, a voulu aussi remplir le continent avec son Nepad. Aujourd’hui, ce sont Macky Sall, un héritier de Wade, et tout un pays qui sont un magnifique spectacle pour le continent, avec une victoire en Coupe d’Afrique, la présidence de l’Ua, le premier Goncourt d’Afrique noire, un premier Ter en Afrique de l’Ouest, mais surtout un pays de liberté, de tolérance, qui sait se «maintenir contre vents et marées», comme disait Goethe.

Le Sénégal, après avoir été une exception démocratique, a plus de chance d’être l’exception économique, parce que pendant que nos voisins vont de transition politique en transition politique, le Sénégal se construit, alternance après alternance, et génération après génération.







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