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Faut-il Instaurer Une Loi Sur L’Éthique En Politique ?

De Matam à Guédiawaye, en passant par la Médina, des hommes politiques se sont illustrés de manière très peu orthodoxe, à travers des actes que ni l’éthique, ni la morale, encore moins les religions ne sauraient admettre dans une société humaine où les citoyens se respectent.

Certes, les faits en cause ne sont pas inédits, dans l’histoire politique de notre pays. Mais cette fois-ci, l’indignation des citoyens a atteint un niveau jamais égalé, en raison du contexte lié aux élections locales du 23 janvier 2022. A Matam, le mandataire d’une coalition s’est permis de disparaître avec la liste, bien au-delà du délai de dépôt requis. Sa réapparition lors d’une audience avec le président de la République, dans une posture et des images fort gênantes, avait fini de jeter un véritable trouble moral dans les esprits. Le caractère répréhensible de l’acte qu’il a posé au détriment de sa coalition a été fortement condamné, jusque dans le camp de la majorité présidentielle. La justice sénégalaise elle-même finit par rétablir les plaignants dans leur droit.

Au lendemain de la proclamation définitive des résultats des élections locales, alors que la forfaiture de Matam planait encore, le tollé soulevé n’a pas eu un effet dissuasif sur un maire nouvellement réélu. A l’issue d’un scrutin âprement disputé, il s’est permis d’aller rejoindre le camp contre lequel ses propres électeurs s’étaient vaillamment battus. Des suffrages échangés contre un « trophée » qu’il n’hésite pas à brandir, à travers des remerciements et éloges à l’égard de son bienfaiteur. Pas besoin d’un dessin pour deviner toute la frustration, l’indignation et l’humiliation de ses partisans de la majorité présidentielle, déposés sur le quai, au moment où ils se projetaient vers un nouvel horizon électoral et politique. A Guédiawaye, le scénario est presque identique. A l’occasion du vote du conseil municipal, des conseillers élus sous la bannière d’une coalition, contre toute attente, se sont tout bonnement ralliés au camp défait, remettant ainsi en cause le choix des électeurs. Face à un tel retournement de situation, de fortes présomptions de corruption sont véhiculées au sein de l’opinion pour expliquer une telle forfaiture.

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Détournement «postélectoral»

Ces hauts faits de « détournement postélectoral » auraient été peut-être moins choquants, si leurs auteurs, dans un tonitruant bavardage qui frise la moquerie, n’avaient pas monopolisé la parole pour tenter d’expliquer, sans convaincre presque personne, leur acte répréhensible. Assurément le référentiel des valeurs a changé dans notre pays ! Jadis, dans l’histoire de nos sociétés, lorsqu’un seul individu commettait un acte mettant en cause la crédibilité et l’image de sa famille, c’est sa tribu toute entière qui quittait définitivement le lieu de son forfait, pour aller se réfugier ailleurs. Dans un territoire où leur crime était encore ignoré. Aujourd’hui, ce sont ces individus qui se pavanent comme des paons de basse-cour, narguant au passage ceux qui s’indignent de l’indécence de leurs actes. Et comme rançon de leur basse besogne, ils perçoivent des prébendes en termes financiers, matériels et/ou de sinécures. A des actes blâmables de telle nature, l’on pourrait en ajouter d’autres, qui procèdent de la même démarche, consistant à ne dévoiler ses véritables intentions et décisions futures que lorsqu’on a fini de bénéficier du suffrage des citoyens. Ces attitudes jurent d’avec l’orthodoxie et les principes qui fondent une véritable démocratie, ne serait-ce que du point de vue des civilités qui s’imposent en matière de relations sociales. Elles devraient emmener la classe politique à s’interroger sur la nécessité et l’urgence d’instaurer un code et une loi sur l’éthique afin d’assainir et de consolider la démocratie.

Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma disait…

En plus de ce code d’éthique, la prochaine législature devrait particulièrement envisager le vote d’une loi dissuasive ou un verrouillage juridique, permettant aux citoyens de récupérer le mandat de tout auteur de transhumance politique, consécutive à un détournement de suffrages des électeurs. A travers un recours collectif (ce qui n’existe pas encore chez nous ? ) ou bien un mandat impératif encadré (ce qui est pour le moment interdit par la Constitution), les électeurs victimes de telles pratiques, devraient disposer d’une législation leur permettant de faire perdre son mandat a quiconque qui aura trahi leur choix, en allant vendanger leurs suffrages. Certes, un tel dispositif éthique et légal, si dissuasif qu’il puisse être, n’empêchera pas certains malfaiteurs politiques de se livrer à ces pratiques malsaines. Et pour cause ! L’éthique est d’abord et avant tout le gendarme de la conscience de chaque individu. Elle ne concerne donc que ceux qui se soucient des conséquences des actes qu’ils sont appelés à poser en toutes circonstances. L’argument qui voudrait que chacun est libre de s’allier avec qui il veut est totalement irrecevable dans le cas d’espèce. En effet, tout homme politique a l’obligation de veiller à la fois sur ses propres valeurs d’éthique qui relèvent de son domaine privé, mais aussi sur les valeurs d’éthique politique, lesquelles concernent le bien commun. Pour cette dernière, aucune marge de manœuvre n’est tolérée à tout dépositaire d’un mandat électif. Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma, à la fois homme religieux et référentiel d’un modèle de leadership achevé, ne disait-il pas à propos de celui qui a « vendu » sa dignité, « qu’il n’en avait jamais eu » ? Car, ajoutait-t-il, « la dignité est une valeur si sacrée chez l’humain, que pour rien au monde on ne saurait s’en débarrasser, et cela quel qu’en soit le prix »

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