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BÂtir Une Équipe Et Fabriquer Un ÉvÉnement Pour Un HÉritage Durable

Que laisseront au Sénégal les JOJ ? Comme dans toutes les organisations de ce genre, il y aura certainement des bénéfices palpables, visibles (équipements et installations sportives) mais il y a aussi ce qui relève du non quantifiable, non chiffrable, non palpable. Il s’agit essentiellement de valeurs et de sentiments comme par exemple, le sentiment de fierté et les valeurs permettant de fédérer un peuple sans oublier l’idée que seul le travail permet des résultats tangibles.

Et tout ça, mon cher Aliou, on vient de le vivre pour la première fois de l’histoire de notre peuple, grâce à toi et tes garçons comme tu te plais à les appeler affectueusement. Pour cette raison je dis que tu as réalisé un véritable job d’architecte avec des fondations, une création et un héritage. Oui Aliou : bâtir une équipe compétitive, créer un événement et tracer des perspectives pour un héritage certain. Ce n’est vraiment pas loin d’une œuvre architecturale.

Les fondations : bâtir une équipe compétitive

Dans l’intervalle des années 60/90, le football sénégalais est en pleine traversée du désert. De 1968 à 1986, l’équipe nationale est absente de la CAN. Les défaites au premier tour des coupes d’Afrique sont monnaie courante pour les clubs. Au point que le vécu de l’épopée de la JA du président Oumar Seck dans les années 80 apparait toujours et encore comme un exploit extraordinaire. Quelle différence avec les années 50 et surtout quel contraste avec l’équipe nationale de Cissé qui trônait depuis quelques années sur le toit de l’Afrique au classement FIFA ! Constance et régularité des performances, marque du haut niveau dans le sport, caractérisaient notre équipe. C’est un long processus qui a permis cela. Il a fallu mettre en place une équipe, la plus compétitive possible pour aller cherche ce trophée.

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Pour cette raison, Aliou, tu es aussi un bâtisseur car ce n’était pas du tout évident, au départ de ton magistère, de mettre en place ce collectif extrêmement difficile à manœuvrer pour les adversaires qu’est devenue l’équipe nationale de football du Sénégal. On prendra le temps de tout raconter un jour. Pour l’instant retenons que lors de cette CAN, un collectif soudé a gagné. Oui, des concours de circonstances ont permis de voir un collectif à l’œuvre. Par exemple, les joueurs qui ont démarré la CAN ne sont pas ceux qui l’ont terminé. La phase de poule qui a été, à tort à mon avis, qualifié de « poussive » a permis de voir à l’œuvre la richesse de l’effectif qui été à la CAN. C’est l’épilogue d’une longue période de recherche de la combinaison la meilleure pour avoir une équipe, pour construire un collectif solide et difficile à manier. C’est tout à l’honneur de notre équipe que certains observateurs classaient parmi les favoris sinon le favori de la CAN et on a, malgré quelques frayeurs inhérentes aux compétitions sportives, tenu notre rang de première nation africaine au classement FIFA depuis près de 4 ans.

La création d’une œuvre : fabriquer un événement.

Dans notre effectif, il y a beaucoup de joueurs de classe. On le sait ! Le football réaliste que pratique l’équipe ne plait pas à quelques « puristes » qui croient que le public n’aimera son équipe que par la flamboyance de son jeu. Ce n’est pas du tout le cas. Le public aime aussi et surtout les victoires. Ainsi avec sérieux le Sénégal fait souvent le plein de points dans toutes les compétitions ! C’est ce constat qui fait que notre très versatile opinion publique, boostée par la victoire finale à la CAN, se met à croire à nouveau à cette équipe pour aller encore briller en coupe du monde alors qu’’on a même pas encore fini de jouer tous les matchs de qualification.

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Tant mieux si la confiance est revenue avec force. Elle est d’autant plus revenue avec force que, mon cher Aliou, à l’occasion de ce dernier tournoi, tu n’étais plus le coach mais, un « créateur d’émotions », un fabricant d’événement au sens où l’entendent les sociologues du sport. Chez ces derniers, l’événement est un déclencheur de changements, une rencontre entre une situation et son retentissement. Ainsi, un événement n’existe pas parce qu’il a été annoncé comme tel. Ce n’est pas non plus ce qui est vécu comme tel.

Un événement suppose la conjonction de quatre facteurs que les lecteurs me permettront d’emprunter à Michael Attali : « Il faut d’abord une intensité produite par son déroulement (production de records ou de situation provoquant l’émoi) ; l’imprévisibilité constitue un second indicateur de l’événement (des faits non prévus sont provoqués par sa tenue) ; son retentissement au-delà de la sphère des individus au préalable concernés (l’événement n’interpelle pas uniquement le monde du sport) ; enfin les conséquences à long terme d’une manifestation fondent un événement… Un fait devient événement en raison de l’attention que provoque son déroulement, lorsqu’il devient un repère temporel qui permet de le situer, parce que son espace d’intéressement déborde celui préalablement défini par sa nature et, lorsqu’il infléchit les tendances antérieures à sa tenue ». Avec la victoire finale pour la première fois dans l’histoire de notre pays, un véritable événement sportif, économique et social a été créé par Aliou Cissé et son groupe. Les retombées se révéleront au des jours, des mois et des ans. C’est ce qui justifie que je disais qu’on ne mesure pas encore toutes les significations de ce toute première CAN pour notre pays.

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La pérennisation de l’œuvre : léguer un héritage ?

A ce niveau de l’analyse, j’ai envie de convoquer la notion d’héritage pour anticiper sur une des éventuelles significations de cet évènement sportif que représente la victoire à la CAN. Ce sera certainement l’objet d’une prochaine production…

Prof. Abdoulaye SAKHO

Directeur du Master Droit et Economie du Sport/Institut EDGE







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