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Consommation De L’eau En Afrique : Un Objectif/ Qualite Toujours Fuyant ! Quelle Solution?

De nos jours, la gouvernance est souvent une gouvernance de crises cycliques (crises par les pénuries de ressources naturelles, crises par les pollutions, crises par les risques technologiques, naturels et politiques, crises par l’inefficacité de l’allocation et le partage des ressources, crises par l’imperfection des marchés, etc.).

Comme tel, et compte tenu de la criticité aiguë du capital naturel ʺeauʺ, la gouvernance de l’eau aussi est, pour l’essentiel, une gouvernance de crises comme de nombreux secteurs.

Depuis longtemps, la sécurité sanitaire de l’eau constitue un objectif programmatique ma¬jeur. Mais, force est de constater que sa maîtrise n’est pas encore effective – nulle part d’ailleurs en Afrique.

Les facteurs bloquants sont nombreux. Toutefois, il semblerait que notre manière de nous y prendre en constitue le principal.

En effet, depuis longtemps, nous avons commis la faute historique de confondre l’objectif/qualité à la potabilisation, donc à la réalisation de la potabilité de l’eau. C’est une erreur !

En réalité, l’objectif/qualité de l’eau est un processus dynamique, un process. Tandis que la potabilité est un état.

Ce processus va de la source de l’eau brute à la bouche du consommateur. La potabilité physicochimique de l’eau n’en est qu’un maillon individualisé.

Ce processus a comme but : la santé (évitement de la maladie liée à l’eau). Ce but ne peut être atteint que lorsque tous les maillons du processus (chaîne de l’eau de boisson) sont maîtrisés et contrôlés- laquelle maîtrise préserve la potabilité depuis la production jusqu’à la consommation.

Or, jusqu’à présent, nous ne contrôlons qu’un seul de ces maillons : la potabilisation de l’eau (site de production). Tout le reste du processus nous échappe.

Nous savons produire la potabilité de l’eau par des procédés physicochimiques de potabilisation. Mais, nous sommes incapables de la conserver jusqu’à destination (la boisson). Après la potabilisation, nous livrons l’ʺintégritéʺ de la potabilité aux aléas du circuit de distribution situés à l’aval.

De la potabilisation à la boisson, l’intégrité de la potabilité de l’eau peut bien s’altérer. Voilà pourquoi l’objectif/qualité programmatique de l’eau serait toujours fuyant. Aucun investissement, aussi onéreux qui soit, aucun programme, aucun plan, n’a pu stopper cette fuite logique de l’objectif/qualité de l’eau.

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Il faut sortir de cette impasse en changeant de paradigme !

Dans ce cas, il faudrait cesser de voir la potabilité comme l’unique déterminant qui vaille pour atteindre l’objectif/qualité de l’eau et plutôt appréhender l’objectif/qualité comme un processus matérialisé par le cycle de vie de l’eau.

Avec ce nouveau paradigme, nous serions amenés à traiter et contrôler tous les maillons de la chaîne de l’eau et delà accéder à l’objectif/qualité de l’eau tant recherchée.

Ces maillons seraient entre autres, la potabilisation (potabilité), l’infrastructure de transport et de distribution de l’eau, les pratiques locaux d’usage, la psychologie du consommateur, la règlementation, l’existence de sources d’eau non conventionnelles, douteuses, etc. – chaque maillon correspondant à un aspect du processus ayant un impact avéré ou potentiel sur la qualité de l’eau donc sur la potabilité. C’est l’unique manière de conserver l’ʺintégritéʺ de la potabilité post-potabilisation jusqu’à l’usager.

Pour étayer ces propos, voyons l’exemple de la psychologie du consommateur ! Dans ce nouveau paradigme, la psychologie du consommateur serait un aspect du cycle de vie de l’eau. Voyons son impact !

Nous savons tous que si la finalité de la potabilité est la garantie d’une nutrition hydrique saine, son expression est l’assurance qu’elle suscite de boire une eau donnée. Pour le sens commun, potabilité est synonyme de «peut être bu», d’ «acceptabilité» à la boisson.

Mais pourquoi une eau peut-elle être bue ?

A cette question, il y a plusieurs réponses qui transcendent la potabilité en tant que telle. D’où l’intérêt d’en débattre pour montrer la plasticité interprétative de la potabilité, une notion pourtant scientifiquement établie. 

Quel paradoxe !

Partons du postulat suivant : La potabilité est un concept absolu par définition (au laboratoire) mais relatif par expérience (à la maison) !

Par définition, la potabilité signifie l’état  d’une eau qu’on peut boire sans danger.

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D’après celle-ci, deux assertions rationnelles sont déductibles – Assertion 1 : la potabilité est un argument suffisant pour boire l’eau – Assertion 2 : la non-potabilité est un argument suffisant pour ne pas boire l’eau.

Logiquement ces deux affirmations établissent une synonymie entre  «potabilité» et «acceptation» de boire l’eau. Elles sont d’ordre rationnel.

Toutefois, la réalité du terrain nous fait découvrir deux autres assertions – Assertion 3 : la potabilité n’est pas un argument suffisant pour boire l’eau -Assertion 4 : la non-potabilité n’est pas un argument suffisant pour ne pas boire l’eau. Elles sont d’ordre irrationnel.

Ainsi, la définition et le vécu de la potabilité par les utilisateurs montrent une antinomie des assertions opposables deux à deux de la façon suivante : Assertion 1  opposable  à  Assertion 3 – Assertion 2 opposable  à  Assertion 4.

On note donc que le concept de la potabilité est absolu par définition  mais relatif par expérience car toutes ces assertions se vérifient dans la pratique de tous les jours chez les utilisateurs.

L’aspect absolu est matérialisé par  la qualité normative de l’eau  laquelle enferme la potabilité dans une caractérisation exclusivement  scientifique. Or, ceci ne correspond pas à la pratique des populations – les consommateurs, n’étant pas armés pour apprécier scientifiquement l’eau, adoptent, parce que doués d’imaginaire affective, une approche mentale et sensorielle de l’eau plutôt qu’une approche scientifique.

L’acte de boire (ou non) une eau n’est donc pas gouverné uniquement par la potabilité. Il obéit aussi à des déterminants psychosociologiques motivant dans certains cas, l’acceptation ou l’inacceptation de boire une eau donnée.

Ainsi, on constate que les populations pratiquent trois types d’ac-ceptation  de boire l’eau : l’acceptation scientifique de boire une eau. C’est sans danger ; l’acceptation mentale de boire une eau. C’est avec (ou) sans danger ; l’acceptation sensorielle de boire une eau. C’est avec (ou) sans danger.

L’acceptation scientifique se fonde sur des paramètres  standards scientifiques. C’est la potabilité à proprement parler (potabilité chimique et potabilité microbiologique, toutes deux renvoyant à des grandeurs  mesurables et observables ou non).

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Par contre l’acceptation  mentale et sensorielle est  basée sur des attitudes respectivement empirique et intuitive du consommateur.

En effet, pendant que l’attitude empirique s’appuie sur des éléments culturels et psychologiques,  non  mesurables et non observables, celle intuitive s’adosse à des caractéristiques organoleptiques observables (couleur, goût, odeur).

Ces trois modes d’acceptation de boire l’eau coexistent au Sénégal avec une prépondérance nette des variantes mentale et sensorielle – l’acceptation sensorielle étant la plus répandue. Cela explique la contestation des populations relativement à l’aspect de l’eau dans certains quartiers.

Au vu de tout cela, nous découvrons que le mental du consommateur constitue un maillon du cycle de vie de l’eau générateur de mobiles irrationnels  susceptibles de motiver l’acte de boire (ou non) l’eau – aux conséquences sécuritaires significatives.

La même analyse pourrait porter sur un autre maillon (aspect) du cycle de vie de l’eau pour identifier d’autres impacts potentiels de nature à altérer l’ʺintégritéʺ de la potabilité de l’eau.

Nous n’avons pas un problème de potabilité de l’eau produite. L’eau produite est bien potable. Nous avons plutôt un problème de conservation de la potabilité jusqu’à destination. Et ça, seule l’analyse du cycle de vie de l’eau le permettrait.

Ailleurs, au-delà du changement de paradigme, il est impératif de brancher tout le monde au réseau d’eau potable afin que cessent les pratiques déviantes de consommation d’eau. Faute de trouver de l’eau potable, les populations peuvent toujours recourir à des sources d’eau dangereuses. Ce qui hypothèque l’objectif/qualité qui n’est rien d’autre que la santé des usagers.

Changeons de paradigme et de méthodes si nous voulons maîtriser la sécurité sanitaire de l’eau pour la paix. Les dépenses de santé qui pèsent déjà lourdement sur nos maigres budgets s’en retrouveraient davantage réduites et la qualité de la population, nécessaire à la productivité économique, optimisée !

Cheikh NDIAYE

Ancien maire de Lambaye







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