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Talaatay Ndeer, Avant Tout Une Victoire Contre La Colonisation FranÇaise

Talaatay Ndeer, Avant Tout Une Victoire Contre La Colonisation FranÇaise

Depuis quelques années, le Sénégal célèbre la Journée internationale des femmes en convoquant son histoire avec beaucoup de fierté. Instituée à l’origine pour revendiquer d’abord un droit de vote avant de s’étendre à d’autres droits socioéconomiques, cette journée n’en constitue pas moins un moment privilégié pour rendre hommage aux illustres héroïnes du pays.

A cette fin, la place des femmes dans le combat politique est mise en évidence, l’histoire investie pour magnifier leurs faits et gestes. Ce qui ne va pas souvent sans exagération ou même sans falsification. Etant donné que cette journée nous rappelle chaque année Talaatay Ndeer et les braves femmes qui s’y étaient suicidées, sans qu’on ne sache les tenants et aboutissants de cet évènement tragique, il y a lieu de s’interroger sérieusement sur cet acte ultime et son contexte. Pourquoi le Waalo avait-il été attaqué en ce mois de mars 1820 et par qui ? Que représente la prise de sa capitale, Ndeer, dans l’histoire politique du pays ? Quelles sont ses conséquences ?

a) Le contexte de l’attaque contre le Waalo en février-mars 1820

Rappelons que la France n’a repris effectivement la colonie du Sénégal (Saint-Louis) des mains des Anglais qu’en janvier 1817. Et le traité de paix lui imposait de respecter la suppression de la traite des Noirs. Ce qui entraînait de facto la ruine de ses établissements en Afrique et aux Antilles. Ainsi, était-elle obligée de «transporter le travail là où se trouvaient les ouvriers et non l’inverse», comme on le disait. Dès lors, pour sauver sa colonie, la France sous la Restauration, avait décidé de s’établir sur le continent pour transformer ses comptoirs commerciaux en exploitations agricoles. C’était la mission principale du Commandant Schmaltz, débarqué à Saint-Louis le 13 mars 1819, avec une ferme volonté, un budget et un plan bien ficelé pour la réaliser. Il avait d’abord envisagé l’occupation et l’exploitation des terres de l’île à Morfil. Mais, l’organisation politique du Fouta et l’hostilité manifeste de ses Almaamis, visà-vis de Saint-Louis, lui firent changer d’avis et opter pour le Waalo qui est plus p r o – che de Saint-Louis.

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Contrairement aux dirigeants du Fouta, les dignitaires du Waalo, à leur tête le Brak Amar Fatim Mborso, avaient accepté de négocier avec le Gouverneur Schmaltz pour trouver, au bout de quelques jours, un accord qu’ils signent à Ndiaw, le 4 ou 8 mai 1819. Celui-ci stipule dans son article deux : «En conséquence de l’article ci-dessus et pour son exécution, le Roi Amar Boye, les chefs ci-dessus dénommés et tous les autres s’obligent et promettent de céder, remettre et transporter à S.M. le Roi de France en toute propriété et pour toujours, les îles et toutes autres portions de terre ferme du Royaume de Waalo qui paraîtront convenables au Commandant du Sénégal, pour la formation de tous établissements de culture qu’il jugera à propos d’entreprendre dès à présent et par la suite ; les dites concessions faites en retour de redevances ou coutumes annuelles qui seront déterminées ci-après. Et en considération du désir qu’ils ont d’augmenter la propriété de leur pays pour sa mise en valeur et le commerce, et des secours qu’ils trouveront dans une alliance avec le gouvernement français.»

Il va sans dire que cet accord ne pouvait pas être sans révolter les patriotes du Fouta, du Waalo et même de Saint-Louis. A commencer par le patriarche du Dimat, Elimane Boubacar Kane, que le Commandant Schmaltz avait cherché à punir pour pouvoir dérouler son programme. En effet, le chef de Dimat, qui a toujours considéré le Waalo comme une dépendance de sa province, qui avait du mal à accepter qu’il soit tributaire de l’Almaamiya sous Abdoul Qaadir Kane, ne pouvait pas laisser la France le contrôler. Ainsi, profitant de l’échec de la rencontre qui devait réunir les dirigeants du Fouta et le Commandant Schmaltz sur la question, Elimane Boubacar forma la plus importante coalition politique sans précédent pour chasser les Mousrikiin (polythéistes) qui veulent assiéger le Dar El Islam avec des camps miliaires au Karta et au Waalo. Il réussit à mobiliser le Dimat, le Kajor, le Trarza, le Brakna, le Fouta sous Almaami Birane Wone, une partie du Waalo hostile au traité, des commerçants de Saint-Louis, sous la bannière anticoloniale et pour punir les dirigeants du Waalo signataires du traité de cession territoriale. Le royaume, diminué par la première attaque surprise de l’armée de Amar Ould Moukhtar, le Roi du Trarza, à Thiagaar, et par la blessure du Brak évacué à Saint-Louis, fut à la merci de la coalition qui y entra sans difficulté en février ou mars 1820. Beaucoup de pertes en vies humaines et de nombreux villages détruits, y compris la capitale Ndeer. Yoro Boly Diaw affirme : «Beaucoup de guerriers en furent tués. A la honte de tomber aux mains des Maures et Toucouleurs, un grand nombre des femmes de la LinguèreAwo, Fatim Yamar, préférèrent se brûler vives dans une grande case, sur la proposition de l’une d’elles, Mbarka, favorite de la princesse.»

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Le déguisement de ces femmes en hommes à la poursuite des envahisseurs avant d’être démasquées, semble être une exagération. Car ce fait ne figure nulle part dans cette source, ni dans la Notice sur le Oualo du Capitaine Azan écrit en 1863, ni dans la Chorionique du Waalo sénégalais en 1961, de Amadou Wade, qui aurait été sous la tutelle de Yero Boly Diaw.

A ce propos, convient-il aussi de noter la confusion Talaatay Nder. La journée qui est restée jusqu’ici dans la mémoire des Waalo-Waalo, que chantait Adja Mbana Diop en toute tristesse, a eu lieu en novembre 1734, lorsque Më Mbodj Kumba Khedj tua son rival, le Brak Yerim Ndate Buubu, égorgea sa tante, la Linguère Ko Ndama qui venait de lui servir à manger. Et lui-même fut tué juste après son intronisation. Le Talaatay Nder serait plutôt attribué à cette journée de tuerie qu’au suicide collectif de la Linguère Fatim Yamar et ses compagnons.

Par ailleurs, il importe, dans cette entreprise de recherche de femmes patriotes résistantes, de signaler le courage de celles de Diowol dans le Nguenar qui tenaient tête, à côté de leurs maris, au redoutable conquérant Koly Tenguella Bâ. Capitaine Steff nous révèle dans son manuscrit intitulé Histoire du Fouta-Toro daté de 1913 : «Réunissant leurs guerriers, ils attendirent les évènements, résolus à se battre jusqu’à leur mort plutôt que de se rendre à ce nouveau chef. Leurs femmes portaient d’avance les vêtements de deuil; préférant voir leurs maris morts plutôt que vaincus.

(…)Les Nguenars étaient vaincus mais n’avaient pas reculé. Les femmes qui encourageaient les guerriers de leurs chants, prenaient la place de leurs maris et, armées de lances, combattaient vigoureusement l’ennemi.»

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b) L’importance de la prise de la capitale, Ndeer, dans l’histoire politique du pays

La prise de Ndeer est avant tout une victoire contre la colonisation territoriale. Elle a bloqué les velléités métropolitaines de recréer les Antilles au Fouta. Les déclarations de Schmaltz permettent de mesurer les conséquences politico-économiques de l’assaut du Waalo par la coalition anticoloniale, jamais il n’a pardonné à Elimane Boubacar d’avoir monté cette coalition anti-française. Il le traitait de tous les noms et l’avait accusé d’être un agent de l’Angleterre. Voyant des ennemis partout, la France était obligée d’abandonner son plan de colonisation agricole et changer de stratégie. Ainsi, les cultures de rente et les infrastructures qui étaient prévues dans la vallée furent transférées ailleurs. La canne à sucre, le coton et l’arachide n’ont pas été semés au Fouta. Les projets de chemin de fer et le port furent délocalisés.

Enfin, il est toujours intéressant d’investir l’histoire pour le renforcement de la fierté nationale et l’armement moral de la jeunesse, surtout en ces moments de défaut de repères et d’agression identitaire. Mais, il importe que les universitaires ne le fassent pas comme des griots ou des religieux à qui on ne confie pas forcément la mission de transmission du savoir documenté ou sourcé.







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