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Bye Bye BollorÉ…

Bolloré manque déjà à l’Afrique ! Par un subtile communiqué, balancé fin mars, l’homme d’affaires français annonce, toutes affaires cessantes, son départ du continent après avoir cédé en totalité sa marque de fabrique Bolloré Africa Logistiques (BAL) à MSC.

Ces initiales, d’apparence barbare -m’enfin !- ne le sont qu’au plan visuel. Elles se déclinent plutôt en Mediterranean Shipping Company pour laisser apparaître un redoutable armateur de porte-conteneurs et de navires italo-suisses. Basé à Genève, il condense en son sein une kyrielle d’activités (croisières, plaisance, transports, logistiques, gestion de ports et de bâtiments).

Pour acquérir BAL aux termes d’âpres négociations menées tambour battant dans une discrétion toute feutrée, MSC a signé un chèque de 5,7 milliards d’euros. Vincent Bolloré empoche ainsi 373 milliards de francs CFA. Et « poussière », comme aiment à le dire le Sénégalais ! Avez-vous bien lu ? Ajustez vos lunettes…

Cette transaction, qui consacre l’opulence du secteur maritime, révèle par la même occasion combien l’Afrique compte (ou pèse) dans les chiffres d’affaires du monde de la manutention. L’activité rapporte. Point besoin d’un dessin pour le comprendre. Et à cet égard, toute la façade atlantique constellée de ports rentables fait l’objet de convoitises souvent planifiées en dehors de l’Afrique et à l’insu de ses dirigeants (politiques et économiques) qui ne sont en réalité que de simples faire-valoir.

D’où la menace qui plane sur nos souverainetés. Elle est peu visible, cette menace. Contrairement à la présence militaire. Pour autant, le commerce portuaire n’en est pas moins florissant. Il constitue même l’armature économique d’un pays. Le Mali et le Sénégal le savent et le vivent surtout en ces temps d’embargo qui frappent le premier et impacte le second sur injonction de la Cedeao face à l’imbroglio politique né de l’intrusion des militaires à Bamako.

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Donc Bolloré rétrocède à un sérieux concurrent 100% de sa marque détenue en Afrique. Ce projet, le Breton le nourrissait depuis longtemps. Entre plusieurs options sur la table, la cession de parts lui semblait la plus opportune, la plus juteuse et la plus sûre, puisqu’un Européen en est l’acquéreur en définitive. Bien évidemment d’autres armateurs, asiatiques notamment, affichaient des prétentions tout aussi fortes que celles de l’opérateur italo-suisse.

Ici se mêlent transactions financières, appétit de puissance, calculs politiques et logiques économiques sur fond d’intérêt bien compris qu’aucun contractuel ne néglige ni n’occulte. Or ces dimensions sont centrales. Mieux, l’enchevêtrement, ou si l’on veut le croisement d’ambition sous tend les négociations dont les enjeux ne sont pas que financiers : ils sont autrement plus géostratégiques.

Bolloré ne quitte pas l’Afrique. Il prépare la relève avec ses fils Cyrille et Yannick en l’occurence. Le premier, pressenti comme l’héritier, tisse sa toile dans les hautes sphères de pouvoir, introduit par un père prévenant et prudent à la fois. Le second coiffe l’activité média et pilote Vivendi qui possède Canal+ en même temps qu’il est actionnaire de Multichoice (pay view), secteurs dans lesquels le Groupe Bolloré entend investir davantage.

En Afrique s’entend, point de mire et lieu d’élaboration de la nouvelle carte d’influence que préparent Vincent (en retrait), Yannick et Cyrille. Ce dernier, adoubé par certains chefs d’Etat Africain commence à prendre ses aises, se familiarise avec les pratiques en cour dans les Palais présidentiels et se lie d’amitié avec quelques rejetons moins ostensibles et sûrement plus fréquentables. Tout en évitant ceux dont les frasques horripilent l’opinion africaine très remontée contre une « certaine idée » de la France. Le rejet de la France s’explique.

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Ce basculement dans l’influence, Bolloré père l’a mûri aux détours de bravades, de dénonciations, de révélations ou de campagnes de protestations contre des prévarications au Cameroun, au Gabon et au Congo où règnent dans l’absolu de véritables potentats très peu regardants sur la gouvernance mais surtout usent des richesses (pétrole, gaz, bois) de manière despotique. Il a mal vécu la curiosité « malsaine » de la presse sur ses propres affaires. Il y voit de la médisance et, surtout de la jalousie qui frise la haine dans ce qu’il appelle des succès à l’étranger.

Pendant longtemps le Français a fréquenté ces dirigeants au point de leur ressembler étrangement. Il ne supporte pas la contradiction et ne s’accommode guère des critiques. Meurtri par les enquêtes et les reportages, si ce ne sont des investigations, Bolloré rumine ses chagrins. Dans son esprit se télescopent les intentions.

En clair, il veut s’accaparer des médias et pour ce, rachète des organes et des titres déliquescents, les renfloue tout en changeant avec fracas les directions remplacées par des proches capables de relayer son message et de traduire sa pensée « sans en avoir l’air ».

Bolloré a compris la puissance des médias devenus les vecteurs de la « soft power ». Il y croit. Pire, il découvre avec étonnement que les médias sont financièrement fragiles. Il investit et s’arroge des « droits de regard » que fustigent des rédactions très attachées à l’indépendance ou aux libertés.

Le patron breton n’en a cure. Il s’enhardit même d’injecter des liquidités dans la presse dont il réorganise le « business model ». Pour lui, cela rapporte gros « comme au loto » avec moins de charges à la clé. Pour y arriver, le Breton convainc le président Congolais, Denis Sassou NGuesso , 37 ans au pouvoir et,« affectueusement appelé l’Empereur » par ses pairs.

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Médiateurs dans diverses crises, le Président Nguesso multiplie les apparitions dans les tribunes internationales : Climat à Paris, Présidence de l’Union Africaine, Conférence sur le Bassin du Congo. Bolloré s’en réjouit et se caresse le menton. Les médias sous son contrôle adoubent le VRP du Congo qui se délecte de soutenir des entretiens « bien ficelés » à Paris. Pendant ce temps, une pauvreté endémique sévit au Congo. Tandis que les chocs pétroliers désarticulent l’économie basée sur une manne pétrolière dont les revenus fluctuent au gré des fixing spéculatifs.

Le pays s’endette. Exagérément. Presque 67 % de son PIB est absorbé par ces créances. A sa suite, le Tchad tombe dans l’escarcelle des projections : Déby Itno tombe quand Ali Bongo titube alors qu’au Mali c’est l’hécatombe. Ces variations de régime insupportent Bolloré qui misent moins sur l’industrie et davantage sur les services audiovisuels, la « nouvelle frontière » d’un Groupe familial en quête de repères dans une Afrique plus turbulente.

La raison ? L’accaparement des richesses quand des peuples entiers errent sans but ballotés entre insécurité, viols et violence sur des terrains que ne voient pas certains médias aveuglés par les lambris dorés.







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