La prochaine insurrection de la faim et du chômage au Sénégal risque d’être fatale au régime qui s’expérimente au terrorisme judiciaire pour encelluler l’opposition, les activistes et autres intellectuels et porteurs de voix. L’insécurité démocratique et la pauvreté extrême sont à l’apogée au Sénégal. Qui l’aurait cru en 2022, dix ans après l’avènement de Macky Sall au pouvoir ? Quel échec patent !
Selon l’enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM) au Sénégal menée par l’ANSD entre 2018 et 2019 (https://www.ansd.sn/ressources/rapports/Rapport-final-EHCVM-11092021%20vf-Senegal%20004.pdf), juste avant la survenue de la pandémie du Covid-19, plus de 51% des Sénégalais se percevaient comme très pauvres.
Cette enquête avait édifié, juste avant la pandémie, qu’au moins 38% des Sénégalais vivaient dans une pauvreté monétaire extrême et plus de 54% des ruraux étaient dans la pauvreté avec une profondeur de 15% au moins et une sévérité qui frisait les 4%.
Or, le rapport Grant Thornton sur l’impact à mi-parcours de la pandémie Covid-19 sur l’économie sénégalaise était sans appel (https://www.grantthornton.sn/globalassets/1.-member-firms/senegal/insight—publications/publications/covid-19–impact-sur-leconomie-du-senegal.pdf). Le taux de croissance qui était projeté à 6,8 – 7% en 2020 et même à deux chiffres en 2022, s’était finalement effondré jusqu’à 1,1%.
Les effets de la pandémie avaient exacerbé des contreperformances économiques comme la baisse des exportations de l’ordre de 16% au moins, la baisse des importations de 18%, et le repli de plus de 30% des envois de fonds qui représentent au moins 10% du PIB du Sénégal, et des impacts très significatifs dans les sous-secteurs de la Pêche, de l’Elevage, du Tourisme, de l’éducation et du BTP qui sont les principaux pourvoyeurs d’emplois.
Nul ne peut contester, même atteint de la cécité intellectuelle la plus incurable, que le Sénégal est à l’agonie économique qu’aucun plan de relance fusse-t-il des plus osés n’a pu sauver à date. Après avoir prématurément chanté une reprise imaginaire, en mars 2022, le FMI avait fini par conclure pour le Sénégal dans un charabia jamais égalé : «face à la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi qu’à l’accroissement des revendications sociales, maintenir la discipline budgétaire sera crucial pour préserver la viabilité de la dette. » (https://www.imf.org/fr/News/Articles/2022/03/18/pr2279-IMF-Staff-Concludes-Visit-to-Senegal)
Cette situation que le peuple avait exprimée violemment la première fois à l’occasion des émeutes politiques et de la faim de mars 2021 a été inopportunément aggravée par les effets du « blocus du Mali par la CEDEAO » menée par le Sénégal et la Côte d’Ivoire en tête et de la guerre entre la Russie et l’Ukraine entre autres.
Le Sénégal s’en retrouvera malheureusement à inaugurer des infrastructures de prestige couteuses qui noient l’économie dans l’endettement inefficace et sans impact direct sur les conditions de vie des populations, et à recourir à l’emprunt obligataire presque mensuellement pour faire face à des dépenses de fonctionnement les plus simples comme payer les salaires des fonctionnaires.
Ce rapport économique néfaste distinctif d’une inflation galopante et d’une hausse incontrôlée des prix de denrées de première nécessité, et de la pénurie des biens et services les plus essentiels pour une vie décente, est amplifié et majoré par une situation démocratique et institutionnelle au bord de l’implosion, et par la guerre silencieuse mais bavarde contre des positions rebelles ou de trafic de bois au sud du pays en Casamance.
Les ménages sénégalais qui ne savent plus par où donner la tête sont perdus entre des promesses non tenues et une pauvreté excessive durant une période de carême au même moment où des leaders politiques se donnent comme en spectacle au concours de distribution de sucre et de dattes moyennant le parrainage électif, dans les quartiers aplatis par l’insécurité alimentaire et la pauvreté indécente.
Voilà le portrait d’un pays sans « Premier ministre », et sans perspectives, et perdu par des hésitations incompétentes des dirigeants, où l’emprisonnement pour délit d’opinion est devenu monnaie courante, où les produits de première nécessité sont devenus rares et hors de portée de ménages de plus en plus pauvres et isolés dans les méandres des pénuries et des carêmes sous un soleil très chaud.
Une population abusée, violée par des politiciens qui circulent en voitures climatisées achetées par l’Etat et du carburant acheté avec nos deniers, qui prostituent les personnes les plus vulnérables et monnaient le parrainage contre un « ndogou » ou ration de coupure de carême.
Qui aurait cru qu’on en arriverait à cette calamité économico-institutionnelle depuis que la chanson de l’émergence a été inventée sous l’ère Macky Sall ? Tous les ingrédients d’une deuxième révolte de la faim sont en place. Alors, la prochaine émeute sera fatale, très fatale.
Dr Abdourahmane Ba est ingénieur statisticien, Docteur en Management, expert en Évaluation